Bambiland
de Elfriede Jelinek

critiqué par Pucksimberg, le 15 mai 2019
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Une belle charge contre la médiatisation de la guerre soufflée par une écrivaine à fleur de peau et impartiale.
« Bambiland » est une œuvre engagée et hybride d’Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature. Comme à son habitude l’écrivaine provoque et brusque son lecteur. Sur la couverture du livre est noté le terme « roman », pourtant cette œuvre emprunte aussi au genre poétique et surtout au genre dramatique. Ce texte repose sur l’oralité d’un discours dans lequel s’entrelacent de nombreuses voix, de nombreuses personnes ajoutant ainsi un brin de confusion. La télévision occupe une grande place dans cette œuvre. Toutes ces voix semblent à la fois celles entendues par le biais de diverses chaînes de télévision ou même celles des spectateurs. Il est question de la guerre et de la réception que nous en avons par le biais des médias. En effet Elfriede Jelinek a rédigé ce texte en 2003 au début de la guerre en Irak. On y parle de tomahawks, de Bush, de Dick Cheney, du pétrole, de dauphins utilisés à des fins défensives …

Le ton est accusateur. L’écrivain est ironique, cynique parfois. Elle dénonce la bêtise de notre monde moderne et notre capacité à tout détruire. Elle évoque des images frappantes comme ces enfants ensanglantés que l’on brandit. Elle évoque aussi les chercheurs, tous plus créatifs quand il s’agit des armes. Elle rappelle les civils tués accidentellement comme de futiles détails dans notre histoire contemporaine. Le lecteur sent la hargne de l’écrivaine, son agressivité. Elle vomit ce monde qu’elle déteste, notre assujettissement au Dieu argent, au pétrole. Derrière toutes ces prises de position, on perçoit son incompréhension face à un monde qui se détruit et qui prône des valeurs qu’il ne suit pas. Ses cibles sont larges et nombreuses. Son texte est violent, cru mais sincère et efficace.

Lire Elfriede Jelinek est une expérience. Sa prose est dense. L’énonciation est trouble. Les voix s’entremêlent pour ne constituer qu’une seule voix qui serait celle de l’écrivaine. Les paragraphes sont très longs même s’ils ne dépassent pas en longueur ceux de Thomas Bernhard. Ce texte est un flot ininterrompu d’images et d’accusations. Cela insuffle une énergie violente à cette œuvre. En France, on connaît mal le théâtre de Jelinek, mieux ses romans alors qu’en Autriche ses pièces sont jouées régulièrement et rencontrent un franc succès même si le personnage suscite toujours une certaine antipathie. Sa franchise et sa vision de l’Autriche déplaisent.

Une belle charge contre la médiatisation de la guerre soufflée par une écrivaine à fleur de peau et impartiale.