Cinq branches de coton noir
de Yves Sente (Scénario), Steve Cuzor (Dessin)

critiqué par Shelton, le 11 février 2018
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Choc graphique à découvrir, grande bande dessinée à lire !!!
On en a beaucoup parlé ici déjà et, pourtant, il est temps que je vous propose ma vision de cet album Cinq branches de coton noir d’Yves Sente et Steve Cuzor, un magnifique album publié par les éditions Dupuis dans la collection Aire libre qui fête cette année ses trente ans d’existence…

Yves Sente est connu, surtout, pour ses reprises des séries XIII, Thorgal et Blake et Mortimer. Pourtant, les grands lecteurs de bandes dessinées se souviennent d’une très grande et exceptionnelle histoire, La vengeance du comte Skarbek, réalisée avec Grzegorz Rosinski… Seulement, voilà, quand on arrive à signer avec talent de grandes reprises, il est plus difficile de se positionner sur des projets personnels… Et c’est le cas cette fois-ci avec cet album…

Steve Cuzor est un dessinateur que j’ai rencontré la première fois autour d’une série chez Casterman, Blackjack au début du vingt-et-unième siècle… j’avais beaucoup aimé sa façon de dessiner ses personnages. Je l’avais lu dans la série Quintett pour laquelle il avait dessiné le tome 3 puis, je l’avais perdu de vue…

Il faudra l’insistance éclairée d’un ami pour que j’emprunte à mon libraire préféré cet album, que je le lise, que je sois séduit, que j’aille voir l’exposition consacrée à cette histoire lors du dernier festival d’Angoulême, que je prenne le temps d’interviewer les deux auteurs… et, maintenant, que je prenne le temps d’écrire ma chronique…

Pour ceux qui n’ont pas encore compris la situation de l’édition « bande dessinée » il faut rappeler que les près de 5000 publications annuelles rendent difficile voire impossible de tout lire… Du coup, on peut passer à côté de petites merveilles… sauf si les amis nous aident à y voir clair !

L’histoire de ces Cinq branches de coton noir est à la fois simple et complexe car elle se déroule sur plusieurs époques et plusieurs lieux. Pour faire simple, sans pour autant vous priver du suspense, on peut dire que nous allons partir à la recherche du premier drapeau des Etats-Unis, celui conçu par George Washington lui-même, celui créé par Betsy Ross, celui modifié par une certaine Angela Brown… C’était en 1776…

Ce drapeau a connu toute une vie perturbée car il fut pris par l’ennemi, s’est retrouvé en Allemagne, en Angleterre, en France… Et voilà que des soldats américains reçoivent comme mission de le reprendre à un dignitaire nazi qui l’a récupéré… Nous sommes pendant la Seconde Guerre Mondiale…

Je n’ai pas envie de vous en dire beaucoup plus car le scénario est tellement bien dosé et calibré au millimètre que pour vous sauvegarder la lecture il faut savoir se taire un peu… Attention, quand même, ne croyez pas qu’il s’agit d’un simple hommage aux Américains, à leur bannière étoilée et aux guerriers… En fait, le propos de l’album est beaucoup plus large, beaucoup plus humain, beaucoup plus profond…

Il est question d’une histoire qui prend ses racines dans l’histoire des Etats-Unis et qui va parler de l’humanité entière car elle aborde les notions, concepts et réalités de la nation, de l’amitié, de la fidélité, de l’égalité des hommes, du travail, de la guerre, de la vie, de la mort, de la transmission, de l’autorité… Oui, on passe tout en revue, le lecteur se laisse prendre, n’oppose aucune résistance…

Il est maintenant temps de vous parler du graphisme de Steve Cuzor, des spécificités de sa narration graphique, de l’adéquation de son style à cette histoire ! Oui, j’ai le sentiment de voir un dessinateur arriver à son paroxysme et je ne voudrais pas dire par là qu’il ne fera plus rien après, seulement qu’il ne pourra pas plus faire comme avant ! La première chose qui saute aux yeux c’est que nous sommes ici dans une bande dessinée où les visages délivrent les sentiments, les émotions, les informations… Quand on était dans l’exposition, on sentait cela, quand on lit l’album on se pénètre de cette réalité et quand on referme le livre, que l’on tente de se souvenir… on voit le visage de Betsy, de Justin, de Lincoln, d’Angela, Johanna… et tous les autres car même les personnages secondaires sont bien dessinés ce qui les rend vivants, attachants, bien réels…

Il faudrait aussi dire un petit mot des couleurs, travail de Meephe Versaevel. Certes l’album en noir et blanc est magnifique mais le jeu des couleurs est très bien réalisé et ces dernières participent indiscutablement à la narration… Du grand art !

Alors, puisqu’il faut à un moment refermer cette chronique, je crois qu’il est tempos de dire la vérité de façon claire et précise : Yves Sente et Steve Cuzor démontrent de façon indiscutable et définitive qu’avec « Cinq branches de coton noir » ils sont devenus des grands auteurs du neuvième art, que cet album va entrer dans les chefs d’œuvres que l’on va garder précieusement chez soi, que l’on relira avec plaisir et que l’on prêtera à ceux que l’on aime !

Et donc, encore un merci sincère à celui qui m’a poussé à lire cette bande dessinée !
coup de coeur 10 étoiles

Bonjour les lecteurs ...

ATTENTION ... COUP DE COEUR !

"Philadelphie, 1776. Mrs Betsy est dépêchée par les indépendantistes américains pour concevoir le tout premier drapeau des futurs États-Unis d'Amérique. Sa domestique, Angela Brown, décide alors de transformer cet étendard en un hommage révolutionnaire, en y adjoignant en secret un symbole inestimable...
Lorsqu’il s’est engagé en 1944 pour combattre les nazis, le soldat Lincoln pensait atterrir sur le front français. Mais les soldats de couleur de l’armée américaine ne sont pas autorisés à avoir l’étoffe des héros.
Une découverte de sa sœur, à savoir le journal d’une domestique noire de 1776, va lui permettre de finalement rejoindre les combats, à la recherche d’une relique perdue mais qui pourrait faire tomber les lois de ségrégation."
Cette histoire nous parle du destin tragique de la communauté Afro-Américaine des États-Unis qui pour survivre a dû faire d’énormes sacrifices.

L'histoire est passionnante, le dessin talentueux.
Les 170 pages s'engloutissent à toute vitesse.
On se prend rêver que tout ceci aurait pu être vrai.

Ne passez pas à côté de cette BD.. si vous ne deviez en lire qu'une cette année, optez pour celle-ci !

Faby de Caparica - - 63 ans - 9 mars 2018


Une réussite ! 10 étoiles

Cette épaisse bande dessinée (170 pages tout de même) marquera sans nul doute l'année 2018.
Loin des reprises plus ou moins heureuses de séries phares comme "Blake et Mortimer" ou "Thorgal", Yves sente nous livre là un scénario original et passionnant comme il l'avait magistralement fait avec "la vengeance du comte Skarbek".
Nous suivons ici le destin de ces trois soldats noirs, ces "monuments men" pris dans le débarquement de 44 et dans la bataille des Ardennes, à la recherche du premier drapeau américain.
En révélant la particularité de ce drapeau confectionné par Betsy Rose, Yves Sente nous plonge dans la guerre d'indépendance de 1776, mais aussi dans la lutte contre la racisme, à travers l'histoire d'Angela Brown.
Mêlant fiction et réalité, cet ouvrage est remarquable.
Il l'est d’autant plus que l'histoire est illustrée par Cuzor. J'ai eu l'occasion de feuilleter la version noir et blanc (un peu chère) de cette aventure, et bien je dois dire que la version dite commerciale,rehaussée par la palette de couleurs de Meephe Versaevel, est encore plus réussie.

Une histoire forte, mise en lumière par un dessin talentueux.... que demander de plus?

J'en conseille vivement la lecture.

Hervé28 - Chartres - 55 ans - 3 mars 2018


"Cinq branches de coton noir" d'Yves Sente et Steve Cuzor 10 étoiles

Pourtant habitués des univers bien connus dans le Neuvième Art, les auteurs Yves Sente (scénariste pour Blake et Mortimer, Thorgal, XIII etc.) et Steve Cuzor (dessinateur pour XIII, Blackjack, O’Boys etc.) se retrouvent réunis ici pour Cinq branches de coton noir, un ouvrage paru du côté de Dupuis. Les deux hommes proposent une fiction qui remonte le fil de l’Histoire afro-américaine à travers l’époque actuelle, la guerre de Sécession et la Seconde Guerre mondiale. Un programme bien alléchant et qui n’a pas manqué de retenir l’attention de Lettres it be qui vous en livre ici quelques mots.

# La bande-annonce

Philadelphie, 1776. Mrs Betsy est dépêchée par les indépendantistes américains pour concevoir le tout premier drapeau des futurs États-Unis d'Amérique. Sa domestique, Angela Brown, décide alors de transformer cet étendard en un hommage révolutionnaire, en y adjoignant en secret un symbole inestimable...
Douvres, 1944. Le soldat Lincoln se morfond dans son camp militaire, entre discriminations raciales et bagarres quotidiennes. Jusqu'à ce qu'il reçoive une lettre de sa soeur, Johanna, annonçant qu'elle a découvert dans les possessions de leur tante décédée les mémoires d'Angela Brown - rien de moins qu'un témoignage d'une rareté et d'une valeur exceptionnelles. Si l'histoire relatée dans ces mémoires est réelle, alors c'est l'histoire des États-Unis qui est à récrire.
Sauf que l'emblème américain est aux mains des Allemands nazis, qui l'ont dérobé ainsi que d'innombrables trésors, au cours de leurs pillages. S'ensuit donc la mise en place d'une opération de la plus haute importance, à laquelle participe Lincoln...

# L’avis de Lettres it be

Dès les premiers phylactères, dès les premières planches, on y est ! Steve Cuzor et Yves Sente plantent une ambiance terriblement immersive. On est tout de suite plongé en Angleterre, en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que les forces alliées rivalisent d’inventivité dans le cadre de l’opération Fortitude plutôt méconnue aujourd’hui mais incroyable au regard de l’enjeu : faire croire à un débarquement imminent en France à l’aide d’une accumulation sur les plages de chars … gonflables ! Une opération militaire qui est restée dans les annales, et le duo d’auteurs se sert de cela pour ouvrir son histoire. Ensuite, le fil va se dérouler sans laisser au lecteur la moindre fenêtre de tir pour quitter la bande dessinée.

Au-delà de l’ambiance, la qualité du dessin est au rendez-vous. Difficile de ne pas reconnaître dans les traits de Steve Cuzor l’ambiance d’un bon vieil album de XIII. La mise en couleurs est idéale, jamais forcée, détaillée juste ce qu’il faut. Quelle que soit l’époque, et avec une colorimétrie qui diffère en fonction des âges, on retrouve une ambiance typique qui ne manque pas de donner un ton tout particulier à l’histoire racontée. Rien d’extraordinaire, mais le dessin sonne juste et c’est déjà très bien !

Et des références, ce n’est pas ce qui manque dans cette BD ! Yves Sente et Steve Cuzor multiplient les clins d’œil et les appels du pied à de grandes œuvres du genre, tous domaines confondus. On croise donc au hasard des planches, une croix gammée creusée à même la peau façon Inglorious Basterds de Tarantino ou encore la compagnie (ayant véritablement existé) des Monuments Men aussi évoquée dans le film de George Clooney en 2014. Et il y en a comme ça un peu partout, de sorte à offrir une petite chasse aux trésors pour le lecteur curieux. Encore un point fort qui vient s’ajouter à la longue liste des choses à retenir sur ces Cinq branches de coton noir.

C’est un véritable coup de maître que réalise le duo formé par Yves Sente et Steve Cuzor. A travers cette histoire montée de toutes pièces mais qui pourtant tient bien debout, appuyée sur tout un édifice d’éléments historiques concrets, on prend part à une véritable aventure à travers les âges et les époques. Et au-delà des courses poursuites, au-delà des faits d’armes et des chassées-croisées de la destinée, c’est tout un pan de l’Histoire afro-américaine qui se laisse découvrir et penser. Un vrai coup de cœur côté BD pour ce début d’année 2018 !

Lettres it be - - 30 ans - 2 mars 2018