Les tulipes du Japon de Isabelle Bielecki
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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heur et malheur avec le Japon
Elisabeth aime les tulipes dans le jardin et aussi le Japon, son travail, son amant.
Isabelle Bielecki est née d'un père russe et d'une mère polonaise, des rescapés des camps de concentration. A son actif, des recueils de poésie et de théâtre ; Les tulipes du Japon est son deuxième roman ; le premier Les mots de Russie a obtenu Le Prix des Amis des bibliothèques de la Ville de Bruxelles.
Elisabeth est profondément marquée par ses parents, tous les deux alcooliques : son père Victor, ancien communiste russe a fui le régime de Staline et sa mère, d'origine polonaise, la bat, son père aussi d'ailleurs. Elle garde, de par son père, des préceptes où l'honneur doit être premier ; résister à l'entourage, tenir bon sans se soumettre et garder la tête haute : autant de bons principes qu'elle essaie de tenir, mais que c'est difficile dans son milieu professionnel géré par des Japonais. Sa mère, Eva, s'évade de son mari et cherche ailleurs l'amour. La vie sentimentale d’Élisabeth n'est pas des plus heureuses : son mari est rarement présent, elle trouve le bonheur avec Miura, son collègue professionnel, mais ce n'est que de trop courte durée puisque celui-ci est rappelé au Japon. La vie d’Élisabeth ? Plutôt galère !
Isabelle Bielecki arrive toujours à raviver l'attention du lecteur en amenant un nouvel élément au détour d'une prochaine rencontre. Originale aussi la découpe du roman : des journées avec un horaire précis et une envolée d'années inattendues.
Les éditions
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Les tulipes du Japon
de Bielecki, Isabelle
Mode est-ouest
ISBN : 9782807001435 ; EUR 18,00 ; 17/02/2018 ; 220 p. ; Broché
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Amour et héritage
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 28 septembre 2023
La vie d’Elisabeth a basculé quand les patrons japonais de la filiale belge ont compris que le leur représentant avait une liaison avec une personne de l’entreprise. A son grand dam, son amant a été muté dans une autre filiale très loin de Bruxelles. Son amant lui avait appris la volupté et lui avait permis la liberté qu’elle n’avait pas connue entre une mère violente et un père exalté après ses années passées dans un camp de concentration. Mais, son aventure lui a aussi fait découvrir la culpabilité d’avoir trompé et la douleur d’avoir perdu son amant.
Une épouse divorcée qui a eu une liaison et qui a connu l’adultère avec son patron devient, aux yeux de ceux qu’elle fréquente, une personne peu stable, peu fiable et, pour certains même, un peu légère. Une femme qui donc trouvera difficilement le mari, l’amant, le compagnon, la personne avec qui elle pourra construire un couple solide et pérenne. Elle va donc d’homme en homme, de déception en déception, jusqu’à ce qu’elle tombe dans une forte dépression qui altère même sa santé.
Ce texte est un véritable catalogue de tout ce que peut connaître une femme dans sa vie sentimentale et amoureuse : la séduction, la consommation des sentiments, le mariage, le partage du quotidien, la désillusion, la tromperie, la volupté, le plaisir et de nouvelles désillusions, … Tout ce que la rencontre de deux êtres qui s’aiment, ou croient s’aimer, peut provoquer. Pour Elisabeth, le problème est plus complexe puisqu’elle doit transporter dans son bagage affectif et psychologique tout ce que ses parents lui ont légué : la violence, l’illusion, la perte des racines, la souffrance, l’honneur entaché, … Un catalogue qu’elle résume en trois lignes : « Laquelle de ces trois femmes a raison ? Angela la manipulatrice, Irène la collectionneuse ou sa mère la provocatrice ? Ou même, la quatrième, l’utopiste ? ».
A l’occasion d’une autre lecture, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec Isabelle sur le concept de psychogénéalogie et j’ai été surpris de retrouver dans mon commentaire de « Les Mots de Russie » ce passage qui évoque bien cet aspect de la psychologie que je ne connaissais au moment où j’ai écrit ce commentaire. « La guerre ne fait pas que des morts et des gueules cassées, elle laisse aussi de nombreux traumatismes psychologiques qui se transmettent parfois pendant plusieurs générations. Ayant lu le tome trois de cette trilogie, je sais qu’Elisabeth, Isabelle, a porté pendant de longues années le lourd fardeau que ses parents lui ont laissé en héritage ». Après cette lecture, je ne peux que confirmer ce que j’ai écrit à cette époque.
Et il convient d’ajouter à ce lourd héritage, le choc des cultures qui affecte la relation d’Elisabeth dans son amour pour son amant japonais puis dans ses épineux démêlés avec son nouveau patron, japonais lui aussi, qui la harcèle méchamment.
"Les Tulipes du Japon" d'Isabelle Bielecki, Meo-Ediition, 2018
Critique de Jo Hanna (, Inscrite le 1 juin 2018, 63 ans) - 1 juin 2018
En offrant au lecteur un bouquet de tulipes, pas n’importe lesquelles, « du Japon », l’auteur en 3 mots plante le décor, lieu où vibre son cœur ; lieu professionnel chèrement conquis ; lieu qui la détourne d’un passé qui la piège à tout instant. Ces fleurs posées à l’entrée du livre nous invitent à ressentir la poésie et la sensualité qui parfument les pages consacrées à la passion qu’Elisabeth éprouve pour Miura, son amant Japonais. Passion si longtemps attendue, passion qui la révèle.
La couleur « rouge » des tulipes est aussi significative. Rouge comme la couleur de la robe portée par Irène, cette femme si « provocante » qui la renvoie à la colère de sa mère - Une diva ? Un monstre ? Une victime ? Tout cela à la fois ? – cette mère se refusant à l’époux tout en attirant le regard des hommes. Rouge-sang des camps de concentration comme ces « voiles de réconfort » qui habillaient sa mère et que les nazis ôtaient. Rouge comme les convictions d’un père Russe. Rouge comme les relations infernales qui unissaient les parents d’Elisabeth…
Le lecteur avance dans la vie d’Elisabeth à travers 7 jours étalés comme des vagues dans le temps entre enchantement et désenchantement. Nous la suivons, la voyant « trébucher comme à chaque tour au même endroit » mais dont « la peur de tomber la redresse ». Car c’est bien de cet héroïsme-là que nous livre Isabelle Bielecki à travers ce personnage, tour à tour rompue par le départ de son amant japonais ; curieuse, bienveillante et lucide en confidente avec ses amies-collègues ; honnête et fragile dans cette relations d’amitié amoureuse avec cet ex qui veille sur elle ; énergique, acharnée et déterminée à garder – coûte que coûte - son poste chèrement acquis qu’une voix indifférente et ironique menace soudain par ces mots : « Nous vous proposons de changer de fonction »
Sous les vagues qui tourmentent sa vie, Elisabeth non seulement « tient bon » sous tous les fronts pour vivre libre, digne et aimante entre les forces obscures d’un temps professionnel présent qui « oublie » l’Humanité et les drames d’hier qui rampent en filigrane préfigurant un autre tome intitulée « les mots de Russie ».
Les « Tulipes du Japon » est une œuvre à multi-tiroirs ; un peu comme la garde-robe d’où Elisabeth enfant extrayait en cachette les diverses tenues de sa mère. Comme cette étagère du fond où elle découvre « un trésor », des voiles en mousseline qui sous leurs aspects chatoyants recèlent les secrets de la tragédie familiale.
Ce livre, pour moi est étonnant par sa construction et son écriture, par ce maillage complexe et très particulier qui nous « fait voir » la peur de perdre et la volonté de réussir, le regard poétique et les contraintes du quotidien, le désir de vivre et cette mémoire qui la retient comme le chant des sirènes. Le lecteur navigue dans un univers qui défie les lois du temps où l’on glisse à notre insu de l’ombre à la clarté ; de l’indécision au défi ; de la joie à la solitude extrême.
A travers le personnage d’Elisabeth, Isabelle Bielecki nous offre en quelque sorte l’incarnation dans le monde contemporain de la symbolique bouddhiste du lotus qui se développe dans la boue ; ou si vous préférez d’une tulipe rouge dont les racines ont été plantées dans le bois d’une garde-robe- sarcophage et qui a réussi, à force de chercher la lumière, à ôter l’odeur de moisi pour s’ouvrir et montrer sa beauté.
N’est-ce pas le vrai sens du mot « courage » ?
Jo Hanna
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