A poèmes ouverts. Anthologie proposée par Le Printemps des poètes
de Collectif

critiqué par Septularisen, le 25 août 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
50 POÈTES DE LANGUE FRANÇAISE!
Je sais
qu'il est interdit
de ramasser des galets

mais
quand il en choisit un
pour le déposer sur la tombe de son fils

je détournai le visage
et regardai la mer.

Un peu de l'immense histoire du temps
contre la brève histoire d'une vie

est justice.

Yvon Le MEN
Pour Bernard CHAMBAZ
Sillon de Talbert,
Presqu'île sauvage
Hiver

Cette anthologie rassemblée dans le cadre de la manifestation «Le Printemps des Poètes», par Jean-Pierre SIMÉON (*1950), nous présente un poème pour chaque auteur choisi, sélectionné parmi leur œuvre. Toutefois, l’anthologie en elle-même à un titre trompeur, pour celui qui voudrait découvrir un « panorama » de la poésie actuelle. Car si on entend par poètes d’aujourd’hui, ceux de la poésie contemporaine, donc vivants au moment où j’écris ces lignes, c’est un peu… Disons, compromis!

En effet, outre le fait que certains auteurs (et non des moindres), avaient déjà disparus au moment de se retrouver dans cette anthologie p. ex. : Nicolas BOUVIER (1929-1998), Leopold SÉDAR SENGHOR (1906 – 2001) ou bien encore Claude ESTEBAN (1935-2006)…
A cela, se sont bien sûr ajoutés les ravages du temps (la première parution de cette anthologie date de 2008), qui ont définitivement fait s’éteindre d’autres très belles voix... : Michel BUTOR (1926 – 2016) ; Andrée CHEDID (1920 – 2011) ; Charles DOBZYNSKI (1929 – 2014) ; Aimé CESAIRE (1913 – 2008) ; Jean-Claude PIROTTE (1939 – 2014) et plus près de nous: Marie-Claire BANCQUART (1932 – 2019) et Emmanuel HOCQUARD (1940 – 2019) ...

Ensuite, il aurait fallu présenter cette anthologie comme non pas comme celle de: «50 poètes français d’aujourd’hui», mais plutôt «50 poètes de langue française»!... En effet, si on s’en tient à la première définition, alors il aurait fallu supprimer de cette anthologie (entre autres…) : Abdellatif LAÂBI (*1942) marocain ; Francis DANNEMARK (*1955) belge ; Luis MIZÓN (*1942) chilien ; Seyhmus DAGTEKIN (*1964) turque ; Salah STÉTIÉ (*1929) libanais, etc etc…

Sinon, qui retrouve-t-on dans cette anthologie? Et bien outre les noms déjà cités plus haut, on trouvera des auteurs dont la réputation n’est plus à faire : Tahar BEN-JELLOUN (*1944) ; William CLIFF (*1940) ; Zoé VALDÈS (*1959) ; Kennet WHITE (*1936) ; Jacques ROUBAUD (*1932)…

Des auteurs déjà connus mais dont on parle trop peu : Claude BER (*1948) ; Jean-Michel MAULPOIX (*1952) ; Valérie ROUZEAU (*1937) ; Serge PEY (*1950) ; Lionel RAY (*1935) ; André VELTER (*1945)…

Et bien sûr, la partie la plus intéressante, ceux dont on ne parle jamais : Marc BLANCHET (*1968) ; Azadée NICHAPOUR (*1969) ; Hubert LUCOT (*1939) ; Paul-Louis ROSSI (*1933) ; Christian PRIGENT (*1945)…

Alors, comme toujours dans ce genre de sélection, non exhaustive, certains noms brillent par leur absence. Mais où sont donc passés ? : François CHENG (*1929) Vénus KHOURY-GHATA (*1937) ; Jude STÉFAN (*1930) ; Lydie DATTAS (*1949) ; Christian BOBIN (*1951)…

Quelques regrets aussi : Tout d'abord, notons au passage quelques «petites» imprécisions. Et non M. SIMÉON, la poétesse luxembourgeoise Mme. Anise KOLTZ (*1928), n’écrit pas «en trois langues», mais bien au contraire, uniquement en français! (Pg. 103)…
Ensuite, pourquoi si peu de poétesses présentées? A peine 9 sur les 50 poètes repris! Alors, qu’il aurait pourtant été facile d’en sélectionner bien plus! Outre celles dont je parle plus haut, où sont donc Mesdames: Esther TELLERMANN (*1947) ; Gabrielle ALTHEN (*1939) ; Béatrice BONHOMME (*1956) ; Nathalie QUINTANE (*1964) ; Florence PAZZUTTU (*1962)…

Je dois, bien sûr, avouer qu'il m'est difficile de choisir une seule poésie pour illustrer 50 poètes tous plus extraordinaires les uns que les autres, mais, puisque un choix il faut faire : voici «Je suis cet Homme», une poésie du Guadeloupéen Ernest PÉPIN (*1950) qui m’a particulièrement touché…

Je suis cet homme inconsolé de t’avoir tant aimée
Qui croyait être né pour être ton héros
Cet homme à bout de souffle
A force d’avoir couru après tes étoiles
Qui croyait que la nuit se couvrant de ta peau
Je suis cet homme inconsolé de t’avoir tant aimée
Qui croyait que l’enfance ressemblait à tes seins
Cet homme à bout de soif
A force d’avoir creusé l’ambre de tes yeux
Qui croyait être né pour être ton sorcier
Je suis cet homme
Feu de joie
Feu de paille
Qui croyait que les flammes chantaient l’éternité
Je suis cet homme qui refusait le temps
Ce rendez-vous donné au miracle du toujours
Cette pierre au fond de ta rivière
Sur laquelle passe l’eau comme une fête d’amour
Je suis cet homme inconsolé de t’avoir tant aimée
Ce muet que personne n’entend
Et qui crie ton nom comme une immense prière
Dans un immense désert
Brûlé de rêves immenses auxquels personne ne croit
Je suis cet homme perdu dans tes pensées
Et qui cherche
La clé
Le sésame
La formule magique
Du conte que nous avions inventé tous les deux

En conclusion : Une bonne introduction à la poésie contemporaine que ce soit pour le profane ou le connaisseur, mais surtout il ne faut pas lui en demander plus!..

P.S. : Ne ratez sous aucun prétexte la préface de M. Jean-Pierre SIMÉON, qui est une lettre qui s’adresse à tous ceux qui ne lisent jamais de poésie, et leur explique comment et pourquoi lire la poésie contemporaine, tout en tentant de la démystifier!