L'Ange et la Rose de Jean Arp
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Théâtre et Poésie => Poésie , Sciences humaines et exactes => Spiritualités
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Une poésie chrétienne issue du dadaïsme
Jean Arp (ou Hans Arp), avant tout connu pour ses dessins et ses sculptures, fut aussi un poète dont l’œuvre écrite, composée en allemand et en français, reste encore à découvrir (nota : les éditions Arfuyen ont récemment comblé cette lacune).
En 1965, Robert Morel, éditeur atypique, édita, dans le format carré de sa fameuse collection Célébrations, une traduction d’un recueil allemand intitulé « l’Ange et la Rose ». Le livre est très joliment illustré de 12 dessins de l’auteur, qui sont bien mis en valeur par la qualité d’impression et l’épaisseur du papier. La couverture est également ornée d’un beau dessin en relief.
Néanmoins, le principal intérêt du recueil réside dans le texte, qui est un long et unique de 80 pages environ. Arp est une des figures majeures du dadaïsme et du surréalisme, mouvements iconoclastes et férocement anticléricaux. Pourtant, et avec une sincérité qui m'a profondément surpris et ému, ce recueil est pénétré d’une foi profonde, démontrant ainsi la complexité des hommes qui ont fondé ces mouvements et l’inanité des étiquettes… Il émane vraiment, de chaque page, le sentiment d’une inextinguible soif de Dieu alimentée par l’horreur de la société contemporaine, mercantile, militariste et utilitariste, où le poète se débat comme un ange englué dans les turpitudes du siècle.
Le texte n’échappe pas à certaines redites et longueurs car le message, d'une grande simplicité, est répété inlassablement : la société construite par les hommes, qui aspirent au surhomme et bafouent la beauté fragile des choses (la lumière, les fleurs, etc.), est atroce et seule la puissance de Dieu, que nous implorons vainement, pourrait rédimer le monde. Tout est dit dès la première page, qui résonne comme une prière :
Un ange pour de vrai
un ange de lumière
un ange encore une fois
un ange s’Il te plaît.
Sinon nous allons croire
que Tu veux abandonner tout de bon
aux libre-penseurs du dimanche
mécaniques et robots compris
les prairies désherbées de la terre.
Les pauvres hommes en prière cependant
devraient une nouvelle fois
être à même de respirer.
Dans ce monde inhumain, les cathédrales apparaissent comme les derniers sanctuaires et refuges de l’amour. La pierre y bat comme un cœur vivant. Célébrant les cathédrales de Strasbourg et d’Autun, Arp les compare à des bourgeons et à des oiseaux, qui font écho à la rose et aux anges. Mais les édifices sont moqués, et secrètement craints, par les hommes modernes obnubilés par l’argent et la bombe atomique. Sans un miracle divin, le monde semble perdu et le poème a souvent un accent pessimiste, voire désespéré :
Nous serait-il permis d’implorer un miracle ?
un ange disponible ne pourrait-il quelque peu venir à notre secours ?
Il n’est pas indispensable
qu’on nous envoie un ange de première grandeur.
Mais quel coup
dans la marche triomphale du progrès
si tout à coup les robots
avec toutes leurs machines
puériles et progressives
étaient précipités
dans la fosse aux ordures.
Sans le secours des anges
sans le secours des fleurs de Dieu
la terre ne peut plus
en aucun cas être sauvée.
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