Averroès ou le secrétaire du diable
de Gilbert Sinoué

critiqué par Elko, le 1 février 2018
(Niort - 48 ans)


La note:  étoiles
La vérité ne saurait être contraire à la vérité
Averroès, Al Andalus, Cordoue. Immédiatement des images surgissent : palais somptueux, jardins aux fontaines cristallines, société raffinée et cultivée, épanouissement des arts et des sciences, douceur de vivre et cohabitation harmonieuse des religions du Livre. Images d’Épinal car même le plus grand penseur andalous dut avancer masqué.

Dans cette biographie romancée, Gilbert Sinoué met sa plume au service d’un génie touche à tout connu notamment pour avoir traduit et commenté le païen Aristote et offert ainsi sa pensée aux occidentaux.
Averroès est le fils et le petit-fils de cadis respectés. Juriste, médecin, philosophe, il côtoie les grands de son époque, intellectuels et puissants.
L’ouvrage alterne parties biographiques et parties testamentaires, qui illustrent l’accueil de ses thèses au cours des décennies et des siècles qui l’ont suivi. Ces dernières montrent à quel point l’héritage d’Ibn Rochd a été diversement perçu, sacrilège pour les uns, modèle pour les autres.

La pensée d’Averroès met la raison au cœur de son processus. Il n’oppose pas ni ne hiérarchise la foi à la raison, car seule la vérité prime. Universalité de l’intelligence, âme mortelle, dieu qui ne se soucie pas des singularités, monde régit pas la causalité et non la fatalité, il développe de nombreuses thèses audacieuses. Bien sûr dès qu’il s’agit de discuter la Révélation, l’opposition des docteurs orthodoxes de la foi n’est pas loin. Sinoué montre bien les difficultés que rencontra le Commentateur qui dû faire preuve de précautions voire de compromissions pour assurer un héritage si sensible.

Un beau voyage dans un monde et une époque où la Lumière ne pouvait pas briller de tout son éclat.