Livres en feu : Histoire de la destruction sans fin des bibliothèques de Lucien Xavier Polastron
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Histoire
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Le livre est dangereux
"Le livre est le double de l'homme, le brûler équivaut à tuer"
Depuis toujours, livres et bibliothèques ont été détruits au gré des humeurs, cibles favorites de l’intolérance. L’histoire des bibliothèques est indissociable de celle de leurs destructions. Triste et réaliste constat que dresse, avec brio, Lucien Polastron.
Dernier exemple en date qui devrait inspirer les adeptes de la soi-disant autocritique américaine : c’est plus d’un million d’ouvrages rares et précieux (documents hachémites, tablettes assyriennes, manuscrits arabes rarissimes) qui ont été détruits sous l’œil impassible, voire goguenards, de soldats américains à Bagdad. Et sous le regard ému mais impuissant, une fois de plus, de la communauté culturelle internationale. Cette même opinion qui hurla contre la destruction des bouddhas de Bamyan et passa quasi sous silence le sac de la bibliothèque Hakim Nasser Khosro de Kaboul, riche détentrice de manuscrits anciens, coraniques ou profanes.
On le sait, pour asseoir un peuple dans l’ignorance et lui imposer une forme de pensée unique, rien ne vaut une bonne destruction des sources du savoir et, quel meilleur endroit qu’une bibliothèque pour traquer l’ennemi ?
Lucien Polastron nous livre les grandes destructions, leur histoire, l’évolution de l’attention accordée aux livres et leurs écrins. Une bibliothèque, ça se détruit, mais ça se reconstruit et certains dirigeants se sont révélés être de véritables bibliophiles, tels le souverain assyrien Assourbanipal, le roi de Hongrie Matthias Corvin ou le patriarche de Byzance Photius.
Mais à côté de ces amoureux des livres, combien d’ouvrages de premier intérêt ont perdu la vie par acte de folie ou de vengeance ? Que ce soit la poésie de Cicéron ou l’histoire romaine de Tite-Live dont 107 des 142 livres ont péri.
En lisant cet inventaire des œuvres perdues, des bibliothèques détruites, des livres brûlés ou noyés, on ne peut qu’avoir froid dans le dos, ressentir une certaine tristesse et une profonde rage devant de trésors disparus.
Aucune nation n’échappe à la règle, toutes y ont un jour ou l’autre sacrifié.
Polastron fait un tour d’horizon complet, tant sur le plan géographique qu’historique. Les désastres en Chine et en Arabie, par exemple, sont édifiants. Les méfaits des Croisés brandissant des manuscrits au bout de leur lance lors de la prise de Constantinople ne sont pas que légende. Sans parler de l’Inquisition, de l’autodafé, des destructions de livres juifs et musulmans, de l’intolérance exportée au Nouveau Monde et de l’enrichissement bibliophile personnel de Philippe II, souverain qui savait ce qui devait être détruit et discrètement préservé. Tout comme le fit d’ailleurs Henry VIII, fondateur de l’église anglicane, qui fit détruire 300 000 ouvrages catholiques après avoir pris soin de sauvegarder les plus beaux manuscrits pour sa bibliothèque personnelle.
Lucien Polastron consacre également un long chapitre aux pillages nazis et au Camp Austerlitz, ce lieu parisien où les livres à détruire devaient être triés puis brûlés, lieu d’implantation de la Grande bibliothèque chère à François Mitterrand. Curieux choix symbolique quand on y pense.
Je n’ai pu m’empêcher au fil des pages de penser à Hrabal et "Une bruyante solitude", au désespoir de ces destructeurs forcés d’ouvrages pendant la guerre. Je revois également le visage d’un bibliothécaire afghan, un ami, pleurant devant les pillages perpétrés sur les trésors nationaux dont personne n’avait cure lors de l’envahissement-libération.
Le livre a le grand tort de véhiculer des idées, l’intolérance ne peut les accepter et voue dès lors une haine sans commune mesure au livre.
Merci à Lucien Polastron pour ce tour d’horizon quasi complet (pardonnons volontiers le côté un peu désordonné de la présentation, on devine que l’auteur voulait tout raconter, tout dire et que son cœur se déposait en même temps que ces mots, ce besoin de témoigner d’un maximum d’actes commis, les reliant les uns aux autres, créant par là une certaine confusion dans quelques chapitres).
Le dernier chapitre ouvre une réflexion vers le futur, une nouvelle forme de destruction des livres : le papier qui ne résiste pas au temps, tué par ses composants et la numérisation de l’information.
Les éditions
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Livres en feu [Texte imprimé], histoire de la destruction sans fin des bibliothèques Lucien X. Polastron
de Polastron, Lucien Xavier
Denoël / Médiations GF
ISBN : 9782207255735 ; 22,30 € ; 15/01/2004 ; 430 p. ; Broché
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Bien sûr !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 28 mai 2004
C'est en cela que l'Histoire joue un rôle énorme dans nos défenses.
Brûler le livre d'un homme c'est en effet plus que grave. Gardons donc nos bibliothèques bien précieusement avec l'espoir de les transmettre un jour...
Lire certains livres c'est ce vacciner contre la dictature !
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