Les feux du crépuscule
de Michel Droit

critiqué par Fanou03, le 29 mai 2019
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Une certaine idée de la France
Cet ouvrage est présenté par l’auteur lui-même comme étant une adaptation de son journal intime, pour la période 1968 à 1970. On y trouve la teneur de ses échanges avec les hommes politiques d’une part (en particulier les membres du gouvernement de l’époque), ainsi qu’avec certains écrivains en vue (André Malraux, François Mauriac, Louise de Vilmorin, Henry de Montherlant) d’autre part. Il faut reconnaître que ces notes sont d’un intérêt très inégal : évocation de quelques dîners mondains, « petites phrases » de ses interlocuteurs, tour à tour assassines ou philosophiques, ou bien considérations politiques beaucoup plus profondes. Michel Droit y relaie alors ses propres analyses ou celles des membres du pouvoir sur les principaux évènements de ces trois années : ceux de Mai 68 évidemment, le référendum de 1970 et la démission de Charles de Gaulle.

J’ai cru comprendre que Michel Droit a souvent été raillé pour sa dévotion sans borne pour le Général de Gaulle. Quoi qu’on en pense, les propos du journaliste confirme bien son immense admiration pour « l’Homme du 18 juin ». Il faut par exemple voir l’émotion sincère et touchante qui étreint Michel Droit lorsqu’il est choisi par de Gaulle pour relire le premier tome de ses mémoires, ou que pour la première fois il pénètre dans la demeure de Colombey. D’ailleurs, et ce n’est pas un hasard : c’est le décès du Général de Gaulle qui conclut le livre, tel un « feu du crépuscule » annonçant la mort du soleil. Pour Michel Droit, cela ne fait aucun doute : personne n’arrivera jamais à la hauteur de Charles de Gaulle, et la Politique en France ne sera plus pareille après lui.

Autre reproche qui a été régulièrement fait à Michel Droit : celui d’un certain assujettissement aveugle au pouvoir en place, d’autant plus critiquable qu’il était un journaliste, présentateur sur l’ORTF de plusieurs émissions politiques, un faiseur d’opinion en somme. S’il est clair que l’homme ne cache pas ses opinions de droite et une grande proximité avec le gouvernement d’alors, il faut quand même je pense lui reconnaître un certain esprit critique quant à la liberté d’expression sur l’ORTF : il revient par deux fois dans les Feux du crépuscule sur l’absolue nécessité de donner la parole à l’opposition dans son émission de télévision, blâmant sans ambiguïté en cela la frileuse position du cabinet de Maurice Couve de Murville.

Ce « journal », fort agréable à lire, reste surtout un témoignage historique très instructif du fait de la proximité de l’auteur avec les décideurs politiques. Le point de vue sur les évènements de mai 1968 est ainsi sans ambiguïté, mais nuancé, Michel Droit déplorant l’agitation de quelques « enfants gâtés » sans perspectives idéologiques mais reconnaissant pourtant comprendre, dans une certaine limite, le besoin d’action qui étreint une partie de la jeunesse. Récit à la fois engagé et mondain, il s’y dessine aussi, parfois de façon frivole, parfois avec gravité, un bout de la vie littéraire de ces années-là. La figure du Général de Gaulle, vous l’aurez bien compris, domine tout le livre. Michel Droit y retranscrit ce que lui inspire cette figure : de la grandeur, une certaine hauteur de vue, une éthique, une « certaine idée de la France ».