Un orval des ors Vaut
de Éric Dejaeger, John F. Ellyton

critiqué par Débézed, le 12 avril 2019
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Traquer les voleurs d'orval
Crime de lèse buveur de bière avisé, le stock d’Orval du Ris de Veau à la Saint-Honoré, rue Utrillo à Paris, est en chute libre et Ezéchiel Lesoudeur ne veut pas envisager une situation digne de la prohibition. Il veut régler cette question au plus vite. « A mon avis, c’est une histoire belge qui n’ira pas bien loin » dit-il ! Il prend alors la direction de la Gaume car c’est « Ici », et non là, comme l’a écrit Christine Van Acker, que la question pourra être réglée, dans les environs de la fameuse Abbaye d’Orval qui produit cette tout aussi fameuse bière. Ezéchiel Lesoudeur n’est qu’un faux flic introduit en territoire étranger qui mène l’enquête auprès des moines avec le concours de Bernadette, la nièce du père supérieur de l’abbaye. Le flic, faux, s’emmêle les crayons dans une enquête auprès des vendeurs de carburants pour essayer de retrouver le poids lourd chargé d’approvisionner la capitale française. Mais la solution est peut-être bien ailleurs et pourrait impliquer d’autres personnages beaucoup plus haut placés.

Ce pastiche de polar concocté par deux amis, dignes héritiers des surréalistes belges, est bien évidemment un clin d’œil à la fameuse série « Le Poulpe » avec Ezéchiel Lesoudeur dans le rôle de Gabriel Lecouvreur et Morgazh qui signifie le poulpe, dans celui du poulpe bien sûr. Mais, moi, j’y trouve aussi un petit air de Frédéric Dard, le flic, même s’il est faux, à la descente aussi vertigineuse que celle de Bérurier, il trousse les donzelles avec la même vigueur que San Antonio lui-même, et il défouraille quand il faut, sans plus, se contentant pour le reste converser véhémentement avec sa bonne poignée de phalanges comme principal argument. Comme dans les polars de Dard, la fille de service à la cuisse légère mais les miches beaucoup plus lourdes. Et, les deux auteurs font preuve de la même créativité que Dard pour affubler leurs personnages de patronymes très éloquents. Je me contenterai de citer ceux quelques moines de l’abbaye pour vous en convaincre : Le Père Orez, le Père Ruquier, le Père Clût…

Les auteurs ne se sont pas contentés de jouer avec les noms propres, leur texte est bourré de jeux de mots, calembours, aphorismes et autres formules de style se bousculent à longueur de pages. Ils savent aussi faire preuve de dérision et ne manque jamais une occasion de narguer les politiciens et les policiers chargés d’exécuter les décisions qu’ils prennent même quand elles sont stupides, ce qui n’est pas si rare. Ce pastiche de polar est éminemment drôle, on rit beaucoup à sa lecture, mais c’est aussi une certaine forme de pamphlet contre ceux qui détiennent l’autorité et le pouvoir et en profitent pour en tirer de copieux avantages.

Petit conseil à ceux qui ne boivent pas de bière, ne commandez jamais une Orval c’est une preuve d’inculture rédhibitoire et une insulte grave faite à tous ceux qui peuplent ce petit coin de la Gaume. Ici c’est « un » Orval même si on ne sait pas pourquoi (mon correcteur d’orthographe, lui aussi, n’est pas au courant), il en est ainsi et à votre santé !