La Route au tabac de Erskine Caldwell, Maurice Edgar Coindreau
(Tobacco Road)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Tistou, le 2 février 2018 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Au plus profond du plus profond du Sud …

C’est la Grande Dépression aux Etats-Unis, les années 30. C’est le Sud, rural et quasi inculte, une misère typiquement sudiste comme on imagine difficilement mais qu’on aborde aussi chez des auteurs tels William Faulkner ou Ernest J. Gaines.
Soit le Sud profond, la Géorgie donc, années 30, au milieu de nulle part. Les cultivateurs parviennent tout juste à subsister, c’est le cas de Jeeter Lester et de sa (très) nombreuse famille, qui n’a littéralement pas un sou vaillant et rien à se mettre sous la dent. Au point, au début du roman, de voler le sac de navets péniblement acheté et acheminé à dos d’homme par Lov Bensey, son beau-fils qui a épousé sa dernière fille, Pearl, 12 ans ( !). Ce pourrait être burlesque, c’est en fait du grotesque-tragique, c’est juste désespérant.
Mais revenons à Jeeter Lester et sa femme. 17 enfants ! Mais ne restent encore dans la ferme ( ?) familiale que lui et sa femme, la grand-mère littéralement ignorée, méprisée et affamée, une fille, Ella May, affectée d’un bec de lièvre et considérée comme « incasable » et un fils, Dude, dont l’idéal dans la vie consiste à ne rien faire ou à rêver de conduire une belle automobile. Les 15 autres enfants ? Morts ou partis. Définitivement, loin et surtout dans un endroit où il est possible de subsister, ce qui n’est manifestement plus le cas du canton rural où vit la famille Lester. On comprend que plus aucune nouvelle n’est donnée de la part des enfants partis, il faut dire … Il faut dire que Jeeter Lester c’est un peu le pire du pire. Il ne fonctionne qu’en mode de survie, dans une fainéantise crasse. N’imaginant que de vivre sur le dos des autres ; vol des navets ( !) achetés par Lov Bensey, procrastination puissance dix, n’imaginant remettre ses champs en culture du coton que par le biais de tel qui lui donnerait des graines, tel autre qui lui prêterait une mule et encore un autre qui lui ferait crédit pour acheter le guano nécessaire à la fertilisation. Bien entendu c’est totalement hypothétique et irréaliste et donc, pas de culture, pas de travail et pas de revenus, et on crève la faim et on se laisse … décomposer. Oui, en quelque sorte c’est une sorte de décomposition de cette société rurale sudiste que nous dépeint Erskine Caldwell.
Rajoutez à cela des figures croquignolesques comme cette Bessie Rice, fraîche veuve et évangéliste (déjà à cette époque !) de son état, qui n’apparait que pour mettre la main sur le fils, Dude, plutôt décrit genre adolescent boutonneux, qui pourrait être son fils et qu’elle convainc de partir avec elle et de l’épouser en annonçant qu’elle va consacrer les 800 dollars qui lui viennent de son récent veuvage à acheter une automobile neuve. Une automobile neuve là-bas, c’est la grande, la très grande affaire, et c’est à vrai dire la seule chose qui peut animer l’intérêt de Dude. Bessie achète l’automobile, épouse Dude, écrase la grand-mère au passage, bousille la dite automobile dans les trois jours qui suivent …
C’est indescriptible de grotesque tragique. Traduit par Maurice Coindreau, entre autres traducteur reconnu de William Faulkner. Tout ceci est parfaitement écrit. Et parfaitement insupportable de misère et d’abrutissement.
Ah, la Grande Dépression … !

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