Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident
de Jean-Paul Demoule

critiqué par Deinos, le 17 juillet 2018
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Retour sur un "mythe".
Durant le 19ème siècle, avec l'éclosion de la linguistique mais aussi avec le darwinisme et ses développements naquit l'idée d'un peuple originel, idée d'autant plus présente que la vision kossinnienne d'une identité entre culture et groupe ethnique homogène se faisait la norme.
Depuis on ne cesse de rechercher ces Indo-européens ou Aryens, on pose hypothèses sur hypothèses quant à leur origine géographique... Est-ce l'Anatolie... ou la Steppe pontique ? ou encore les rives de la Baltique ?
L'auteur dans cet ouvrage évoque l'histoire de cette notion de peuple indo-européen, avec un regard sur ses détournements comme par exemple l'idéologie aryenne raciale qui eut de sombres conséquences, idéologie qui néanmoins perdure.
Il remet en question les idées considérées comme vérités, en s'appuyant sur l'archéologie mais aussi sur la linguistique moderne et d'autres sciences pour montrer que non seulement rien ne permet d'affirmer l'existence d'un peuple originel indo-européen, mais que cette idée est avant tout une perception simpliste de ce que sont les langues et une sorte de juxtaposition du concept nation / culture du 19ème en des temps où cela n'avait nul sens...
Sous-entendu, ont-ils seulement existé ? 8 étoiles

Que d’histoires inventées, d’interprétations tordues, de mythes fantasmés et d’idéologies délirantes quand les grandes découvertes ont révélé les peuples d’Amérique inexistants dans la Bible, plus tard quand les fossiles identifiés par Cuvier et les naturalistes ont mis à mal le récit de la Genèse qui prévalait depuis l’adoption du christianisme comme religion officielle d’un empire romain d’occident en plein déclin ! Tous les arguments ont donc été savamment construits pour démontrer une soi-disant supériorité de ces européens primitifs proclamés aryens ayant fini par hériter de la civilisation judéo-gréco-romaine. C’était alors pour justifier aussi bien l’esclavage que la colonisation qui a mis le reste du monde sous sa coupe durant le XIXe siècle que pour se convaincre au siècle suivant du bien-fondé des dérives de l’eugénisme et de ses effroyables génocides.
La première contribution aux recherches est celle de la linguistique avec l’analyse des grammaires comparées. Elle croise les histoires controversées des vestiges archéologiques jumelés à des mesures anthropologiques farfelues qui s’appuient dorénavant sur la génétique et les progrès en matière de datation. On pourrait en retenir les hypothétiques provenances des indo-européens(1) dans les confins himalayens, en Inde, dans les steppes caucasiennes, autour de la Mer Noire du côté soit balkanique soit anatolien ou en Scandinavie et au-delà. S’ils sont partout la conclusion naturelle est qu’ils ne sont nulle part. On pourrait de même les vouloir grands blonds aux yeux clairs et dolichocéphales de préférence plutôt que bruns râblés et les yeux sombres, les doter d’une plus grande intelligence alors qu’aucune preuve n’en a jamais été formellement établie.
Qu’à cela ne tienne quand il y a un siècle a été admise l’inexistence des races, bien au contraire les tenants d’un hypothétique peuple originel indo-européen se sont obstinés pour des raisons politiques et nationalistes à le rendre plus crédible que jamais, quitte à commettre des erreurs chronologiques de plusieurs millénaires. Deux modèles principaux se font toujours concurrence dont aucun n’a été démontré malgré les recoupements autorisés par la multiplication des fouilles archéologiques avec la reconstruction des arbres tant génétiques que linguistiques : un phénomène de diffusion progressive durant le néolithique sur des populations autochtones ou une invasion guerrière dont on cherche toujours la provenance. On en est à se demander de quand datent l’arrivée des grecs, des italiques, des celtes, slaves et germains dans leurs zones respectives attestées par des preuves historiques.
Cet ouvrage est une somme dense et méticuleuse si ce n’est encyclopédique de ce qui a été découvert et écrit depuis la Renaissance sans grande rigueur scientifique. Sauf à les citer tous, nombreux sont les savants à s’être emparés du sujet depuis deux siècles. Davantage représentés dans les pays anglo-saxons y ont apporté leurs contributions respectives les August Schleicher, Vere Gordon Childe, Gustaf Kossinna, Marija Gimbutas, Colin Renfrew. En France on retiendra les travaux entre autres de Paul Broca, Emile Benveniste, Antoine Meillet, Georges Dumézil. Tous font l’objet d’une revue critique et rigoureuse avec la mise en évidence de fautes méthodologiques sous forme de raisonnements circulaires, d’hypothèses infalsifiables donc non scientifiques au sens propre du terme. Un modèle explicatif des parentés indéniables entre langues sans doute beaucoup plus complexe reste à inventer.
Accessoirement les Gaulois romanisés en partie bien avant la conquête de Jules César ont poursuivi dans cette voie jusqu’à l’arrivée des Francs qu’ils ont promptement assimilés en leur imposant leur langue et leur religion chrétienne.
1) Indo-germains pour les allemands

Colen8 - - 83 ans - 11 septembre 2018