La reine des terminus : L'histoire de l'armoire
de Sophia Koupriachina

critiqué par Pucksimberg, le 6 août 2018
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
La Bukowski russe ?
S’il fallait élire un Bukowski féminin, Sofia Koupriachina serait très bien placée pour remporter ce titre. Ce recueil de nouvelles repose sur un ton libéré et un rythme enlevé. Les prostituées occupent une place très importante dans ces courts textes, tout comme l’alcool. Ce sont de pauvres créatures russes qui sont au centre de ces histoires, rongées par l’alcool et plongées parfois dans la misère. Elles sont souvent dépassées par les événements et agissent par pulsions. Les situations sont parfois loufoques : un couple n’hésite pas à s’installer sur une armoire. Les animaux sont présents dans quelques nouvelles, dont la plus réussie et à la fois la plus agaçante brouille les pistes : on ne sait plus si le protagoniste est une femme ou une chienne. Ce jeu est assez présent dans la littérature russe. Et puis Sofia Koupriachina n’est plus à une provocation près, elle revisite certains textes célèbres pour en faire ce qu’elle veut. Elle propose une courte suite de « Crime et châtiment » et donne une version peu commune de la petite fille aux allumettes …

Le parler est franc, les scènes sexuelles sont très présentes et pas exposées sous leur meilleur jour. Tout y passe et l’écrivaine n’y va pas par le dos de la cuillère. En même temps, ces nouvelles ne se veulent pas pornographiques. La sexualité fait partie de la vie et Sofia Koupriachina en parle sans gêne. De plus c’est le monde de la prostitution qui est dépeint ! Certains textes sont amusants et farfelus, d’autres sont pathétiques comme dans « Sadi ».

L’ennui avec ce genre de textes est que, passée la surprise des premières nouvelles, on risque de retrouver certaines situations redondantes. Il n’en demeure pas moins que ces nouvelles ont un style propre. La plume de cette écrivaine est efficace, mais risque de gêner ceux qui cherchent une écriture plus classique. Malgré l’originalité et la liberté de ton je risque d’oublier rapidement ces nouvelles.

Je recopie ici un extrait de la préface de Nicolas Rey qui est bien plus séduit que moi :
« Attention. ce livre n'est pas un livre. C'est un choc frontal. Une suite d'uppercuts qu'on ne voit jamais venir. Imaginez que Despentes ovule... et voilà nous y sommes, dans ce livre, dans ce terrible bouquin qui suinte le désespoir, l'orgasme, la fièvre et le nihilisme. Au début, ça commence presque calmement : "Elle bossait comme balayeuse sur l'avenue du Nouvel Arbat. Pacha, elle, dans un MacDo, naturellement, Moi, je consignais les bouteilles vides, touchais le loyer, baisouillais en échange de victuailles ; bref, nous étions toutes les trois femmes d'affaires à la santé fragile."
Lisez tous ce bouquin. Achetez-le, volez-le, faites-le vous prêter en échange d'une fellation mais démerdez-vous bordel!!! »