Le retour
de Joseph Conrad

critiqué par Tistou, le 29 septembre 2017
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Atypique …
Cette nouvelle, traitant du délitement d’un couple, n’est pas dans la ligne des productions courantes de Joseph Conrad. D’ailleurs, lui-même l’écrit dans une préface qui date de 1919 :

« Tout compte fait, mon sentiment intime, aujourd’hui, est que « Le retour » est un ouvrage de la main gauche. Récemment, en parcourant ce récit, j’eus l’impression d’être assis sous un grand et coûteux parapluie tandis que battait violemment une lourde pluie. C’était une impression très troublante. On entendait chaque goutte tomber sur la soie résistante et tendue. Cette lecture me rendit muet pour le reste de la journée, je ne dirai pas exactement d’étonnement, mais d’une sorte de pénible incertitude. Je ne veux parler irrespectueusement d’aucune des pages que j’ai écrites. Psychologiquement ma tentative eut sans doute d’excellentes raisons ; elle en valait la peine, ne fût-ce que pour montrer à quels excès je pouvais atteindre dans cette sorte de virtuosité. »

Alan Harvey rentre chez lui, depuis la City. C’est un bourgeois des plus conventionnels, très attaché à ce que peuvent penser les autres de lui, ne donnant aucune prise à la fantaisie, au qu’en dira-t-on.
L’écriture de Joseph Conrad, plus encore sur cette nouvelle, est beaucoup basée sur des impressions physiques, visuelles, des éléments descriptifs abondants contribuant à générer le malaise dans lequel Alan Harvey va se trouver en rentrant chez lui.
Alan Harvey a quitté la gare et il arrive chez lui, traversant le West End.

…/… et il sonna à sa porte. Une femme de chambre vint ouvrir. C’était une marotte de son épouse que d’avoir seulement des femmes comme domestiques. Cette fille, tout en lui prenant son chapeau et son pardessus, lui annonça quelque chose qui le fit regarder sa montre. Il était cinq heures, et sa femme n’était pas rentrée. Cela n’avait rien d’extraordinaire. Il dit : « Non, pas de thé ! » et il monta au premier étage. »

Oui mais voilà, arrivant dans leur cabinet de toilette quelque chose détonne dans cet intérieur austère et sans fantaisie. Il y a une enveloppe posée là, à lui destinée, écrite de la main de sa femme. Elle lui annonce qu’elle est partie. Le ciel tombe sur ce conservateur bon teint ayant horreur de l’imprévu et des scandales, marié depuis cinq ans sans l’ombre d’un nuage à une femme qui remplissait parfaitement le rôle de représentation attendu d’elle.
Joseph Conrad remplit des pages pour rendre compte de l’introspection dans laquelle entre notre Alan Harvey. Introspection, supputation, incompréhension, notre homme est perdu.
Mais voilà que des pas retentissent dans l’escalier. C’est elle. Elle n’est pas allée jusqu’au bout de son dessein, et revient.
Nouvelles pages d’introspection, sans fin. Enfin si, car peu après minuit, soit quelques heures après le début de l’incident le point final sera mis.
Je ne vous dis pas comment, bien entendu ! Une chose est sûre : écrite de la main gauche ou non, ce « retour » ne ressemble pas vraiment aux autres productions de Joseph Conrad.