Le Faiseur de théâtre
de Thomas Bernhard

critiqué par Pucksimberg, le 20 mars 2019
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Du théâtre dans le théâtre
Cette pièce de théâtre se focalise sur l’univers du théâtre. Bruscon, comédien d’Etat, est parti en tournée dans la province autrichienne. Il doit jouer dans un petit village. La salle consacrée ne lui convient pas, elle est humide et ne permet pas de monter parfaitement son spectacle. Bruscon ne fait que ronchonner et critiquer tout. Les autres personnages parlent très peu. Ce faiseur de théâtre bougon râle durant tout le spectacle sur l’Autriche, sur les femmes, sur son entourage …

Cette pièce de théâtre est à l’image des romans et des récits de l’auteur. Quand on lit les propos de Bruscon on retrouve le ton de l’écrivain, pas exactement toutes ses idées. Il y a certaines remarques qui sont récurrentes comme un personnage en colère qui ne cesserait de ruminer certaines pensées. Le texte se compose de vers libres avec une absence totale de ponctuation ce qui impose un certain rythme en accord avec ce personnage qui ronchonne. Les comédiens seront libres aussi d’insuffler les intentions qu’ils souhaitent. Un lecteur de Thomas Bernhard ne sera donc pas désorienté en lisant cette pièce de théâtre.

L’intérêt principal de cette œuvre est le motif du théâtre dans le théâtre, cette possibilité offerte au lecteur d’entrer dans les coulisses de la création et de la mise en scène. Au-delà du caractère difficile de Bruscon, il est question de l’importance du lieu et de la scène, de l’éclairage, de la diction, du texte et du jeu du comédien … On est loin de « L’Illusion comique » de Corneille et de « La Grotte » de Jean Anouilh, mais dans la thématique on s’en rapproche.

Le texte se lit avec plaisir. Le lecteur aime détester ce Bruscon. Sa misogynie est agaçante mais tellement nécessaire pour construire ce personnage. Il porte aussi les idées de l’auteur qui n’aime pas la campagne et a parfois des mots durs sur les autrichiens. A ses yeux, il y avait beaucoup de nazis en Autriche même après la guerre et cette réflexion n’est pas absente de ce texte. Les textes restent toujours profonds. Les conversations ont quelque chose de très naturel qui pourrait déranger parfois avec les redondances, mais cela est tellement fidèle aux sursauts de notre pensée et du retour du même.