Légende d'une vie
de Stefan Zweig

critiqué par Pucksimberg, le 21 septembre 2018
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
La quête d'identité
Leonore a organisé une grande soirée littéraire chez elle durant laquelle des poèmes de son fils Friedrich seront lus. Si le jeune homme de 25 ans fait se déplacer tant de personnes de renom c’est qu’il est le fils d’un auteur adulé, Karl Franck. Il est difficile d’exister dans l’ombre d’une figure si fameuse et si talentueuse. Une légende enveloppe le nom de son père, légende façonnée par son épouse et une biographie élogieuse quelque peu erronée. L’arrivée de Maria Folkenhof pourrait bien ébranler l’équilibre qui régnait dans cette demeure, véritable temple dévoué au grand poète.

Cette pièce de théâtre est très agréable à lire. On connaît généralement les nouvelles et les romans de Stefan Zweig, moins son théâtre. Pour être tout à fait honnête je ne connaissais même pas de nom cette pièce. C’est une belle découverte ! L’auteur emprunte quelques éléments au vaudeville tout en abordant des sujets sérieux et en posant des questions sur l’œuvre d’un artiste : les devoirs des héritiers, la vie dans l’ombre d’une célébrité, la dissociation de la légende et de la biographie, la place du mensonge dans la construction d’une identité …

La sensibilité de l’écrivain se perçoit dans ses dialogues. Zweig est un peintre précis de la psychologie de ses personnages. Ici, même si la narration est absente, les dialogues permettent d’entrer dans la psyché des personnages, de noter leurs failles et leurs désirs. Il n’y a pas de naïveté chez Stefan Zweig et tout est dépeint avec une extrême justesse. La figure du fils qui se débat entre les mensonges et le vrai est intéressante. Elle interroge sur la construction d’une identité. Il a besoin d’y voir clair pour mieux se comprendre et en même temps les vivants possèdent un pouvoir sans doute trop important sur les morts car ils continuent de façonner l’identité de ceux qui ont disparu. Cette légende c’est celle d’un grand auteur passé à la postérité, mais ce peut être aussi le devenir d’un simple homme dont l’image ne cessera d’évoluer à travers les souvenirs et les récits des vivants. Chaque homme possède sans doute sa légende.