Dernier rapport sur les miracles à Little No Horse
de Louise Erdrich

critiqué par Cuné, le 12 juin 2004
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Une écrivaine du Montana...
Le Père Damien est arrivé à Little No Horse dans le Dakota du Nord en 1912. Depuis cette date, il n'a cessé d'envoyer des rapports au Vatican relatant ses tentatives d'attirer les Indiens vers la religion catholique. Les papes successifs sont restés muets à ses demandes, suppliques, appels à l'aide. Soudain, en 1996, arrive un envoyé du Vatican. Il va avoir droit à un récit des plus étranges, à plusieurs voix...

Tout ça commençait merveilleusement bien avec Agnès Dewitt en personnage principal. Superbement extravagante, je me délectais à l'avance de ses aventures... Mais à mon grand regret j'ai décroché assez vite. J'ai bataillé pour le finir malgré tout, car l'écriture de Louise Erdrich nous offre de succulents récits ça et là. Je ne pourrais pas vraiment dire ce qui a manqué pour me donner le frisson du plaisir de lire... un peu de cohérence pour lier le tout ?... Un choix de trame donnant trop de place aux errements de la pensée?... En fait je pense une façon de décrire les personnages trop abstraite pour moi.
Malgré tout à découvrir, car très original.
Une ode à la foi, aux Indiens, à la liberté d'être 10 étoiles

Ce livre m'a fait vibrer avec toutes ses astuces. Il y a des images surréalistes, des personnages intenses, une foi merveilleuse, et les Indiens, leur mode de vie que l'on tue, leur vie que l'on ne comprend pas, leurs larmes innocentes.

Un livre absolument à lire.

Paia - - 76 ans - 11 mai 2010


Mon Père ou ma Soeur ? 8 étoiles

Les critiques précédentes ayant bien posé le décor je ne reviendrai pas dessus. Les problèmes que doit résoudre Agnès/Damien, sont nombreux, ses arrangements et compromissions avec les couples bigames et les mœurs indiennes. Les contraintes du quotidien, de la grippe de 1918 qui décima la tribu, des hivers où les communications sont bloquées et la réserve coupée du monde.
Les vengeances familiales, les crimes, les adultères, les filles mères ne semblent pas choquer le Père, dont les décisions sont d’une grande humanité.
Certains passages sont franchement drôles, le partage des épouses, quand Damien doit trancher entre deux indiens, l’un ayant quatre femmes, l’autre aucune et la bigamie n’est pas autorisée par l’église catholique ou une tentative de pêche-chasse à l’orignal qui tourne à la confusion du chasseur sont des moments plutôt comiques. D’autres sont plutôt terrifiants comme la partie de chasse qui tourne au massacre des bisons, où les bêtes restantes piétinent en hurlant le champ du carnage.
« Les bisons disaient adieu à la terre et à tout ce qu’ils aimaient » dirent les vieux chefs et les vieux chasseurs.
La religion est un peu brocardée pour son manque d’adaptation aux mœurs et aux coutumes indiennes. Une découverte que j’ai bien aimée.
La recette d’un plat pour tuer sa mère
-«Elle lui apporte une corne d’un infect et bouillant ragoût d’écorce, de lapin malade et d’une taupe qu’un hibou avait dû lâcher»

Eireann 32 - Lorient - 77 ans - 23 septembre 2005


Hommage aux Indiens et à ses racines 7 étoiles

A première vue, cela pourrait ressembler à un conte à dormir debout. Le père Damien Modeste, vénérable pasteur centenaire de la paroisse de Little No Horse dans le Dakota du nord, est en réalité une femme, Agnès, une ancienne religieuse qui a épousé un fermier allemand peu sympathique, a exercé le métier de pianiste et qui a échoué, il y a longtemps déjà, dans cette contrée reculée d’Amérique. Le Père Damien envoie à sa hiérarchie un rapport sur certains miracles survenus dans la réserve dont il a charge religieuse.
Rassurez-vous, il ne s’agit pas ici de la trame ou de la fin du récit, mais simplement de son introduction. Louise Erdrich place ses pions, plante le décor et donne d’emblée le ton qui va nous guider tout au long de son histoire abracadabrante.

La réserve Ojibwé de Little No Horse, c’est le petit bijou de Louise Erdrich, d’origine indienne et allemande (on retrouve souvent des traces autobiographiques dans son travail). Elle y a placé une partie de son âme et beaucoup d’émotion pour nous parler du destin de ce Père Damien et de ses fidèles serviteurs, chacun devant combattre le mal et son appétit sexuel. Les Obijwé sont à l’honneur dans le roman de Erdrich, plusieurs générations d’indiens nous sont contées avec beaucoup de talent et de tendresse ; les antagonismes entre croyances locales et religion catholique missionnaire sont énoncés avec beaucoup de lucidité mais aussi d’humour, les coutumes locales racontées permettent de tordre le cou à certains clichés et un hommage est rendu à ces populations décimées et massacrées dans les décennies qui ont précédé l’époque du roman.

Revenons donc à nos miracles. Après l’envoi de son rapport, le Père Damien/Agnès reçoit la visite d’un représentant du Pape, envoyé sur place pour enquêter et faire le point avec le Père Damien, tout de même en place depuis près de quatre-vingt ans. Un bail ! Et le point de départ d’un récit hallucinant, drôle, mouvementé, dans lequel on se perd entre rire et stupéfaction. C’est qu’il s’en est passé des choses pendant le sacerdoce de Agnès ! Les habitants seraient plutôt du genre bons vivants et les plaisirs de la chair sont loin de leur être étrangers. De conversations savoureuses en anecdotes tordantes, c’est l’histoire d’une paroisse qui nous est offerte, avec son lot de petites histoires, de drames et de colères, de moments de vie et de plaisir.

Avec un coup de chapeau pour Louise Erdrich : à aucun moment les populations ne seront ridicules ou tournées en dérision, bien au contraire. A travers ces moments légers et drôles, on ressent constamment une douleur plus profonde, un malaise lié à la souffrance humaine et aux persécutions dont furent victimes tout un peuple toutes ethnies confondues. Erdrich a des origines indiennes. Plutôt qu’un portrait anthropologique ou sociologique, elle a choisi de rendre hommage aux siens à travers l’humour et la tendresse, à travers l’histoire d’une communauté attachante et de son prêtre, personnage ambigu et solide comme un roc, qui les défendra jusqu’au bout contre les spéculateurs de toutes sortes.
Ce qui pourrait peut-être être l’occasion d’un léger regret : il arrive par moments que Louise Erdrich se perde trop dans ses pensées, qu’elle écrive avant tout pour elle, laissant le lecteur au bord du chemin. Si le début du roman est emballant (elle y narre la biographie de ce père/religieuse, sa vie avant son arrivée dans le Dakota, les multiples péripéties qui ont marqué sa route…), le reste tourne un peu au ralenti, on y ressent les émotions de l’auteur tout en restant étranger à ce qui se passe, le rythme est moins soutenu, la respiration reprend ses aises, comme une pause bienvenue mais qui dure trop longtemps à mon goût.

Sahkti - Genève - 50 ans - 14 juin 2004