Vous, gens de montagne
de Yves Heurté

critiqué par Bachy, le 27 mai 2004
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Le passé reverdit...
« L’Heure Bleue », en Grèce, est ce moment – dit l’auteur - où le soleil décline, où les choses semblent s’épurer, où la mémoire du jour devient plus simple, plus limpide. Le voici à « l’heure bleue » de sa vie, celle où certains souvenirs remontent lentement du chaos d’événements qui se bousculaient au fond de la mémoire. Une clarté moins bienveillante vient se poser sur ce qu’on a fait et vécu, mais le regard qu’on porte sur les autres est plus serein.
Il est donc à « l’heure bleue » de quelques histoires tragiques ou cocasses, mais dépassant souvent tout ce que, romancier, il aurait eu peine à imaginer.
Pour conclure, l’auteur constate que Tibétains, Afghans, Amérindiens des Andes ou des Rocheuses, gens d’Islande ou de Terre de Feu ont bien des traits communs : courage, ténacité, solidarité et une certaine fidélité à la parole…
Le vague à l'âme, le désarroi et la passion des coeurs, vus de l'intérieur, sont décrits sans effusions. Le spectacle de l’humanité est exposé sans fébrilité. Jamais sans doute Yves Heurté n'était parvenu à ce degré de maturité dans l'écriture, un style ciselé, d'une grande pureté, traversé de quelques fulgurances.
Quand on laisse opérer la logique des personnages et des relations qui se tissent entre eux, il y a beaucoup d’éléments, notamment descriptifs, qui deviennent peut-être superflus, mais de toute manière, je ne pense pas qu’un auteur doive être trop précis : des personnages peu décrits pourront davantage prétendre à une certaine universalité et les lecteurs pourront mieux s’identifier à eux. Ce sont les protagonistes qui doivent vivre ; l’auteur doit le plus possible s’effacer derrière eux, demeurer humble, et ne surtout pas afficher de jugement moral, que ce soit par une écriture trop marquée ou par une construction psychologique trop appuyée de ses personnages.
Avec Yves Heurté, c'est d'abord le charme qui fait son oeuvre. Un charme cossu et chimérique où des contraires, jaillis de sa propre vie, méthodiquement, s'ajustent. Il y a là la cérébralité de l'intellectuel et la ferveur du grand vivant, les tourbillons de la mémoire et la passion de l'instant. De cette pelote, il a pris l'habitude de tirer des fils qui, à la longue, tissent des livres puissants et séduisants. Il y revisite inlassablement son existence chahutée, incruste des motifs biographiques et récurrents, déploie avec art le passé qui lui sert de patrie. D'une manière générale, l'action et la mélancolie sont, chaque fois, les pigments de sa fresque. Son roman évoque un esprit en crue. Tout y déborde. Le passé qu'il sillonne s'en trouve heureusement irrigué. Et soudain, magnifique, il reverdit !