Le Maître ou la journée d'un poète allemand vers 1980. Comédie
de Thomas Bernhard

critiqué par Pucksimberg, le 11 mai 2019
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un écrivain accompli
Moritz Meister est un écrivain célèbre qui vient de terminer sa tétralogie fort attendue. Il a connu le succès tardivement mais appartient désormais au cercle des grands auteurs. Son épouse le soutient et semble même gérer sa carrière dans l’ombre alors qu’elle a sacrifié la sienne pour lui. Ils reçoivent la visite de Mademoiselle Werdenfels, une jeune femme qui prépare sa thèse sur ce grand auteur. Un journaliste s’ajoutera plus tard à ce petit groupe. Dans la demeure du couple l’on discute littérature, opéra, voyages, réputation …

Cette pièce de théâtre est réussie et plaira aux lecteurs qui apprécient l’œuvre de cet auteur autrichien. Ses œuvres dramatiques sont beaucoup plus aérées que ses récits. Elles semblent plus accessibles. L’atmosphère reste tout de même assez proche dans ces deux genres. Le lecteur perçoit moins le pessimisme de l’auteur dans cette pièce. Pénétrer dans l’intimité d’un auteur est toujours un plaisir pour un lecteur. On a le sentiment de découvrir les coulisses de la littérature. Moritz Meister évoque les artistes qui le touchent et qu’ils respectent. Ses portraits rapides de divers écrivains célèbres sont très plaisants. A ces auteurs anciens s’ajoute une peinture de l’écrivain contemporain. En effet Thomas Bernhard évoque la relation que les écrivains tissent avec leur éditeur. Il dépeint aussi les activités culturelles qui accompagnent le quotidien de ces grandes figures : faire des lectures publiques, parler de son œuvre, vivre la course des prix littéraires … La vanité s’immisce dans chaque dialogue.

Thomas Bernhard dépeint un artiste qui met beaucoup de lui dans son œuvre. Il y a sans cesse des remarques qui soulignent le lien de parenté entre Meister et le personnage de sa tétralogie comme si l’œuvre permettait aussi de mieux connaître un écrivain, débat inépuisable depuis longtemps … Cette pièce de théâtre vive questionne sur la figure de l’écrivain. Cette jeune femme qui prépare sa thèse sur Moritz Meister semble venir visiter un monument et ne cesse de photographier tout ce qui lui permet de mieux saisir cet auteur. Ce n’est pas donc pas lié au hasard si une discussion sur le tourisme ouvre cette pièce. L’écrivain exerce toujours une certaine fascination. Parfois il ne vaut mieux pas connaître l’homme derrière l’œuvre …