Le songe de Monomotapa
de Jean-Bertrand Pontalis

critiqué par Poet75, le 31 octobre 2017
(Paris - 68 ans)


La note:  étoiles
La parole d'un ami
Point n’est besoin de faire de grandes phrases ni d’user d’un jargon si obscur qu’il n’est compréhensible que par une poignée d’initiés pour s’exprimer en philosophe ou simplement en penseur. En leur temps, Montaigne puis Pascal ont donné l’exemple d’une réflexion solide ne nécessitant pas pour les lecteurs un effort de lecture si grand, si éprouvant, qu’il reste inaccessible à la plupart. Heureux les philosophes, les psychanalystes, les penseurs, les écrivains qui savent transmettre au moyen de phrases limpides leurs raisonnements même les plus alambiqués.
Le psychanalyste et écrivain Jean-Bertrand Pontalis, décédé en janvier 2013, était l’un d’eux. Ses livres, toujours brefs, n’ont rien de rebutant pour personne, pas même pour ceux que le mot de « psychanalyse » incite à s’enfuir ou à passer son chemin. Avec Pontalis, pas de crainte à avoir : chaque livre semble écrit par un confident ou par un ami qui n’a d’autre prétention que de faire quelques pas avec nous, que d’être un peu présent sur le chemin de notre vie comme un compagnon dont les paroles aident à vivre.
Or c’est précisément d’amitié dont il est question dans « Le songe de Monomotapa » (titre étrange qui se réfère à une fable de La Fontaine, « Les deux amis »). Composé de chapitres courts, l’ouvrage explore les nombreuses facettes d’un thème assez peu étudié. Dieu sait si, en psychanalyse, qui est la spécialité de l’auteur, on s’est interrogé sur la relation au père ou à la mère ou sur l’alliance amour/haine. Mais l’amitié, elle, n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études. Elle tient pourtant une place non négligeable dans la vie de plus d’un et mérite qu’on s’interroge à son sujet.
Qu’est-ce que l’amitié ? Comment naît-elle ? Comment meurt-elle ? Ces questions, et bien d’autres, sont abordées par l’auteur de la manière la plus simple qui soit. Pontalis puise volontiers dans sa propre expérience, ses réflexions se nourrissent de son vécu, de ses connaissances, de ses lectures, voire, l’une ou l’autre fois, de ce que lui ont confié quelques-uns des patients qu’il a entendus en tant que psychanalyste. Avec lui, nous relisons notre propre histoire, notre relation aux autres, et même notre attachement aux êtres vivants non humains ainsi qu’aux lieux. Laissons-nous surprendre et interroger. Avec Jean-Bertrand Pontalis, on est en bonne compagnie. Oui, on a vraiment le sentiment que c’est un ami qui nous parle.