L'Horizon se fait attendre
de Paul Lambda

critiqué par Débézed, le 3 juin 2019
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Traits d'esprit
Pas si lambda que ça ce Paul dont on sait seulement de lui que ce qu’il en dit : « Je ne suis ni Belge ni surréaliste et vous prie de me pardonner ». Effectivement, il faut avoir un certain talent, et même un talent certain, pour générer des traits d’esprit comme il en produit et les condenser en des formules qui ont enchanté son éditeur avant d’émerveiller, j’en suis convaincu, tous ceux qui liront ce recueil. « Je découvrais des phrases conçues dans la dentelle, des propos qui coulaient comme le sable entre les doigts, des mots s’articulant avec une telle évidence que l’on se reprocherait volontiers ne pas pensé la formule avant lui ». Un auteur qui enthousiasme son éditeur à ce point ne peut, évidemment, n’être que très talentueux.

Pour ma part, j’ai sorti, dès la première formule, mon crayon pour la noter tant sa finesse et sa drôlerie absurde m’avait emballé
:
« En ce moment même, à Tokyo, un homme entre dans un bâtiment et quelques secondes plus tard, à Paris, une femme en sort ».

Et, les traits d’esprits s‘enchaînent ainsi de ligne en ligne, de page en page, parce que chez Lambda l’aphorisme est avant tout un trait d’esprit, un trait d’esprit d’une grand finesse qui souvent tutoie l’absurdité sur fond de poésie avec un zeste de sensibilité…

« Nous nous sommes
Tant aimés, toi et moi
Mais toi, tu ne le sais pas. »

Parfois, l’amertume s’invite au banquet de notre monde convoquée par une société peu scrupuleuse, peu attentive à son devenir…

« La vérité toute crue est immangeable. »

Au point qu’on ne peut même plus croire à ses rêves…

« Les marchands de sommeil vendent les rêves en option. »

La réalité est tellement concrète, tellement évidente, tellement prégnante …

« La réalité est trop persistante pour être crédible. »

Ravi par le trait d’esprit, enchanté par la finesse du propos, convaincu par le filet d’amertume, j’ai aussi été ému par la douce tendresse qui sourd sous les jeux qui dépassent de loin les jeux de mots, évoquant plutôt les jeux d’esprit.

Et surtout ne pas oublier la petite histoire d’amour écrite en filigrane avec quelques dialogues, deux répliques de deux à quatre mots seulement, dispersés tout au long du recueil. Rassemblés, ils constitueraient peut-être la plus petite histoire d ‘amour de la littérature francophone. Un petit bijou semé tout au long du texte comme les cailloux du Petit Poucet.

Un bien joli recueil, plein de finesse, de tendresse et de poésie et, « Si vous saviez tout ce que je ne vous ai pas fait » …