Le Vampire de Montluçon
de Philippe Chatel

critiqué par Fanou03, le 11 mars 2019
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Un "Punisher" dans le Bourbonnais
Un tueur en série hante les rues de Montluçon, semant la terreur dans la cité et ses environs. Il trucide à qui mieux mieux ses victimes en les vidant littéralement de leur sang. C’est le célèbre capitaine Gorge-Chaude, ancien membre et héros du GIGN, qui est chargé de l’enquête, avec son fidèle collaborateur, le redoutable major Mangin, surnommé « Tête-de-Mort ». Mais les deux gendarmes, malgré leur talent et leurs états de service, vont devoir déployer toute leur pugnacité pour neutraliser un adversaire fourbe et déterminé...

J’avoue que j’ai bien souvent ri à la lecture de cette réjouissante enquête policière, qui n’en est en fait pas vraiment une ! Il s’agit surtout d'une vaste farce, un savant mélange qui brasse allègrement, et sans complexe : polar donc, mais aussi éléments fantastiques, situations burlesques, sans oublier manifeste politique. Tout cela est la plupart du temps fort bien balancé, à condition toutefois de ne pas craindre l’écriture de Philippe Chatel, qui s’avère expéditive (pour ne pas dire virile) et ne craint pas non plus de frayer parfois avec les formes stylistique d’une vulgarité assumé ! Ce style « populaire », on pourra le trouver rédhibitoire, pourtant il participe grandement à l’intérêt du roman. On pourra évoquer, pour le décrire, les romans policiers de la littérature populaire (je pense au côté à la fois noir et humoristique de la série Brigade Mondaine par exemple, mais sans l’aspect pornographique), ou les saillies d’un Michel Audiard pour les dialogues.

Le burlesque, l’humour noire, les franches réparties, les situations absurdes baignent tout le récit. Philippe Chatel ne s’interdit rien : certains passages sont vraiment jubilatoires par leur grand-guignolesque poussés à l’extrême ! Et ce qui est fort c’est que, au détour d’une scène complètement abracadabrante, truffée de clichés ou d’une gouaille débridée, surgissent d’un coup des passages prenant à contre-pieds une littérature parfois volontairement facile. Ainsi, entre un réalisme exacerbé (la conférence du médecin légiste sur les insectes décomposant les cadavres, - sur huit pages ! - est un morceau d’anthologie encyclopédique), une critique sociale qui fait mouche (la diatribe contre les prisons, onéreuses et incapables de réinsérer les détenus), on se surprend à trouver un fond solide à ce qui peut n’apparaître à première vue qu’une franche pochade.

Le profil des protagonistes principaux participent au ton libéré du livre. Ils faut dire que l’auteur ne fait pas dans la dentelle : affublés de surnoms plus ou moins ridicules (le Maire de Montluçon est Danny Rifilon, dit « Rififi »). Philippe Chatel finit par dessiner une galerie de personnages improbables, notables dévoyés, magistrats, policiers, petits voyous, sociopathes ou grands bandits, souvent à la marge, où la frontière entre le bien et le mal reste parfois confuse. Ainsi Gorges-Chaudes, tel un "Punisher" bourbonnais, très attaché au code pénal d’avant 1981, n’hésite pas à exécuter, sous couvert de légitime défense, les psychopathes qu’il estime irrécupérables pour la société...

Vous l’avez donc compris, il ne faut pas être prude pour investir les bas-fonds de ce Vampire de Montluçon, mais il me semble que Philippe Chatel réussit là malgré tout un écrit très personnel, très riche, nourri de multiples influences, où il rend hommage en passant à une « France d’en bas » auquel il est de toute évidence très attachée, car la tendresse effleure bien souvent derrière la caricature qu’il en fait.