Le destin d'une tasse sans anse
de Heinrich Böll

critiqué par Tistou, le 30 juin 2019
( - 68 ans)


La note:  étoiles
18 nouvelles
Dix-huit nouvelles dans ce recueil qui présente la particularité de couvrir 30 ans d’écriture de nouvelles, de 1950 à 1980. Elles sont présentées dans l’ordre chronologique si bien que la lecture des dix-huit nouvelles dans l’ordre permet de se rendre compte de l’évolution de la pensée et des thèmes à Heinrich Böll.
Pour autant, la qualité est très inégale ce qui donne à la lecture un petit côté « montagnes russes ».
La première « Un drôle de cirque » (1950) n’est pas comme on s’y attendrait une nouvelle de guerre. Elle est même assez inattendue, surtout venant de Böll, avec un côté un peu moins désespéré que de coutume ! Le « drôle de cirque » en question est bien un cirque, un établissement de spectacle vivant

« La femme-tronc s’avéra l’une des plus charmantes personnes du sexe que j’aie vues de ma vie : coiffée d’un ravissant chapeau de paille en forme de sombrero, elle s’était assise, comme une discrète maîtresse de maison, du côté ensoleillé de la petite terrasse montée le long de sa caravane. »

Pas précisément un démarrage typique à « la Böll ». Et cette courte nouvelle conserve étonnamment ce ton jusqu’à sa fin …
La suivante « Les aventures d’une musette » (1950 également) est en lien avec la guerre. Il s’agit des tribulations de la musette d’un soldat qui passe de mains en mains au fil des évènements guerriers. « Engagez-vous, vous verrez du pays, qu’ils disaient » (dixit un centurion éméché dans je ne sais plus quel album d’Astérix … !)
La quatrième « Au bout de la ligne » (1950 toujours) nous ramène à des standards plus « Bölliens ». Bien désespérée … quoique la fin soit assez ambiguë pour laisser planer l’espoir. Mais un espoir fou alors …

« Je sais que tout cela est insensé. Je ne devrais plus y aller du tout, tellement c’est insensé, et pourtant y aller me fait vivre. Une seule minute d’espoir et vingt-trois heures et cinquante-neuf minutes de désespoir : voilà de quoi je vis. »

Bienvenue dans le monde dépressif d’Heinrich Böll !
La septième, qui a donné son titre au recueil, « Le destin d’une tasse sans anse » (1952), sans être réellement une nouvelle de guerre a ce petit côté dépressif – désespéré de ses nouvelles de guerre. Il s’agit, littéralement, du destin d’une tasse sans anse, passant de mains en mains, risquant son existence à tout instant. Ah qu’il est dur le destin de la vaisselle !
La neuvième « Des hôtes déconcertants » (1954) est elle-même fort déconcertante, un peu … « chtarbée » (si ça veut dire quelque chose). Une bizarrerie dans la production usuelle d’Heinrich Böll.
La onzième « Comme dans les mauvais romans » (1956) préfigure le genre de thèmes qui vont beaucoup l’inspirer par la suite : les arrangements, les compromissions dont il faut s’accommoder dans le monde de la politique et des affaires. Et notamment quand les deux domaines se recoupent. Sans illusion, l’initiation d’un jeune naïf aux attitudes recommandées pour réussir par sa femme, issue de la haute société. Sans illusions.
La quatorzième « La gare de Zimpren » (1958) est une allégorie de ce qui peut se dérouler lors de la découverte d’un eldorado et jusqu’à sa ruine. C’est encore une fois tendance dépressive et sans illusions.
La quinzième « Pas une larme pour Schmeck » (1962), la plus longue du recueil, sort un peu de l’épure et ne m’apparait pas très « Böllienne ». Et je ne saurais dire pourquoi. Peut-être une histoire plus forte que les autres, une nouvelle moins dans la psychologie et davantage portée par une histoire ?
La dernière « Nostalgie ou Les taches de graisse » (1980), elle, est bien dans l’épure. Bien triste et bien dépressive.
Et bien ainsi on prend congé du recueil en forme « Böllienne » ! Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’aspect dépressif de l’écrit ne gâche pas la profondeur des messages que cherche à faire passer Heinrich Böll. C’est juste la forme qui est dépressive.