Mon Père de Grégoire Delacourt

Mon Père de Grégoire Delacourt

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 20 juin 2019 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 534ème position).
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Mon père

Quelle claque !

Difficile de trouver les mots que ce roman magistral de Grégoire Delacourt. Ce livre est bouleversant, il secoue et questionne et est plus que jamais malheureusement toujours d'actualité.

Un sujet tabou abordé avec énormément de justesse.

Un home Edouard entre dans une église et saccage absolument tout ! Il détruit tous les objets sacrés, ce jusqu'au Tabernacle. Il semble possédé, animé par une rage qu'il ne peut plus contenir !

Mais que se passe-t-il ? Attiré par le bruit, un prêtre, Préaumont sort de la sacristie et calmement le soigne et l'écoute.

Edouard ne cesse de dire ; Pourquoi lui ? Pourquoi mon fils ?


Parallèlement à cela et en préambule, Edouard est obsédé par une scène de catéchisme; le sacrifice d'Isaac par Abraham (l'ancien testament parle lui du sacrifice d'Abraham ! )

J'ai été éduquée tout comme Edouard et Nathalie (celle qui deviendra la mère de Benjamin, leur fils, sa femme) dans la foi catholique, j'ai eu droit au catéchisme matinal quotidien durant deux ans! oui je sais.. mais j'ai survécu.. Un bourrage de cerveau d'amour du prochain, de pardon, mais surtout avec le recul d'hypocrisie (désolée si j'en choque certains). J'ai aussi fait les camps de patro mais ma chance est d'avoir côtoyé un prêtre qui était dans l'écoute, partage et sans dérives. C'est loin d'être toujours le cas, raison pour laquelle Grégoire Delacourt aborde ce sujet difficile, malheureusement intemporel, faisant toujours autant scandale dans l'Eglise. (La parution de SODOMA il y a peu nous le rappelle)

Mais bien des choses donnent l'envie de vomir tout comme l'utilisation du prétexte de l'amour de Dieu, l'amitié naissant, il est normal de se laisser abuser, oui c'est bien car Dieu ne l'interdit pas.

Et mon doigt a caressé ses lèvres, je lui ai expliqué que se toucher, lorsqu'on est amis, est un cadeau qu'on se fait, quelque chose de rare puisque ceux qui ne sont pas amis n'y ont pas droit, et Dieu qui nous regarde se réjouit de notre amitié.

Grégoire Delacourt nous dresse le portrait d'un père qui s'investit et veut à tout prix aimer, chérir et protéger son enfant. Mais il y a la loi du SILENCE, difficile à rompre. Que faire lorsque son enfant ne va pas bien, est-ce dû à la séparation des parents car Nathalie et Edouard divorcent. Quel mal-être de ne pas VOIR, ne pas Comprendre ce qui ne va pas chez Benjamin âgé de 10 ans.

Ce n'est plus possible pour Edouard d'imaginer, il veut des certitudes, il a besoin d'entendre, de savoir ce que Benjamin a supporté même si c'est difficile à entendre, les confessions du prêtre sont indispensables.

Un roman qui nous parle de ce lourd fardeau qu'est le silence, synonyme d'une grande souffrance. Qui nous parle du pardon, celui qui permet tout, qui absout. Un roman qui nous parle de l'Eglise et de sa façon d'agir, de ne rien dire, de fermer les yeux, le silence encore et toujours!

Ce récit soulève d'autres questions comme le célibat des prêtres qui eux contrairement aux autres ecclésiastiques ne font pas voeux d'abstinence, de chasteté. L'hypocrisie de l'Eglise, ses contradictions !

Ce huis-clos entre un père qui donne l'amour filial, paternel et un Père , prêtre qui prend l'amour d'une main et abuse et donne le corps du Christ de l'autre ! Grégoire Delacourt secoue, déstabilise. Il parle de l'innommable, de l'insoutenable avec une plume d'une terrible justesse. Il trouve les mots précis, il est magistral.

Que ferions-nous dans le même cas ? Jusqu'où pourrions-nous aller pour protéger nos enfants ? Quelle limite y-a-t-il à notre humanité ?

Un roman fort, indispensable. A lire absolument !

Ma note : 10/10 ♥


Les jolies phrases

Et je m'étais plus tard demandé comment un père peut sauver un fils qui s'est emmuré dans un tel silence.

Le chagrin fait grandir plus vite pour avoir plus vite de longues jambes et plus vite le fuir.

Je lui ouvrirai mes bras pour lui apprendre qu'un père est un arbre près duquel on peut se réfugier, se cacher les jours de peur.

Aimer quelqu'un peut l'ébrécher, je le sais maintenant.

Car tout est là, dans cette escroquerie, dans cette mystification. Le pardon permet l'infamie. Le pardon autorise toutes les abominations. Il est la semence du mal. L'épine du monde !

Et moi, Edouard, je te dis qu'il faut deux parents à un enfant, sinon il boîte.

Les prêtres ne font pas voeu de chasteté, vous savez, mais promesse de célibat. Les barreaux du grand malentendu. Vous n'avez pas idée de notre impossibilité à gérer la sensualité. Le plaisir, la jouissance.

Et mon doigt a caressé ses lèvres, je lui ai expliqué que se toucher, lorsqu'on est amis, est un cadeau qu'on se fait, quelque chose de rare puisque ceux qui ne sont pas amis n'y ont pas droit, et Dieu qui nous regarde se réjouit de notre amitié.

Le silence étouffe les victimes, vous savez, mais paradoxalement il est aussi un aveu.

Le pardon n'est pas une rémission, poursuit-il. C'est juste une promesse, un espoir. Celui de créer le temps et l'espace où se reconstruire. Il n'est pas une fin en soi mais un commencement.

Je sais que la paix disparaît quand triomphe l'injustice et que l'injustice est le tombeau de la prière. Ce qu'a fait le père Delaunoy est une abjection, une tragédie. C'est la ruine de toute notre Église, et que que fait l'Église, tout comme les mères qui savent et se taisent, est un crime.

Je n'ai pas entretenu mon fils de la laideur et des dangers du dehors parce qu'il est inutile de placer des mines dans les jardins de l'enfance.

Il est vrai que le législateur ne s'embarrasse guère des enfants. Ils ne votent pas.

Je suis parvenu au point où confluent ma part tellement civilisée, celle d'un fils de la subordination, et l'autre, primitive, animale de la famille des ursidés, capable d'un coup de patte de dépecer celui qui menace sa géniture.

Mais rien n'y fit car tu le sais bien, toi, Isaac le Muet, que le silence est le seul refuge des enfants quand ceux qui devaient inconditionnellement vous aimer vous ont trahi.

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Le sacrifice

5 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 16 octobre 2020

Edouard entre dans une église et y saccage tout sur son passage. Un prêtre survient et tente de le réconforter. Lorsqu’Edouard lui explique la cause de sa colère, le viol de son fils Benjamin, le père Préaumont explique que le coupable est le curé précédent, le père Delaunoy. Mais lorsqu’Edouard tombe sur des photos d’enfant dans un tiroir de la sacristie, son sang ne fait qu’un tour...
Edouard ne se pardonne pas de n’avoir rien vu, de n’avoir pas compris son fils, de n’avoir pas su lire ses symptômes et de ne pas l’avoir prévenu des dangers, de lui avoir enseigné l’obéissance et la confiance. Il veut comprendre, à tout prix.
J’ai passé quelques chapitres insoutenables et j’ai failli abandonner le livre. Ce n’est pas une lecture agréable.
J’ai soupçonné la fin tout le long de l’histoire et elle fait réfléchir... Grégoire Delacourt nous met face aux choix qui se posent à nous face au mal. Quelles réactions aurions-nous ?
En tous cas, l’auteur maîtrise très bien son sujet et a une grande culture catholique.

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