Clemenceau
de Michel Winock

critiqué par Veneziano, le 19 mai 2019
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Du Radical révolutionnaire au Père la victoire
Habitué à nous livrer des biographies historiques riches, fournies et richement détaillées, Michel Winock s’attelle à celle d'un personnage ayant marqué l'enracinement de la République lors de son installation après la chute du Second empire et la Commune de Paris, Georges Clemenceau. Vendéen de naissance, il s'engage tout de suite vers le républicanisme laïciste, assumant un athéisme de combat, avec l'anticléricalisme qui va avec, et un ancrage proche de l'extrême-gauche, où se situait alors le Parti radical qu'il a contribué à créer et dont il a été une figure de proue. Quasi-révolutionnaire, son activisme lui a valu un court passage en prison et d'évoluer loin du positionnement de son territoire de naissance, royalisme, ultra-catholique et très conservateur.
Maire du XVIIIème arrondissement, député de Paris, il devient ensuite parlementaire du Var, siégeant dans les deux chambres, il a été connu pour devenir un tombeur de gouvernements, s'opposant notamment à Ferry, qu'il honnit pour le trouver trop conservateur et lutter contre le colonialisme qu'il instaure, comme à Jaurès qu'il respecte toutefois. Ce ne fut que tardivement qu'il accéda au pouvoir exécutif, comme ministre de l'Intérieur et président du Conseil, son caractère tempétueux ayant réfréné les envies de l'y nommer. Assurant vigoureusement la sécurité, puis la victoire militaire contre l'Empire allemand, avant de négocier le traité de Versailles, écrasant pour les vaincus, il a assis sa carrure d'homme d'Etat, après avoir assuré sa réputation de tribun, fort de lourdes qualités oratoires. Son exercice du pouvoir a été également sujet à controverses ; mais le caractère incontestable de son bilan, de sa sincérité et de sa bonne foi, qu'a entériné son statut de vainqueur de guerre, l'ont érigé au rang d'homme d'Etat de première importance de l'histoire du pays.

Ce livre retrace de manière dense ce parcours, illustré de discours, lettres, interventions. Sans en alourdir la lecture, ces documents rendent d'autant plus vivant ce long écrit, qui fleure bon un parfum d'hommage. L'auteur a voulu retracer la verve, le dynamisme, le caractère sanguin et les quelques contradictions du personnage, qui a pu se dédire partiellement et ponctuellement ici et là. Impressionniste - aussi l'intéressé a-t-il été l'ami de Claude Monet - , cette biographie en apprend beaucoup et fait réviser utilement son histoire, ce qui reste fort utile dans une époque aussi troublée que la nôtre.