Comme beaucoup de lecteurs de bandes dessinées, j’en ai entendu des choses sur Jean Van Hamme, ce scénariste à grand succès de la bédé. Pour les uns ce serait un clown, un arnaqueur, un publiciste, un profiteur, un utilisateur de clichés bon-marché et que sais-je encore… Moi, je me demande si ce n’est pas la jalousie qui crée ces bonnes et belles paroles ? Pour d’autres, ce serait le génie des génies, le nouveau Charlier de la bande dessinée, le plus grand des scénaristes, une sorte de magicien de l’écriture, un raconteur d’histoires qui réussirait tout ce qu’il entreprend… et blablabla… et blablabla… Mais ceux qui disent cela ne doivent pas avoir beaucoup de culture bédé et de recul, car des scénaristes de qualité, il en existe quand même un certain nombre et je suis contre cette déification des hommes, si talentueux soient-ils… Non, je crois que Jean Van Hamme est un très bon scénariste, que parfois il peut être plus ou moins inspiré… et qu’il n’a pas réussi tout ce qu’il a fait dans sa vie…
Alors, dans le cas de la série Largo Winch, il me semble bon de rappeler que cette série fut d’abord en roman et qu’elle n’eut pas vraiment de succès, c’est le moins que l’on puisse dire. A la limite, c’est après le succès de la bédé, que l’on vit des lecteurs rechercher quelques-uns uns de ces romans (Mercure de France)… Comme quoi le succès appelle toujours le succès… Mais ce n’est quand même pas un scandale ni une raison de rejeter Van Hamme.
Ce qui est vrai, c’est que nous avons, surtout en France, une sorte de rejet systématique de ce qui marche, de ce qui se vend… comme si la qualité intrinsèque était liée au succès… Or, c’est entièrement faux, dans un sens comme dans l’autre… Donc essayons de rester objectif envers ce Jean Van Hamme et lisons ses albums en reconnaissant ce qui est bon et ce qui l’est moins…
Pour ceux qui ne connaissent pas la série, je pense qu’il faudrait commencer par le début, même si pour Largo Winch, il est possible de lire les albums deux par deux, chaque épisode n’ayant pas liens trop marqués avec les précédents… enfin avec quelques limites. Il faut savoir que Largo Winch a été adopté par un riche milliardaire américain, Nério Winch… qu’il s’est un jour, à la mort « accidentelle » de son père, retrouvé à la tête d’un empire colossal, qu’il a autour de lui quelques amis (Freddy et Simon) ou fidèles (Sullivan et Cochrane)… qu’il aime les femmes, toutes les femmes qu’il rencontre même s’il est très respectueux de celles de ses amis… Bref, c’est une sorte de James Bond de la finance…
Les premiers albums vont raconter, en quelque sorte, son installation à la tête de l’empire Winch, puis nous allons le voir rencontrer un grand nombre de difficultés, affronter toutes sortes d’attaques humaines, économiques et politiques… Le suspens est faible car nous avons bien compris que nous sommes en présence d’un héros pur et dur, invincible et immortel. Mais tout est dans la façon de raconter, la manière de le faire chuter lourdement avant de lui permettre de se redresser. Les effets spéciaux sont extraordinaires, mais en bande dessinée ils coûtent beaucoup moins chers qu’au cinéma… alors il ne se prive pas, d’autant plus qu’il s’est trouvé, pour cette série, une très bon dessinateur, Philippe Francq, qui excelle dans un genre « réaliste qui bouge », un artiste qui s’améliore d’album en album…
Ce treizième album commence une nouvelle histoire par un drame étonnant. Lors d’une émission de télévision à laquelle Largo Winch est invité, « le prix de l’argent », un invité surprise, Monsieur Dennis Tarrant, ex-directeur d’une usine qui vient d’être fermée suite à une grande opération financière du groupe W, se suicide en direct… Largo Winch, non seulement est traumatisé par ce drame, mais, en plus, il est accusé directement, par la fille de Dennis Tarrant, d’assassinat… Au Montana, l’Etat où se situait l’usine, c’est la peine de mort assurée… ou la menace d’un colossal arrangement financier… Mais tout peut-il s’acheter ?
Largo va donc se mettre en chasse de la vérité, un peu malgré lui, mais tous les ingrédients sont là : belles femmes (June, la fille de Terrant, et Silky Song, sa nouvelle garde du corps) ; les amis et fidèles (attention, certains donnent l’impression de se détacher quelque peu de Largo…) ; cascades et scènes d’action en très grand nombre ( un ou deux passages à tabac de grande classe, une prise d’otages dans un avion, un accident de la route sous la neige, une extraction musclée et in extremis en fin d’album…)…
Le tout donne un album de bonne tenue qu’il ne faut ni sous estimer ni prendre pour ce qu’il n’est pas c’est à dire de la grande littérature. En fait, c’est un très bon moment de lecture garanti… Alors profitez-en… (A suivre).
Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 19 novembre 2005 |