Déjeuner chez Wittgenstein
de Thomas Bernhard

critiqué par Pucksimberg, le 3 avril 2019
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Famille, je te hais
Deux sœurs et un frère se retrouvent autour d’un déjeuner. Ludwig a pu quitter l’hôpital psychiatrique afin de rejoindre ses sœurs dans l’hôtel particulier familial. Ludwig est philosophe, alors que ses sœurs sont comédiennes et jouent de temps à autre, soit pas souvent. Cette famille viennoise est réputée et riche. La pièce de théâtre se découpe en trois tableaux : avant le déjeuner, pendant, après. On y discute logique, art, peinture. Leur relation n’est pas toujours paisible.

Dans cette œuvre, Thomas Bernhard mélange nos repères. Il est question de la famille Worringer et pourtant le titre choisi est « Déjeuner chez Wittgenstein ». Le lecteur de ce dramaturge et romancier ne peut que penser à Paul, un grand ami de l’auteur, hospitalisé pour des problèmes psychiatriques, dont le grand-oncle était Ludwig Wittgenstein, le célèbre philosophe. Le Ludwig de cette pièce semble être un mélange des deux. Pour aller plus loin dans les mélanges, le dramaturge voulait mettre à l’honneur trois comédiens qu’il affectionne et qui ont travaillé pour lui. Le nom de ces acteurs compose le réel titre de la pièce. Quand on lit le texte, ne figure pas le nom des personnages de celle-ci, mais celui des comédiens. On en vient à ne plus distinguer le vrai du faux. Sont-ce réellement Ludwig et ses deux sœurs les personnages joués ou bien sont-ce les comédiens qui jouent le rôle de ceux-ci ?

Le thème de la famille est central dans cette pièce de théâtre. On y parle des parents de ces personnages, des tableaux qui recouvrent les murs, des portraits plus précisément. Et puis il y a cette figure masculine, Ludwig, assez écrasante. Tout semble tourner autour de lui. Ce Ludwig partage certaines idées avec Thomas Bernhard.

Cette pièce est agréable à lire, une comédie quelque peu grinçante. Tout se passe dans un même lieu, un véritable huis-clos dans lequel Ludwig a quelque chose de tyrannique. Le style ne décontenancera pas un lecteur de Thomas Bernhard. Certaines remarques reviennent, comme dans ses récits. Le texte est en vers et ne contient pas de signes de ponctuation ce qui laisse une certaine liberté aux comédiens pour insuffler un rythme au dialogue. Le ton se fait grave parfois et amuse dans d’autres moments. Les rapports entre les individus sont toujours complexes. Ils sont parfois durs les uns envers les autres. Il y a des soupçons d’inceste. La famille chez Bernhard ne séduit pas et possède quelque chose d’infernal. Une œuvre intéressante et riche.