Exercices de style de Raymond Queneau

Exercices de style de Raymond Queneau

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire , Littérature => Francophone

Critiqué par Sallygap, le 24 mai 2004 (Inscrite le 18 mai 2004, 47 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 19 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (525ème position).
Visites : 11 806  (depuis Novembre 2007)

Une curiosité plaisante

L'histoire de base n'est pas bien longue à raconter, je vais vous la servir à ma sauce: un jeune homme dans un bus voit un autre jeune homme étrangement habillé; ce dernier se fachouille avec un autre passager et le premier jeune homme le recroise plus tard...c'est sensiblement ça les détails en moins. Queneau va nous raconter 99 fois cette petite histoire de 99 façons différentes.
L'oeuvre porte vraiment bien son nom, et dans ces exercices, on passe du coq à l'âne; "métaphoriquement", "onomatopées", "apartés" pour en citer quelques uns ... c'est souvent drôle et c'est aussi un travail énorme. Ces "exercices de style" sont une vraie curiosité littéraire.

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Un jour sans fin

9 étoiles

Critique de Froidmont (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 33 ans) - 8 mars 2024

Rondeau

Je montais dans l’autobus S
Quand je vis un jeune homme sot
Agonissant de vilains mots
Son voisin qui, dit-il, l’agresse.

Puis il vint à caler ses fesses,
Surmontées d’un affreux chapeau
Avec à son tour une tresse,
Et se tut le jeune homme sot.

Le temps file à toute vitesse,
Revoilà le godelureau
A la gare, son paletot
Examiné avec adresse.
Je monte dans l’autobus S.

Ballade

Dieu que les hommes peuvent être sots !
Dans la touffeur de l’autobus dit « S »
De mon propre œil, je ne le vis que trop.
Nous y étions serrés par l’étroitesse.
Quand à rouler cet autobus S cesse,
Un mouvement comprime plus la foule
A mesure qu’on en parte ou déboule.
J’y vis un homme au cou comme un lutrin
Avec au chef un chapeau qui me soûle.
Maudis sois-tu, toi et ton galurin !

A ce moment cet horrible crapaud,
Jugeant qu’au corps un peu trop on le presse,
Monte d’un trait sur ses plus grands chevaux :
Dans l’autobus, il crie comme en détresse
Que son voisin le rudoie, le compresse.
Son œil de feu dans son orbite roule ;
De ce jeune homme la rage s’écoule :
Il prend à parti le fameux voisin,
Puis va s’asseoir, l’air de rien, homme cool.
Maudis sois-tu, toi et ton galurin !

A Saint-Lazare, encore ce chameau,
Brailleur de mots et sans délicatesse,
Que je revois avec quelque Pierrot
Qui gentiment auprès de lui s’empresse
Non d’enlever à son chapeau sa tresse.
De sa voix douce son ami roucoule
Qu’il vaudrait mieux remonter cette boule
Car son manteau lors ne ressemble à rien.
Il est piteux ! Bon sang, ça me défoule !
Maudis sois-tu, toi et ton galurin !

Prince Jésus, que sa tresse s’enroule
A son long cou et serre tout son soûl !
Je hais du cœur cet insolent gamin !
Qu’à tout jamais au loin il débaroule !
Maudis sois-tu, toi et ton galurin !


Tout le principe est là pour ce livre superbe. Cette compilation fait une étrange gerbe où une même histoire se voit raconter, histoire au demeurant sans aucun intérêt, 99 fois de façon différente.

A la base un défi de plus modeste pente, Queneau l’a relevé et poussé bien plus loin. Il faut y voir le jeu d’un de ces oulipiens. Certains modes sont juste impossibles à lire, d’autres, si amusants, déclenchent le plaisir. Les plus lourds sont d’ailleurs assemblés au milieu : on comprend leur principe, on saute vers un mieux, et l’on avance ainsi, s’arrêtant au vouloir, admirant chez Queneau l’impressionnant pouvoir de l’imagination et créativité qui à trop les toucher pourraient nous enchanter. Alors germe l’envie d’en faire tout autant, prolonger le défi bien au-delà de cent.

Merci monsieur Lescure pour ce beau défi ! Merci monsieur Queneau qui mit la poésie dans le charme changeant du vinyle rayé, qui par ces exercices coupe l’herbe aux pieds du fâcheux critiquant un tout nouveau roman : « Mais c’est du déjà-vu, rien n’y est innovant ; une histoire d’amour comme il y en a tant ! » Qu’importe que l’histoire bégaye dans le temps pour peu qu’on nous la conte un peu différemment ! Tout ouvrage n’est pas un renouvellement.

Une invitation à jouer avec la langue

7 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 19 octobre 2020

On en a fait régulièrement je crois des adaptations théâtrales (j’ai moi-même, dans une ancienne vie, assistée à l’une d’entre elles) sans doute parce que sa structure en « sketchs » s’y prête plutôt bien : ils provoquent en effet par leur absurdité, leur répétitivité et leur décalage un effet comique indéniable ! J’irai jusqu’à dire que c’est aussi un recueil de poèmes : la magie des mots et la prépondérance du rythme me l’évoquent en tout cas irrésistiblement !

Si la plupart des variantes sont très compréhensibles, certaines se heurtent à toute compréhension pour le commun des mortels, je pense évidemment à celles liées à une figure de style savante (synchises, aphérèse, paréchèses, épenthèses, paragoges, entre autre) inconnues du quidam. Mais sous ce vernis sophistiqué, bien vite l’humour de Raymond Queneau jaillit quand on prend le temps de chercher leur définition, à ces figures de style : il les détourne joyeusement ! Ainsi de Apocopes (« abréviation du mot complet, en gardant uniquement son ou ses premiers phonèmes ou syllabes », qui a transformé « cinématographe » en « cinéma » puis même en « ciné »), qui fait chez Raymond Queneau transformer « Je monte dans un autobus plein de voyageurs » en « Je mon dans un aut plein de voya » ! On l’imagine rire sous cape en écrivant ses récits, comme autant de « blagues » potaches !

Je ne cache pas que le côté répétitif de l’œuvre, sans parler de la situation de départ, d’une grande banalité de la vie quotidienne et qui ne fait pas rêver à la base, a fait que je m’y suis repris à plusieurs fois pour arriver au bout alors qu’elle n’est pas très épaisse en elle-même. Cela vaut néanmoins le coup. D’abord parce qu’on a là un des textes fondateur de l’Oulipo et qu’on est assez impressionné par le talent débridé de l’auteur et son imagination, même si en la matière Georges Perec, avec la Disparition reste pour moi indépassable (son compère Raymond ne lui aurait-t-il pas cependant soufflé l’idée avec son soixante-neuvième exercice, un lipogramme en E ?).

Mais ici le propos de Raymond Queneau n’était pas tant d’épuiser une contrainte, comme dans le vertigineux roman de Georges Perec, que d’ouvrir un horizon : Il a écrit quatre-vingt-dix-neuf variantes de la même situation, nous montrant la voie d’un jeu poétique, auquel il ne tient qu’à nous, avec le même enjouement, d’y participer, et d’écrire un centième exercice de style, juste pour le plaisir et le sourire !

excellent !

9 étoiles

Critique de Chloe-44 (, Inscrite le 13 février 2013, 27 ans) - 27 juin 2013

C'est un livre que j'ai eu à lire cette année pour le lycée, j'avoue que ça ne m'emballait pas, et pourtant j'ai adoré ! Cette même histoire écrite chaque fois d'une manière différente, rend le livre amusant. Où Queneau est-il allé chercher toutes ces idées ?
L'histoire, racontée uniquement avec des métaphores, ou en alexandrins est, malgré la banalité de la scène, toujours accrochante, chaque page on se demande de quelles manières vont être tournées les choses !
La preuve que selon la manière dont on raconte une histoire, elle peut avoir presque différents sens, on ne se concentre pas sur la même chose ...
Bref, j'ai vraiment adoré !

De la littérature humoristique

10 étoiles

Critique de Marcel11 (Paris, Inscrit le 23 juin 2011, 26 ans) - 12 juillet 2011

Venant tous d'une histoire anodine, Raymond Queneau a bien su mettre dans d'autres formes, et beaucoup de formes sont drôles ; parmi mes préférées je peux citer : L'ode, vers libres, alexandrins et sonnet puisque j'aime beaucoup la poésie ; vulgaire, métaphore et en partie double pour l'humour. Je met 5/5.

Une performance longuette.

6 étoiles

Critique de Soldatdeplomb4 (Nancy, Inscrit le 28 février 2008, 35 ans) - 16 décembre 2008

Certains m'ont particulièrement plu, en particulier "injurieuse", "loucherbem", "télégraphique", "théâtral" et quelques autres... Mais à part approuver d'un coup de menton pour la performance d'écriture, lire tous les épisodes où les lettres sont mélangées, avec les 5 sens, l'argot trop incompréhensible, ... C'est plutôt ennuyeux.
Lisez-le vite fait (c'est très rapide) par curiosité.

Et à part pour la performance ?

5 étoiles

Critique de Nanardstef (, Inscrit le 6 juin 2008, 47 ans) - 5 juillet 2008

Je veux bien croire qu'il s'agit là d'un travail énorme et d'une originalité folle. Je veux bien admettre qu'on peut y trouver un intérêt pour peu qu'on soit intéressé par ce type d'exercice ou qu'on soit soi-même un tant soit peu écrivain.
Mais franchement ... au bout de 10 minutes et 4 lectures (2 minutes par style + 2 minutes à s'en remettre : 8+2 = 10), j'avais déjà envie de passer à autre chose.
Et y revenir tient plus du sacerdoce que de la quête de jouissance ...

Il fallait y penser

9 étoiles

Critique de Lolie77 (, Inscrite le 15 avril 2008, 38 ans) - 16 mai 2008

Un livre avec la même histoire à toutes les pages, mais on ne s'ennuie pas!!!!
Des éclats de rire pendant la lecture et le plaisir de le rouvrir n'importe quand et n'importe où dans le livre pour avoir le sourire!!

Merci Mr Queneau pour ce livre!!

croque en disant Lou

8 étoiles

Critique de Bertrand-môgendre (ici et là, Inscrit le 9 mars 2006, 69 ans) - 10 mai 2008

Un petit florilège de tableaux vivants, animés de personnages sculpturaux.
Croquandises amusantes finement savourées par le regard inquisiteur d'un joyeux dessinateur de mots.
Il tricote léger, régulier, son patchwork damassé, ourlé de fil de jour quelconque, en lieu commun, entrelacé de ce bon goût de pain frais croustillant.

Il fallait le faire

8 étoiles

Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 10 mai 2008

Ça c’est ce que j’appelle écrire avec style ! L’idée de départ est géniale : la même histoire racontée de 99 façons différentes. J’ai adoré. Pourquoi 99 ? Est-ce que la centième est celle du lecteur ?

C’était délicieux et drôle. « Maladroit » est probablement la façon que j'écrirais l'histoire, « Antonymique » est celle qui m’a fait le plus rire. J’ai passé un bon moment de lecture.

Ça m’a fait penser à l’histoire du poulet qui traverse la route qu’on peut retrouver sur Internet. L’édition que j’ai donne aussi quelques idées de lecture dans le même vent, dont Joconde jusqu'à cent de Hervé Le Tellier que j’ajoute immédiatement à liste infinie de livres à lire.

De l'art de varier...

10 étoiles

Critique de Module (, Inscrit le 5 janvier 2008, 51 ans) - 1 avril 2008

A lire et à relire, Queneau est sans conteste l'un des écrivains les plus originaux qui soient, ramassé et rapporté en 99 variations stylistiques la narration d'un épisode des plus banal pour en faire une sorte de jeu littéraire qui rebondit à chaque page est une gageure que peu d'impétrants auraient pu réussir à tenir. Il s'y essaie, il s'y tient et il nous emporte, que dis-je il nous envoûte et nous convertit, alors tous oulipiens????

Génialissime

10 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 28 mars 2008

Un petit livre tout simplement grandiose, innovant, drôle (certains 'exercices' sont vraiment marrants), à lire absolument. Un classique de la littérature !

99 fois la même histoire

7 étoiles

Critique de Albireo (Issy-les-Moulineaux, Inscrit le 14 janvier 2006, 47 ans) - 6 octobre 2007

On rit beaucoup à la lecture de ces 99 façons de raconter une même histoire qui forment ce livre manifeste du mouvement de l'Oulipo.
On l'a même utilisé en cours de théâtre pour travailler les différentes intonations et dictions.
A noter par ailleurs qu'il existe en quelque sorte une "suite" de ce livre : "Le Style mode d'emploi (Artifices de style)" où cette fois-ci Stéphane Tufféry réécrit cette même histoire en pastichant le style des plus grands écrivains français (Modiano, Proust, Balzac, Flaubert, Rostand, Perec, Jules Verne, Camus, Duras…).

99 histoire en une seule

9 étoiles

Critique de Sha (Namur, Inscrit le 7 avril 2004, 52 ans) - 6 avril 2006

Beaucoup d'écrivains devraient lire et relire ce livre, que dis-je cette encyclopédie, ils auraient sûrement des choses à apprendre.

Travail littéraire extraordinaire

8 étoiles

Critique de Oxymore (Nantes, Inscrit le 25 mars 2005, 52 ans) - 15 novembre 2005

Ce petit livre est une référence que j'ai personnellement étudié quand j'étais au collège (je sais ça date). Queneau nous raconte un fait quelconque (en l'occurrence un homme dans un autobus et qui se fait bousculer par autre) sous 99 formes différentes. Ça passe du style télégraphique au gracieux en passant par la forme antonymique ou le Javanais. Bref ce petit livre se parcourt en très peu de temps et son avantage réside dans le fait que rien ne vous oblige à le lire d'un coup.
Amoureux du verbe, jetez-vous sur ces exercices de style qui vous amuseront certainement.

Drôle

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 2 août 2005

J'ai également trouvé cela excellent, et très pédagogique quand on apprend à rédiger. Néanmoins, les dernières pages sont un peu lourdingues.

La fête des mots

7 étoiles

Critique de FightingIntellectual (Montréal, Inscrit le 12 mars 2004, 42 ans) - 19 avril 2005

Peu de choses à redire sur ce très TRÈS brillant recueil d'histoires, sinon que Queneau a prouvé hors de toute doute qu'il existe toujours une façon d'exprimer une situation...ses liens filiaux avec des auteurs comme Bernard Demers confirment cette hypothèse.

VIVE LA LANGUE FRANÇAISE!

Original

8 étoiles

Critique de Le petit K.V.Q. (Paris, Inscrit le 8 juillet 2004, 32 ans) - 26 août 2004

Cet excellent livre très oulipien est inventif. Queneau nous raconte son histoire des dizaines de fois, toutes plus hilarantes les unes que les autres. A lire, à relire à l'infini.

hilarant

8 étoiles

Critique de Nelibelul (TOURS, Inscrite le 19 juillet 2004, 55 ans) - 4 août 2004

livre tout bonnement hilarant où Raymond Queneau nous raconte la même histoire tout au long du livre mais sous des aspects différents...

riche idée !!!

ce livre existe aussi en pièce de théatre vidéo, alors pourquoi se priver ?

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