L'Homme sans postérité de Adalbert Stifter

L'Homme sans postérité de Adalbert Stifter
( Der Hagestolz)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par THYSBE, le 13 juin 2004 (Inscrite le 10 avril 2004, 67 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 430ème position).
Visites : 5 180  (depuis Novembre 2007)

Beau roman d'apprentissage

On retrouve avec plaisir la littérature post romantique allemande du 19ème siècle dans ce beau roman initiatique. Une écriture simple et éloquente.
Victor, un adolescent, prêt à commencer son premier emploi part quelques jours chez son oncle à sa demande. Ce parent qu’il n’a jamais vu, vit sur une petite île dont il est le seul habitant avec ses deux serviteurs qui sont sa cuisinière et son valet. Avare d’explication et adoptant un horaire très strict, le vieil homme imposera cet exil à Victor qui en sera complètement dérouté dans un premier temps. Peu à peu, il s’adaptera à cet atmosphère pour arriver progressivement à trouver sa voie. Le vieil homme aura réussi sans grand discours à lui transmettre les valeurs qui lui semblent indispensables pour être un homme. Pour ce vieux célibataire, sa mission est accomplie, les secrets de famille dévoilés, le flambeau est délégué. Victor, prêt à commencer son parcours, changé de ses nouvelles connaissances, repart grandi de ce lieu étrange.

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Tu seras un homme mon neveu

7 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 6 mai 2018

Victor, orphelin élevé par une amie de son père, doit maintenant quitter la petite vallée où il menait une vie idyllique et aimante pour se mettre en route. Première étape pour le jeune adulte, se rendre auprès d’un oncle incommode qui vit reclus sur une île et ne semble pas nourrir à son égard les meilleurs sentiments. Mais au cours de cette épreuve initiatique, les deux vont apprendre à se connaitre et se respecter. Et à travers l’épreuve de réclusion qu’il lui fait endurer, le vieil homme lui donne les valeurs et l’armature morale qui feront de lui un homme, en complément de l’éducation trop tendre que Victor avait reçu jusqu’alors.
Je retrouve dans cet ouvrage les mêmes éléments chers à Stifter que dans Les grands bois : la montage, la forêt, le lac, le domaine secret où on se réfugie à l’écart du monde, la même description un peu naïve des tendres rapports familiaux. Mais les évocations de la nature se font dans un style qui s’est (heureusement !) allégé et épuré. Et malgré le côté improbable et un peu simpliste de l’intrigue, les personnages arrivent à voir une vraie densité et le récit une vraie profondeur morale.

Apprendre à être soi

9 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 22 février 2005

Victor est un jeune homme confié, à la mort de son père, à une femme qui l'élèvera comme son fils, mais voici venu le temps de la séparation. Avant de se lancer dans l'aventure du travail, Victor doit passer quelques semaines dans la demeure perdue d'un vieil oncle qu'il ne connaît pas et autour duquel sa famille entretient un certain mystère.
Victor quitte les siens, parcourt les routes pendant de longues journées avant d'arriver au but, une ancienne abbaye isolée sur une île difficilement accessible. Il y sera tout d'abord très mal accueilli par cet oncle qui se révèle être un vieux grincheux maniaque. La fierté de Victor en prend un coup! Lui qui a toujours bénéficié de l'amour de sa soeur de lait et de sa mère adoptive, le voilà rejeté comme un vieux chien malade, par un homme qu'il ne connait pas aux habitudes quelque peu étranges.
Progressivement, Victor prend ses habitudes sur l'île et apprend à observer le vieux bonhomme qui cache une profonde solitude derrière son animosité.
L'oncle et le neveu tentent de s'apprivoiser, sans véritable succès, mais cette démarche aura l'effet d'un déclencheur chez Victor, elle lui permettra de s'interroger sur les autres, sur les siens et sur lui-même. Terminée l'insouciance de la vie de jeune enfant choyé, la vie d'adulte s'ouvre à lui.

Fleuron de la littérature romantique allemande, ce texte d'Adalbert Stifter déborde de beauté narrative. Les paysages, superbement décrits, semblent réels à nos yeux et le caractère de son jeune héros est pratiquement palpable tant il est fait de rondeurs et de profondeur. Le style, simple et agréable, se lit avec fluidité, ce qui permet de garder l'esprit suffisamment vif pour entamer la réflexion autour des grands thèmes qui se dégagent de ce récit.
L'insouciance de la jeunesse, tout d'abord, qui tôt ou tard doit prendre fin avec les souffrances que l'on connaît. Stifter, pour aborder ce sujet, a choisi la voie de la séparation géographique, de l'errance obligée jusqu'à un vieil oncle acariâtre.
Début d'une seconde période pour le héros, celle de l'observation. Il n'est plus le centre du monde, il doit apprendre humilité et relativité, il est obligé de composer, avec ce nouvel entourage hostile et aussi avec le vide de sa nouvelle vie pendant laquelle il ne fait (au début) pas grand chose.
Vient ensuite le temps de l'apprentissage et de la découverte. Exploration des âmes et des secrets, découverte de ses réelles capacités et de ses facultés d'adaptation. Sans doute la période pendant laquelle Victor grandit le plus, transfiguration d'un personnage qui peu à peu devient homme et vivra, en adulte, une nouvelle séparation, celle qui le ramène chez lui, laissant un oncle fatigué proche de la mort livré à lui-même et à ses regrets.

C'est également le temps des questions: quelle vie adopter? Existe-t-il des garanties pour être sûr de ne pas se tromper, de faire le bon choix en posant des bases immuables? Privilégier le risque ou la sécurité?
A travers un texte romantique court en apparence facile, Adalbert Stifter pose des questions essentielles sur sa différence à autrui et la manière de conserver son identité.

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