Les enfants sont une bénédiction
de Buchi Emecheta

critiqué par Sahkti, le 18 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Un enfant et ensuite?
Nnu Ego est la fille d’un grand chef Ibo du village Ibuza, Agbadi. Ayant perdu sa mère très jeune, elle a été adorée et vénérée par un père soucieux qu’elle ne manque jamais d’amour. Il la marie à une jeune fermier riche, possédant déjà plusieurs épouses et constituant ce qu’on appelle un bon parti. Nnu Ego n’a qu’une envie : ne pas déshonorer son père, fonder une famille et rendre son mari heureux. Mais voilà, le temps passe et aucun enfant ne pointe le bout de son nez. Nnu Ego est humiliée et répudiée, une autre femme prend sa place et ne tarde pas à donner de beaux enfants à son ancien mari. Nnu Ego quitte le village et s’installe à Lagos (encore colonie britannique, nous sommes dans les années trente) où elle épouse Nnaife, un homme pauvre qu’elle n’aime pas et qui lui donnera sept enfants. Nnu Ego leur donne tout, sacrifiant complètement sa vie et ses idéaux. Elle estime qu’elle lui doit cet asservissement, à cause des enfants qu’il lui donne : "C’est seulement maintenant, avec ce fils, que je vais commencer à aimer cet homme. Il a fait de moi une femme et une mère. Alors pourquoi le haïrais-je maintenant ?"
Prisonnière à jamais de cette reconnaissance qu’elle entretient envers son mari et sa famille, Nnu ego devient l’ombre d’elle-même. Son mari est blanchisseur dans une riche famille blanche mais cette dernière rentre un jour en Angleterre, Nnu Ego doit cumuler les petits boulots pour faire bouillir la marmite. Son mari boit, ne fait plus rien, Nnu Ego voudrait envoyer ses enfants à l’école. Elle sacrifiera toute fierté pour cela, vivant dans la misère, épargnant le moindre sou afin de scolariser ses petits. Elle ne s’en relèvera qu’avec difficulté, épuisée et délaissée.
Les années passent, les enfants sont partis, plus personne ne regarde cette femme fatiguée de la vie qui passera le restant de ses jours à attendre désespérément le retour des siens.

Très beau roman de Buchi Emecheta qui livre ici un vibrant hommage aux femmes brimées par des coutumes ancestrales à la limite de la barbarie. Vous ne pouvez donner d’enfant à votre mari ? La porte vous attend ! C’est la douloureuse mésaventure qui arrive à Nnu Ego, qui se retrouve perdue dans cette grande ville qu’est Lagos, une ville où les pratiques villageoises n’existent plus, où elle ne représente qu’un numéro parmi d’autres, une mère de famille comme il en existe tant soumise à la vie rude et trépidante d’une ville en perpétuelle ébullition. Pas question à Lagos que les garçons assument les charges de la famille toute entière ou que les filles fassent un bon mariage qui apportera richesse au clan. C’est le régime du chacun pour soi et très vite, les enfants de Nnu Ego la quittent pour se consacrer à leurs études ou à leurs vies de familles.

Un livre qui ouvre la voie de la réflexion. La maternité est-elle source de tous les bonheurs ? Est-ce en elle qu’on trouve l’accomplissement et l’épanouissement ? Ceux-ci peuvent-ils varier en fonction d’un lieu ou d’une culture ? Quel rôle adopter face à ses enfants, quelle place leur accorder ?
Récit bouleversant, très pudique tout étant très dur. La vie d’une femme brisée par la fatigue et portée par l’amour des siens.
LE PÈRE GORIOT, VERSION FÉMININE AU XXe SIÈCLE 6 étoiles

Je ne reviendrai pas ici abondamment sur l’histoire, déjà très bien décrite dans les autres critiques. Disons simplement que « Les enfants sont une bénédiction » est avant tout l’histoire de Nnu Ego, qui tout au long de sa vie ira de sacrifice en privation pour le bien-être et l’éducation de ses enfants, surtout les enfants mâles d’ailleurs.
Son seul but dans la vie est d’essayer d’avoir assez d’argent pour envoyer des garçons à l’école, afin que devenus grands ils s’occupent de leurs parents. Malheureusement le monde post Deuxième Guerre Mondiale est en évolution rapide, les traditions et les croyances ancestrales disparaissent très rapidement.
Le parallèle avec le récit « Le père Goriot » d’honoré De BALZAC m’a d’ailleurs souvent interpellé en tenant compte bien sûr du changement d’époque et de continent.

Disons le tout de suite, c’est une écriture simple, facile à lire, écrite comme on parle. C’est ne pas de la « grande littérature », compliquée à lire et qui « prend la tête ». C’est plus ici avant tout un récit de mœurs et de coutumes. Mme. EMECHETA nous évite les fioritures, les détails inutiles. Les descriptions vont à l’essentiel, mais c’est surtout sur les événements et sur le dialogue que se concentre le livre.
L’aspect le plus intéressant ayant été pour moi de découvrir le mode de vie au Nigéria dans les années 1930-1950. On découvre ainsi une société quasiment encore féodale, où le colonisateur blanc (ici les anglais) domine et écrase de son pouvoir toute la population. Une société où les femmes sont considérées comme des êtres inférieurs, tout juste bonnes à rapporter une dot à leur familles lors du mariage et destinées à mettre au monde des enfants de préférences mâles !...
Très intéressantes aussi les descriptions des mœurs des populations p. ex. la différence qui existe entre la population qui vit à Lagos (la plus grande ville du pays) et celle des « campagnes » considérées comma arrièrées, ou encore le différence entre les deux grandes ethnies qui habitent le pays, les Igbos chrétiens et les Yorubas musulmans.

Un bon livre de Buchi EMECHETA, une beau portrait de femme, une bonne introduction à son œuvre pour ceux qui voudraient découvrir son écriture, mais sans doute pas son meilleur livre !...

Rappelons que Mme. Buchi EMECHETA a été nominée de nombreuses pour le Prix Nobel de Littérature.

Septularisen - - - ans - 18 octobre 2015


Fort. 10 étoiles

Une très belle découverte.
Les romans d'Emecheta Bucci ont cela de fort, qu'il nous tirent toujours une réaction et jamais ne laisse indifférents.
Dans "les enfants sont une bénédiction", l'on se balade dans la ville de Lagos, l'on vit le quotidien d'une femme qui se bat pour l'avenir de ses enfants (mâle, surtout) et au final... Doit-on tout attendre de ses enfants?
à lire, simplement.

Imani - Toulouse - 44 ans - 19 février 2008