Ma soeur chasseresse de Philippe Arseneault

Ma soeur chasseresse de Philippe Arseneault

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 22 septembre 2017 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Vive la culture chinoise

Les Québécois de souche francophone grinceront des dents ou seront emballés par ce roman de Philippe Arseneault né à La Tuque et qui a vécu en Chine. L’auteur se penche sur ces deux mondes. Il attribue la palme du mérite au peuple chinois aux dépens des Québécois qui se débarrassent, selon lui, de leur culture pour embraser celle des autres.

Contempteur des déviances culturelles de la nation dont il est issu, il juge que les aspirations québécoises sont nivelées par la base. L’instruction est devenue une risée. Être intelligent est une tare que l’on pointe du doigt. Plus personne n’a le droit d’être bollé (doué). Tous égaux, tous crétins. Philippe Arseneault s’en plaint amèrement. Il dénonce ceux qui se font tatouer pour ressembler à des pièces de viande estampillées AA dans les boucheries. Il ne supporte pas non plus les nombreux festivals qui inondent le Québec en été, tels le festival du cochon de Sainte-Perpétue, le festival du poulet de Saint-Félix-de-Valois. Ces réjouissances célèbrent moins nos origines agricoles que notre déconfiture identitaire.

Le héros, Roé Léry, alter ego de l’auteur, est professeur au pays du Soleil levant. Il revient au Québec pour des raisons spécifiques. Son séjour au pays des twits (couillons) lui donne la chance de se vider le cœur. D’abord, son éditeur lui a ordonné de relancer son livre Putrescence Street qui a connu un immense succès. Écrit pour plaire aux intellos qui carburent au franglais, le roman est d’une ironie que personne n’a relevée. On y a vu plutôt la célébration de notre nord-américanité déjantée. Comme les invitations à tous les talk shows n’occupent pas entièrement son temps, il lui en reste pour assister à la messe commémorative de la mort d’un ami d’enfance qui s’est suicidé. Cet événement tragique le rapproche de ses compatriotes. Roy Léry, baveux à souhait, a quand même du cœur. Assez pour accompagner son père pour une chasse à l’ours qu’ils attirent avec du pop corn sucré. Passage délirant qui nous repose de sa hargne habituelle.

Mais c’est Catherine Tremblay qui bénéficie le plus de l’attention soudaine qu’il porte à ses congénères. Doctorante, la jeune femme paie ses études comme péripatéticienne. Le héros l’a connue dans un lupanar où il se rendit pour satisfaire le manque occasionné par l’éloignement de son amoureuse chinoise, Meng Wu, qui, d’ailleurs, lui envoie un courriel (E-mail) pour lui annoncer brutalement qu’elle renonce à son amour. Loin des yeux, loin du cœur. Roé Léry encaisse le coup d’autant plus facilement qu’il a deviné que sa masseuse se servait aussi de ses mains pour rédiger une thèse sur Jeanne Mance, la cofondatrice de Montréal avec Maisonneuve.

Ce fut suffisant pour lui offrir de former un tandem afin de retrouver le corps de la sainte femme dévouée au service de la colonie naissante. Une femme que les religieuses ont inhumée dans la crypte de leur hôpital. Ne s’y rend pas qui veut, d’autant plus que l’on a conservé son cœur dans le formol à l’abri des regards fouineurs. Leurs péripéties invraisemblables pour atteindre le tombeau de Jeanne Mance composent le cœur du livre. Ça donne un récit palpitant qui nage au milieu d’interdits multiples. Réussiront-ils à naviguer au milieu des récifs ? Voilà le dilemme.

L’aventure soulève le questionnement de Roé Lévy. Sa fréquentation assidue d’une étudiante qui se prostitue l’incite à se situer face aux femmes. Qui sont-elles pour lui ? S’enchaînent alors une analyse du comportement de l’homme contemporain à l’égard du monde féminin. Comme il dénigre ses semblables à tous égards, il est en quête d’une vérité qui le fera grandir en amour. Y arrivera-il ? Un autre dilemme.

L’auteur mène de front les deux quêtes avec brio. Qui vainc sans péril, triomphe sans gloire. Ça ne s’applique pas au héros. Tout le torture. Il voudrait bien refaire le monde, mais sous l'angle de la culture chinoise. Philippe Arseneault l’illustre de belle façon dans une langue qui imite l’oralité et qui, parfois, transcende la mollesse linguistique..

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