Epiphania, Tome 2.
de Ludovic Debeurme

critiqué par Pucksimberg, le 5 juillet 2018
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Enfin le second volume !
Le premier volet de "Epiphania" était déjà très original et décontenançait un peu son lecteur, voire même créait un malaise. Des bébés, qui tiennent à la fois de l'homme et de lanimall, naissaient en pleine terre. Des hommes les adoptaient tout en étant conscients de leurs différences. Un constat assez pessimiste sur le monde était perceptible.

Ce deuxième volume continue en ce sens. Les epiphanians se retrouvent et fuient la compagnie des hommes. Il souhaitent retrouver l'endroit où trois météorites se seraient crashées, lieu à l'origine de leur naissance. Le monde va de plus en plus mal. Les hommes ne cessent de détruire le monde dans lequel ils vivent et voient du mauvais œil toutes les personnes qui sortent de l'ordinaire, l'autre. Des expériences scientifiques sont planifiées pour étudier l'organisme de ces epiphanians, dotés d'une force incroyable et à la fois très redoutés. Certains sont mis dans des camps pour éviter leur prolifération.

L'imagination de Ludovic Debeurme est toujours aussi fascinante et son univers est déconcertant. De plus son oeuvre semble brasser de nombreuses références : les camps, les mutants, les attentats, des questionnements écologiques contemporains ... Le lecteur est régulièrement tenté par diverses interprétations et créent des liens avec le monde d'aujourd'hui.

Les dessins sont en accord parfait avec cet univers étrange dont les personnages principaux ont un physique bestial, sans pour autant être dénués d'émotions.Les couleurs donnent un caractère enfantin à une histoire qui ne l'est pas. La couverture est particulièrement réussie et les couleurs sont harmonieuses.
Le sujet est à la fois moderne et pourtant certaines situations paraissent assez datées. L'univers des comics ne semblent pas très loin dans ce tome. Il est vrai que les super-héros qui ont envahi les salle de cinéma semblent s'apparenter à ces créatures même si la visée n'est pas la même. Ils ne sont pas pour l'instant les garants de l'équilibre du monde, mais pourraient le devenir.

Ce volume est sans doute moins surprenant que le premier car le lecteur connaît déjà ces personnages. Certains rebondissements rappellent approximativement des scènes vues dans des films ou des comics. On en vient presque à souhaiter un peu plus d'originalité. La bande dessinée reste très divertissante et agréable à lire. Les dessins contribuent vraiment au voyage du lecteur dans cet univers incommodant. Les personnages de Koji, son père et de Vespero sont particulièrement réussis. Malgré la monstruosité des protagonistes, on perçoit en eux une part d'humanité.
La révolte des enfants de la Terre 8 étoiles

Le premier tome s’était refermé sur un « cliffhanger » qui voyait Koji aux prises avec un dilemme douloureux lors d’une rixe l’opposant lui et son père adoptif avec les « mixbodies ». Koji allait-il livrer ce dernier à la colère de ses congénères pour prendre le maquis avec eux, ou défendre celui qui l’avait adopté avec amour mais appartenait à l’espèce humaine, celle qui avait finalement décidé d’entrer en guerre avec ces êtres hybrides, mi-hommes mi-bêtes, trop différents, trop dérangeants…

Le second volet de cette trilogie verra ainsi une montée en crescendo de l’intrigue. Après avoir laissé la vie sauve au père de Koji, le petit groupe d’Epiphanians, qui se sont choisis cette appellation en opposition au dévalorisant « mixbodies » des humains, vont partir en expédition dans les montagnes, là où ils pensent trouver des réponses à leur présence sur Terre, à l’endroit même où des météorites s’étaient écrasées quelques années plus tôt. Un événement qui curieusement avait coïncidé à leur « éclosion » soudaine par milliers à travers le monde. Et ce qui les y attend ne risque guère de les réconcilier avec le genre humain, mais va au contraire les entraîner dans un engrenage destructeur sous la houlette d’un mystérieux homme-chauve-souris vengeur dénommé Vespero, tandis que le chaos semble se répandre à travers le globe…

En s’inspirant des comics américains, Ludovic Debeurme a produit une œuvre tout à fait étonnante. Avec « Epiphania », il ne s’est pas contenté de singer la production d’outre-Atlantique même s’il en reprend une bonne partie des codes, mais au contraire s’est efforcé d’intégrer le genre à son univers très particulier, qui évoque par certains moments celui de Charles Burns et de l’école alternative US. A la fois très bien structurée dans la narration, l’histoire pourra plaire au plus grand nombre, mais la violence brute qui traverse les productions marveliennes est ici écrémée au profit d’un esprit européen plus décalé, plus poétique.

Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans son trait, plus réaliste que dans ses œuvres précédentes, mais qui en a conservé l’étrangeté et le minimalisme fragile. En narrant l’épopée des Epiphanians, Debeurme semble totalement pris d’empathie pour eux, révulsé lui aussi par la bêtise des humains, qui acceptent mal les « difformités » de ces êtres parias. Et pourtant, la monstruosité peut aller bien au-delà des simples apparences physiques et souvent, elle est indissociable de la nature humaine… Si on peut avoir du mal à souscrire au premier coup d’œil au style graphique atypique, force est de reconnaître que celui-ci exerce une certaine fascination. Est-ce la candeur du trait, associé à la brutalité de certaines images, qui produit cet effet ? Toujours est-il qu’il est difficile de rester indifférent à un tel récit, qu’au fond on a presque du mal à classer dans une catégorie précise, tant il a le potentiel pour toucher des types de public très variés.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 26 décembre 2019