Il pleut des étoiles dans notre lit: Cinq poètes du Grand Nord
de Collectif

critiqué par Septularisen, le 18 août 2018
( - - ans)


La note:  étoiles
Cinq poètes du Grand Nord
APRÈS LE PREMIER MATIN

Après le premier matin je cherche
la calme vapeur terrestre du langage

Encore et sans cesse j’embrasse la mémoire de
réveille-moi ! réveille-moi ! Le soleil et les ailes
vibrantes dans la vapeur brune de l’aurore

Ton cadeau à mes pensées c’est la
résistance du dard, caché dans la fleur
vaporeuse

Ton cadeau c’est du matin pur

Ma passion : m’éveiller

(Extrait de «Lumières» (1989) d’Inger CHISTENSEN)

En 2012, afin de «surfer» sur la vague du récent Prix Nobel de Littérature attribué au poète suédois Tomas TRANSTRÖMER (en octobre 2011), la collection Poésie (Gallimard) eut la très bonne idée de ressembler, - sous un titre on ne peut plus magnifique -, «Il pleut des étoiles dans notre lit» cinq des plus grands poètes nous venant de la lointaine Scandinavie, tous des "illustres inconnus" dans nos pays.

Six années après, au moment prècis où j’écris ces lignes, le temps qui passe a malheureusement fait des «dégâts», irréparables - faut-il le préciser? -, puisque si en 2012, seule la danoise Inger CHRISTENSEN (1935-2009) venait de disparaître, aujourd’hui c’est exactement le contraire, puisque des cinq poètes, seul le Norvégien Jan Erik VOLD (*1935) est encore parmi nous. Les voix de Pentti HOLAPPA (1927-2017) ; Tomas TRANSTRÖMER (1931-2015) et Sigurdur PALSON (1948-2017) se sont depuis définitivement éteintes.

Je ne peux, bien sûr, vous parler dans une si courte critique, de ces cinq immenses poètes, d’abord par manque place et puis je l’avoue… Par fainéantise !… Et bien oui! Après tout, pourquoi serait-ce toujours à moi d’écrire, et non pas à vous, lecteurs de mes recensions, de faire un petit effort de lecture? D’autant plus que moi, j’ai déjà fait ma part d’écriture et que, à vous, il ne reste qu’à me lire. En effet, Jan Erik VOLD est ici : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/53947 Pentti HOLAPPA ici : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/50146 Tomas TRANSTRÖMER ici : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/28304 et Sigurdur PALSON ici : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/53898

Reste donc à parler de la poésie d’Inger CHRISTENSEN. Pas facile, ni évident quand on sait que la poésie de la danoise peut-être aussi bien cristalline et facile, que cérébrale et subjective.

Si les thèmes classiques de tous les poètes du grand Nord sont bien sûr présents : la neige, le vent, le soleil, les arbres, les animaux, les fruits, la nature, la vie, la mort… ils sont comme «saupoudré », par un souffle sombre, une ombre dans la beauté. C’est parfois une poésie presque «scientifique», l’auteur voulant prouver que si la beauté existe elle n’est pas à l’abri de l’horreur. Ainsi p. ex. on retrouve régulièrement les thèmes de la bombe atomique ou de l’hydrogène qui renferme en lui la force de tout détruire…

Il est parfois plus facile de simplement se laisser porter par les sonorités, d’autant plus qu’ellipses et raccourcis sont communs dans la poésie de Mme. CHRISTENSEN…

Laissons la parole au poète :

JE M’APPUIE TENDREMENT CONTRE LA NUIT

Je m'appuie tendrement contre la nuit
sur la rampe rouillée
je trouve ma joue, mon épaule
je trouve ma tendresse:
fer et chair.

Le reste ondoie, s'effrange
en silence, interroge dedans, dehors
dans l'espace de la nuit, dans l'espace de l'âme : est-ce la mort?
je pose ma main sur le visage
tremblant de la nuit,
enlève un peu de rouille de ma joue :

Mon corps fêlé sans vie c’est quoi ?
Les fournis n’ont rien à faire dans la neige.
Non, dire, dire, dire est mon corps.
Je l’écris ici : mon corps c’est quoi ?
Les fourmis le portent au hasard,
mot après mot, me transportent.

(Extrait de «Lumières» (1989) d’Inger CHISTENSEN)

Au final, une anthologie à mettre entre toutes les mains…

Inger CHRISTENSEN (1935-2009) : a été lauréate du Prix nordique de l'Académie suédoise en 1994, du prix de l'État autrichien pour la littérature européenne 1994 et du Prix Siegfried Unseld en 2006. Son nom a été proposé à de nombreuses reprises pour le prix Nobel de Littérature.

Jan Erik VOLD (*1935) : a reçu deux fois le Prix Brage, le plus prestigieux des prix littéraires norvégien en 1993 dans la catégorie «Poésie» et en 1997 pour l’ensemble de son œuvre.

Pentti HOLAPPA (1927-2017) : a été le lauréat du Prix national de littérature (Finlande) en 1951 et 1981, il a également été lauréat du Prix Finlandia en 1988 (L’équivalent du Prix Goncourt en France). Son nom a été proposé à de nombreuses reprises pour le prix Nobel de Littérature.

Tomas TRANSTRÖMER (1931-2015) : a été lauréat du Prix Nobel de Littérature en 2011, de la « Couronne d’Or » (Golden Wreath) de Struga en 2003, du Prix nordique de l'Académie suédoise en 1991 et du « Grand prix de littérature du Conseil nordique » en 1990.

Sigurdur PALSON (1948-2017) : a reçu le Prix littéraire de la Radio islandaise en 1999 et le Prix des libraires pour la poésie en 2001. Il a été nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres par M. Jack LANG, alors ministre de la Culture en 1990, puis Chevalier de l'Ordre national du Mérite en 2007 par le président de la République Française.
Balade sur les sentiers de la poésie nordique 8 étoiles

J'ai mis beaucoup de temps à traverser ce petit recueil de poèmes. Lus et relus, parcourus puis revisités, il a fallu leur accorder le temps qu'il faut pour arriver à m'imprégner des mots, des phrases, des modes d'expressions, des ambiances ainsi que des perspectives sur le monde que chacune des cinq plumes qui y sont présentées nous offrent. Du reste, mes connaissances et expériences de la poésie étant minces, c'est forcément de manière plutôt intuitive que j'aurai lu et tenté d'apprécier les poèmes proposés dans ce recueil.

Globalement, chez chacun des auteurs, j'ai croisé des images et des passages qui m'ont touché ou que j'ai trouvé particulièrement bien écrits ou pensés. Mais il y a également eu des morceaux dont je n'ai pas ou pas bien saisi le sens, puis d'autres encore qui ne m'ont pas plu ou ne m'ont pas parlé du tout.

D'emblée si je reconnais avoir été particulièrement ébloui par la beauté du verbe de Tomas Tranströmer, il n'en demeure pas moins que ce recueil fut une formidable occasion pour le lecteur novice que je suis, de m'aventurer sur les chemins de la poésie et de pouvoir m'initier à l'écriture de ces cinq auteurs. Promenade aussi stimulante qu'intéressante, j'y reviendrai sûrement.

Cela dit, n'étant bien évidemment pas en mesure d'en estimer la qualité, en témoigne le caractère général de ce compte rendu, m'assoyant uniquement sur le melting-pot d'impressions que j'en ai tirées, je serais tenté d'attribuer à ce livre une moyenne de 3.5 étoiles, mais prenant en compte l'intérêt que j'ai pris à découvrir l'écriture de ces poètes, je lui en concèderai donc un peu plus.

SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 1 avril 2019