La Bible dévoilée : Les nouvelles révélations de l'archéologie
de Neil Asher Silberman, Israel Finkelstein (Co-auteur)

critiqué par Sahkti, le 21 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Une vérité?
J’ai eu le plaisir, pendant mes études, de suivre un cours d’histoire du christianisme, qui se centrait essentiellement sur la véracité des textes qu’on nous produisait. Il s’agissait de reconstituer le contexte historique dans toute son exactitude afin de mieux comprendre les aspects idéologiques et philosophiques. Un cours hautement passionnant qui permet de scruter d'un oeil attentif cet ouvrage supposé remettre les éléments à leur place. On ne peut plus dire "on ne savait pas".
Trop souvent, la science a été utilisée pour prouver les dires religieux et c’est bien connu, les preuves quand on les cherche, on finit toujours par les trouver, reste cependant à discuter de la qualité de ces preuves. A partir du moment où il est clairement établi que la religion juive a été structurée sur base de la pensée de Josias (-VIIe), peu de doutes subsistent quant à l’existence réelle de Moïse ou d’Abraham. Seulement, dénier certains faits historiques s’apparente encore trop souvent à un déni de foi, alors qu’il ne s’agit pas du tout de cela, mais simplement d’établir la vérité matérielle. Est-il incompatible de connaître en détail l’histoire religieuse et de continuer à croire à ce qu’on nous enseigne depuis des millénaires ?
Ce livre ébranle certaines certitudes. Est ainsi indiqué que le sud de la Palestine ne comprenant aucune ville de grande importance avant le Xe siècle, il ne pouvait y avoir de peuple d’Egypte venu conquérir le pays de Juda. Le mythe de la Terre promise en prend un coup.
Tout comme le Temple de Salomon, création de Josias par pur intérêt politique.
Au fil des pages, on apprend que beaucoup de noms de villes et de lieux, même si ils sont exacts, font référence à des lieux plus récents et non pas aux villes anciennes. Les événements sont décortiqués les uns après les autres, les faits établis et compilés, des comparaisons judicieuses prouvent que tel ou tel élément est impossible, tant sur un plan chronologique que matériel ou géographique.

Un regret concernant cet ouvrage : il se concentre surtout sur Israël. Il me semble donc judicieux de le compléter par la lecture de "L’histoire commence à Sumer" de Samuel-Noah Kramer.
Dépoussiérage indispensable 7 étoiles

Le croyant de 2013 ne peut plus croire aveuglément les emplacements, les événements transmis par la tradition, et ses histoires, d'où l'utilité de ces recherches (cela ne signifie pas qu'il comprend mieux ce qu'il croit d'ailleurs ou qu'il est meilleur). Cependant, ce livre ne lui pas est réservé, mais intéressant en général pour tous ceux qui veulent creuser la question car il y a beaucoup de réponses, et pas seulement religieuses, à trouver dedans. Une telle remise en cause ne remet pas en question la spiritualité se dégageant de la Bible, en exceptant les récits guerriers, et du moins si on la lit avec paix : la compassion, le pardon, l'altérité, la sensualité (lisez donc le Cantique des Cantiques...)
Ce livre a une autre importance qui est de mettre en lumière précisément l'histoire du Proche Orient. La Bible prise à la lettre (comme le Coran), ou l'Évangile, servent trop souvent de justifications à des préoccupations géopolitiques bien de notre temps (fondamentalisme et néo-colonialisme déguisé car c'en est un bien un), chacun prenant ce qui lui convient. L'on brandit l'un ou l'autre livre saint comme titre de propriété (cf l'interview d'un colonel francophone israélien il y a deux jours disant : "nous étions là il y a 5000 ans") en oubliant les populations. Sur ces bases faussées, car extrémistes, il y en a qui balancent des bombes d'une tonne sur des quartiers populaires tuant des innocents, pendant que de vieux responsables religieux fanatiques envoient des ados en tuer d'autres, mais de l'autre camp.
Les gens peuplant cette terre n'ont pas besoin de ces passions religieuses. Les israéliens ont besoin de paix et de sécurité, les palestiniens ont besoin d'eau, d'électricité, de médicaments, de nourriture, de libertés fondamentales comme celle de circuler à leur gré. Dépoussiérer ces croyances permet de renvoyer l'un et l'autre camp face à ses responsabilités quant à la violence.
Des exemples de ce dépoussiérage : la conquête de la terre de Canaan ne s'est pas faite militairement (donc pas de murs de Jéricho qui croulent sous les trompettes), mais a été plutôt une assimilation progressive de populations immigrées qui sont devenus dominantes. Qui étaient ces peuples ? C'était certainement des esclaves hérétiques égyptiens, adeptes de la religion monothéiste -tiens?- d'Aton. Moïse n'est peut-être que la conjonction de plusieurs personnes ayant existé, comme Abraham. En tout cas, la démarche de ce pavé malgré tout digeste me semble moins prétentieuse que la Bible "réécrite" paru il y a quelques temps.

AmauryWatremez - Evreux - 55 ans - 4 novembre 2013