Le tambour des larmes
de Beyrouk

critiqué par Dirlandaise, le 12 novembre 2017
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le secret de Rayhana
Rayhana habite avec sa tribu en Mauritanie situé au nord-ouest de l’Afrique proche du Sahara. Un jour, une équipe d’ingénieurs étrangers arrive et s’installe tout près du campement de la tribu des Oulad Mahmoud, la tribu de Rayhana. Ils sont à la recherche de gisements de pierres précieuses et l’un d’eux se joint souvent aux jeunes Mauritaniens le soir. Il remarque la beauté de la jeune fille et ne tarde pas à lui faire la cour. Une nuit il s’introduit subrepticement dans la tente de la famille de Rayhana et la rejoint dans son lit. La jeune fille doit se taire sous peine de rejet familial et de sanctions beaucoup plus graves. Elle ne tarde pas à tomber enceinte mais l’équipe de travail de son amant disparaît une nuit sans laisser de traces. La vie de Rayhana est bouleversée à jamais.

Ce roman assez court relève plutôt du conte. Il met en valeur le contraste saisissant entre le mode de vie millénaire des nomades et l’émergence de la modernité avec ses gadgets électroniques tels qu’ordinateurs et cellulaires. Le contraste entre la vie dans le désert et celle en ville est saisissant. C’est là que réside tout l’intérêt du récit qui raconte une histoire somme toute assez banale mais les coutumes ancestrales des tribus nomades y sont bien décrites et rendent le tout très instructif. J’ai bien aimé suivre les tribulations de Rayhana malgré la banalité de son histoire.

Beyrouk a reçu pour ce roman le prix Ahmadou Kourouma 2016, prix récompensant un ouvrage de fiction ou un essai consacré à l’Afrique noire.
Femme dans le désert 7 étoiles

Rayhana, fille de la sœur du chef de la tribu dont le père est parti parce que son autorité était contestée par la seule parenté avec le chef, est une jeune bédouine innocente et insouciante qui joue volontiers avec ses amies sur les dunes du Sahara au cœur de la Mauritanie. Elle se laisse séduire par un jeune bédouin vivant au camp de base installé par des Occidentaux à proximité du campement de la tribu pour prospecter le sous-sol de la région. Quand la chamane révèle à sa mère que sa fille est enceinte c’est le ciel qui lui tombe sur la tête, l’honneur de la famille est détruit, tous seront atteints même le chef. Il faut réagir.

Pour pallier cette situation, la mère se retire avec sa fille et deux serviteurs dans un lieu isolé pour que sa fille accouche en secret loin de tous. Au moment de rentrer au campement, elle laisse l’enfant à la servante qui les accompagnait, à l’immense douleur de la jeune fille. Elle sera mariée à un jeune garçon riche et bien né qui la courtise depuis longtemps mais elle lui refusera son corps. Elle préfère fuir en emportant le symbole de la puissance de la tribu ce qui lui vaut une haine éternelle de la part de tous. Elle fuit droit devant elle, rencontre quelques âmes charitables, se réfugie en ville mais ne retrouve pas son enfant. Elle doit encore fuir plus loin jusqu’à la capitale où elle croit se fondre dans la foule mais la haine de son peuple est inextinguible et la fatalité ne l’épargne pas. Ne pouvant faire confiance à quiconque, solitaire, elle devra fuir encore et toujours.

Beyrouk est certainement un grand poète, son écriture le révèle, elle lui permet de raconter des événements violents, brutaux, sans trop bousculer le lecteur. Cette histoire c’est l’histoire des peuples du désert qui ne peuvent survivre que parce qu’ils sont extrêmement solidaires, soudés par une profonde spiritualité et très respectueux des us et coutumes de leur tribu. Ces règles sont hélas très rigoureuses à l’encontre des femmes et ne leur laissent que bien peu de liberté, elles s’accommodent bien de l’islam le plus rigoriste qui a adopté les règles ancestrales appliquées aux femmes considérées comme des bêtes de somme que l’on peut battre et même abattre s’il le faut.

Ce livre c’est l’impossible lutte des femmes contre tous les pouvoirs, tous détenus par les hommes, dans l’immensité du désert où seule la loi de l’obéissance à sa place. Seul le groupe uni peut survivre, l’individu n’a aucune chance dans les sables brûlants, et le groupe c’est l’assemblée des hommes sous la houlette des familles dominantes exploitant les femmes et les esclaves. Un excellent terreau pour les extrémistes qui se sont installés dans le désert pour, comme leurs ancêtres, conduire le rezzou contre les autres peuples.

Débézed - Besançon - 77 ans - 9 juin 2020