Trilogia albanica : I am from Albania ; Allegretto Albania ; Made in Albania
de Stefan Capaliku

critiqué par Pucksimberg, le 30 septembre 2018
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
L'Albanie et le continent européen
Les éditions L’Espace d’un instant permettent toujours de voyager et de découvrir une littérature qu’il n’est pas facile de découvrir chez les plus célèbres éditeurs. Premièrement, c’est le théâtre que ces éditions mettent en avant et deuxièmement c’est l’Albanie qui est donnée à découvrir par le biais de trois pièces de théâtre de Stefan Çapaliku.

Dans « I am from Albania », la parole est donnée à une femme dans un monologue dans lequel elle nous explique qu’elle doit se rendre au Conseil de l’Europe afin de représenter l’Albanie, son pays. C’est une jeune femme séduisante qui en a assez que ces voyages soient toujours liés au moment où elle a ses règles, ce qui complique grandement son organisation ! Très vite, dans ses réunions, elle se sent exclue. Des clans se constituent. Cette situation rappelle évidemment le statut de l’Albanie sur le continent européen et permet de se questionner sur les devoirs de l’Europe.

Dans « Allegretto Albania » une famille vit cloîtrée dans sa demeure à cause d’un problème de vendetta. La famille qui est au centre de cette pièce de théâtre se méfie d’hypothétiques représailles et s’est réfugiée dans un cocon qui leur permet d’avoir quelques rares informations sur le monde par le biais de la télévision. A mon sens c’est la pièce de théâtre la plus aboutie de ce recueil. Cette œuvre permet de s’interroger sur le pays qu’est l’Albanie et sur son monde de fonctionnement et ses codes sociaux, tout en considérant aussi la place de ce pays sur le continent européen.

Dans « Made in Albania » la structure même du spectacle est très originale. Nous voyons à la fois un atelier de couture et la rue avec le carnaval qui se prépare. Le propriétaire s’occupe à la fois de l’atelier et du spectacle populaire. Les dialogues fusent, les employées confient leurs problèmes personnels et tout semble se précipiter. Dans l’atelier, au sous-sol, travaillent les délocalisés alors que dans la rue la fête retentit. Les grandes maisons de haute couture italienne font appel aux petites mains albanaises en insistant bien sur le fait qu’il ne faut surtout pas inscrire sur les étiquettes « Made in Albany ». Cela permet encore une fois de s’interroger sur le regard que nous posons sur ce pays.

Ces pièces de théâtre sont vives, justes, faciles à lire et intelligemment construites. Elles donnent à voir un pays que l’on connaît mal. Le dramaturge montre son pays de l’intérieur et soulève des problèmes auxquels nous ne sommes pas vraiment sensibilisés. Ces pièces permettent de prendre conscience que ce pays existe, qu’il est sur le continent européen, que son histoire est riche et complexe. Le dramaturge ne tombe pas dans le manichéisme en condamnant pleinement les Européens. Il soulève aussi et surtout les problèmes inhérents à son pays, sa mafia, sa violence. Il remet les événements en perspective et a une visée éclairante.