Le Chant de l'assassin
de R. J. Ellory

critiqué par Clubber14, le 20 juin 2019
(Paris - 44 ans)


La note:  étoiles
Parce qu'une parole donnée peut faire ressurgir les démons les plus enfouis...
Présentation de l’éditeur :

1972. Condamné pour meurtre, derrière les barreaux depuis plus de vingt ans, Evan Riggs n'a jamais connu sa fille, Sarah, confiée dès sa naissance à une famille adoptive. Le jour où son compagnon de cellule, Henry Quinn, un jeune musicien, sort de prison, il lui demande de la retrouver pour lui donner une lettre. Lorsqu'Henry arrive à Calvary, au Texas, le frère de Riggs, shérif de la ville, lui affirme que la jeune femme a quitté la région depuis longtemps, et que personne ne sait ce qu'elle est devenue. Mais Henry s'entête. Il a fait une promesse, il ira jusqu'au bout. Il ignore qu'en réveillant ainsi les fantômes du passé, il va découvrir un secret que les habitants de Calvary sont décidés à ne pas laisser divulguer.

Avec ce retour aux sources qui évoque par bien des aspects Seul le silence, R. J. Ellory nous livre un roman magistral, d'une puissance émotionnelle rare. Un de ses plus humains, un de ses plus sombres aussi.

Mon avis :

Une fois de plus cet auteur parvient à me mettre en émoi. Une fois de plus je me dis qu’Ellory a du génie. Il possède une force d’écriture lui permettant de donner littéralement vie à ses personnages. Chacun, avec ses qualités et ses défauts, possède une profondeur de caractère nous plongeant directement et intégralement dans l’histoire, Ellory autopsie l’âme humaine comme personne. Ils sont palpables, nous sommes à côté d’eux, nous voyons leurs traits de visage, nous pénétrons leur esprit. La description des lieux (ici nous sommes dans un petit village profond du Texas), du contexte historique du moment, ces petits détails de la vie quotidienne dans l’Amérique profonde, la puissance que tient la musique dans ce livre (l’auteur, lui-même musicien, fait un clin d’œil à son propre groupe qui s’appelle les Whisky Poets et qui est le titre de l’album d’un des personnages principaux du livre) posent le fondement même du style littéraire de l’auteur.

Les principaux thèmes abordés dans ce livre sont multiples : la force de la parole donnée, de l’amour qui peut parfois devenir destructeur, le fait que tout se paie un jour ou l’autre, la volonté de rédemption, l’impact de l’alcool sur la dégradation de la santé mentale et physique des Hommes. Ces thèmes sont omniprésents et servent de ciment à la construction de l’histoire en elle-même.

Ce qui me fait rebondir sur l’histoire à proprement parler. J’ai énormément apprécié (et ce fut le cas déjà dans d’autres livres de l’auteur), cette double histoire qui se passe à environ 30 ans d’écart. Les chapitres alternent donc entre une histoire qui s’est passée dans les années 40, qui voit la présentation d’une famille américaine moyenne du Texas, 2 frères très différents (Carson et Evan Riggs), qui ne se détestent pas sans pour autant s’adorer et l’apparition d’une magnifique jeune fille (Rébecca Wyatt) qui va être la cause d’une compétition amoureuse entre les 2 frères et une autre histoire qui se passe au début des années 70 et qui voit un jeune protagoniste (Henry Quinn) entrer en jeu et dont le but unique et simple est de transmettre une lettre à une femme dont il ne connait que le prénom, Sarah. Or, ces deux histoires vont s’enchevêtrer et Henry Quinn va, peu à peu, lever des secrets qui datent de plus de 30 ans.

Le parallèle entre certains personnages principaux est saisissant. Evan Riggs et Henry Quinn sont très proches : deux garçons intelligents, fervents amateurs de musique et à qui l’avenir semble très prometteur. Mais voilà, il suffit parfois de petites circonstances de la vie pour qu’un destin tout tracé et radieux soit complètement détruit et l’alcool y est pour quelque chose. Ellory nous instille cette notion de destruction liée à l’alcool, qui sera l’une des morales de l’histoire.

Autre morale de l’histoire : le rôle du remords et du besoin de rédemption, couplé au fait que tout finit par se savoir et par se payer. Ellory, par l’évolution mentale des personnages au fil des années, nous fait prendre conscience que nos actes malveillants, aussi bien cachés soient-ils, finissent soit par se savoir soit par nous bouffer. Certaines personnages perdent la raison et ont le besoin, sur leur lit de mort ou avant, de dévoiler les actes odieux qu’ils ont commis. Cette notion est primordiale dans ce livre.

Enfin, la dernière chose qui ressort pour moi de ce livre est l’importance de la parole donnée et de tout faire pour la respecter. Et s’il y en a bien un qui a compris cela c’est bien Henry Quinn. Il ne va pas hésiter à se mettre dans des embrouilles sans nom pour respecter la parole qu’il a donnée à son co-détenu à Reeves (la prison d’Etat) qui n’est autre qu’Evan Riggs (et c’est là que les histoires se recoupent), quitte à se mettre en confrontation directe avec un homme froid et dangereux, Carson Riggs (le frère d’Evan Riggs)

Pour conclure : une fois de plus ce livre d’Ellory est d’une puissance extraordinaire. La force de caractère des personnages, les valeurs morales qui en découlent, le suspense haletant de ces deux histoires parallèles font de cet auteur un incontournable en la matière. Ce livre n’est pas un policier, ce n’est pas un thriller ni un roman d’amour, ce n’est pas un roman sur la psychologie humaine ni sur la sociologie de l’Amérique profonde mais il s’agit bien là des 5 à la fois. Ellory est un génie littéraire, un décortiqueur du cerveau humain servi par une plume sobre et fluide. Ne surtout pas passer à côté de ce livre.
Deux hommes, une femme 5 étoiles

Henry Quinn a purgé sa peine de trois ans d’emprisonnement à Reeves ; son co-détenu à qui il doit la vie, en cellule depuis vingt ans, lui demande de donner une lettre à Sarah, sa fille qu’il n’a jamais vue.
Pour Henry, cette promesse faite à Evan Riggs semble facile à tenir. Il suffit d’aller à Calvary dans le West Texas et de retrouver Carlson Riggs le frère aîné d’Evan, shérif de la ville depuis des dizaines d’années. Evan Riggs ne lui a rien dit d’autre, livrant en unique confidence que les deux frères ne s’entendaient pas.

Les chapitres vont alterner entre la recherche de Sarah par Henry bientôt assisté d’une jeune fille aussi entêtée que lui, Evie Chandler, et l’histoire de la famille Riggs, l’union de William et Grace, la naissance de Carlson, premier fils non attendu, puis l’arrivée du second Evan. Une famille aimante, avec quelques tensions classiques entre deux frères très différents ; jusqu’à l’arrivée dans la ferme voisine de Ralph Wyatt et sa fille unique Rebecca.

Ce n’est pas fréquent, mais je ne partage pas l’avis des lecteurs précédents. Les premiers chapitres m’ont semblé longs, la mise en place des personnages, des lieux, de la société dans les années 70, ne m’ont pas passionnée.
J’ai trouvé le récit de la vie d’Evan et de Carson intéressant, la recherche des deux jeunes gens aussi, mais je regrette que les personnages soient aussi manichéens. J’attendais (espérais?) un ou plusieurs coups de théâtre à la fin du livre.
J’ai été touchée par les interrogations des parents, la culpabilité de William et la sagesse de Grace, dénotant avec la brutalité et la méchanceté de leur fils."Qui avait commis le plus grand crime dans l’affaire ? Evan, Carson, ou lui-même ?"

Un roman que j’ai lu par épisodes, plus intéressée par la seconde moitié.
Je suis cependant d’accord avec ce qui a été dit précédemment : ce roman est un thriller, un roman policier, un roman d’amour…
Mais voilà, je n’ai pas accroché.

Marvic - Normandie - 66 ans - 15 février 2022


A quoi sert de savoir la vérité ? 8 étoiles

Deux frères sont aussi secrets l’un que l’autre mais ont des caractères très différents. Le musicien se cherche au fond de l’alcool et finira en prison. Un jeune codétenu libéré accepte de transmettre une lettre à sa fille, qu’il ne connaît pas, par l’intermédiaire de son frère, devenu shérif de leur petite ville natale au Texas. Cela ne va pas être simple de tenir cet engagement.

Passé et présent sont intimement liés tout au long du récit. Les pensées des personnages sont abondamment relatées, ce qui leur donne de l’épaisseur et les rend familiers. Le contexte est aussi important avec des événements historiques (politique, économique, musical, ...), surtout dans le premier tiers du roman. Les dialogues sont écrits dans un langage parlé pour faire contraste avec le reste du texte.

Un beau roman qui incite à assumer les conséquences de ses actions, qui montre les différentes utilisations que l’on peut faire de faits.

Citation : « Le mal n'a pas besoin d'autre terreau pour prospérer que le silence et l'inaction des gens de bien. »

IF-0122-5208

Isad - - - ans - 3 février 2022


Les frères ennemis. 9 étoiles

Hélas ces deux frères là, n’ont rien à voir avec le célèbre duo d’humoristes :
-« Quelle est la différence entre une montagne et une chemise ? Les montagnes n’ont pas de manches ».
Ici hélas dans ce roman de 491 pages, ces deux frangins sont guère sages. Et c’est à travers notamment un ex taulard, et une lettre à remettre, que l’on va découvrir l’ampleur de ce drame superbement écrit.
Extrait :
Henry avait l’impression que ces gens venaient d’une autre planète. Dans sa tête, il était encore prisonnier de sa cellule. Il lui faudrait un bout de temps pour en sortir. Evan avait mentionné ce phénomène.
« Y a tout à parier qu’en arrivant quelque part tu demandes la plus petite chambre disponible. On aime pas avoir trop d’espace, tu comprends ? On a un peu peur de ce qu’on connait pas, et quand t’es resté bouclé des années durant dans une cellule d’à peine trois sur trois, tu te sens pas à l’aise tant que t’as pas quatre murs que tu peux toucher en étendant les bras et une porte que tu peux fermer à double tour. Ça finit par passer, mais ça prend du temps. Remarque, y en a qui s’en remettent jamais, et ceux-là se débrouillent pour se faire ramener au trou tôt ou tard. Tu les entends même pousser un soupir de soulagement quand on verrouille la porte de leur cellule »
Henry savait de quoi parlait Evan. L’enfermement avait un côté confortable, celui de l’habitude. Il était rassurant de ne rien avoir à penser en dehors du livre qu’on était en train de lire ou de la conversation dans laquelle on était engagé. En prison, on n’avait pas besoin de trouver l’argent du loyer. En prison, on ne laissait jamais passer un repas. Bien sûr, beaucoup de choses vous manquaient, qui pourtant semblaient perdre de leur réalité au fil du temps. En un sens, la prison vous ramenait à l’époque de votre enfance. On mangeait quand on vous le disait, on dormait de même. Et si vous vous avisiez de sortir du rang, il y avait toujours quelqu’un pour vous y faire rentrer et vous enjoindre de rester à votre place.
Mais c’était fini à présent. Henry était sorti et était désormais un homme libre….

Joyeux Réveillon à toutes et tous.

Pierrot - Villeurbanne - 73 ans - 24 décembre 2019


Une promesse 10 étoiles

C'était le titre que je voulais à ma critique sans savoir que ce dernier roman de Ellory avait déjà été critiqué, et d'une manière magistrale que j'approuve totalement.
Le Chant de l'assassin est un livre qui nous fait vivre une histoire sombre et très belle aussi. Quand le jeune Henry quitte la prison de Reeves et son compagnon de cellule devenu un ami, presque un père pour lui, un protecteur qui l'a sauvé de la cruauté de quelque brutes durant les trois années auxquelles il fut condamné pour mort accidentelle, une bête malchance surtout, mais voilà, Evan Riggs qui, lui, est condamné à vie, a une fille et il a une lettre importante pour elle qui ne connaît rien de son vrai père. Henry lui jure qu'il fera tout pour lui remettre. Son seul indice, le frère d'Evan est shérif à Calvary une ville du Texas profond et il était là lors de la naissance de sa fille. Il pourra sans doute l'aider à savoir qui l'a adoptée.

Ce shériff Carson Riggs règne en maître sur sa ville et a beaucoup d'influence dans la région, et n'aime pas trop ce jeune étranger qui pose beaucoup de questions dans le but de retrouver cette Sarah. La promesse faite à son ami deviendra un défi insurmontable qui nous transportera dans les profondeurs de l'âme humaine.

Une merveille à lire!

Martell - - 61 ans - 3 septembre 2019