Les Foley de Annie-Claude Theriault

Les Foley de Annie-Claude Theriault

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 15 octobre 2019 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Sarracenia purpurea

La sarracenia purpurea est une plante sans racines. Elle réussit à survivre grâce à ses filaments qu’elle entremêle aux rhizomes des autres. C'est ainsi qu’elle survit à l’instar du nénuphar, volant même la vedette à son entourage à cause de la beauté de ses fleurs. À partir de ce préambule botanique, l’auteure trace la survie de cinq Irlandaises en terre d’exil. Le doryphore les a chassées de leur pays en 1847. Véritable guigne qui a ravagé leur principale source d’approvisionnement en alimentation.

Les premiers à partir sont des hommes, un père et ses fils, sommés de quitter le pays par Eveline Foley, la mère du clan. Ces derniers aboutissent finalement au Canada, plus précisément au Nouveau-Brunswick. Le roman s’attache à la descendance féminine des Foley. À travers elle, on voit comment se perpétue la confrérie de ces femmes aux prises avec l’adversité. Les hommes ne leur sont d’aucun secours. Chacune des cinq générations tire ses marrons du feu tout en préservant l’ADN ancestral de 1847 à 2019. Comme dit le proverbe, « rien se se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

Annie-Claude Thériault s’en tient rigoureusement à cet aphorisme. Ses cinq portraits tracent la genèse de cette filiation. Le qui suis-je ne rend pas ces femmes neurasthéniques. Elles cherchent à être utiles sans pour autant être des esclaves. Comme la sarracenia, elles savent s’accrocher pour briller au soleil et s’y tenir sans altérer le lien qui les unit. La gent Foley est là pour rester, fidèle à ses origines pour qu’à jamais ainsi soit-elle. Et l’auteure sait boucler sa boucle. Le dénouement ramène magistralement le lecteur à la case départ.

Si la sarracenia sert de fil conducteur pour ce long périple romanesque (290 p.), c’est loin d’être fastidieux. Le roman roule à un train d’enfer en s’alignant sur les nombreux points de repère qui animent les personnages, tel le doryphore, symbole du danger, qui a emmené les Foley en Amérique. Sans être des super héroïnes, elles sont des battantes, des résilientes qui expriment avec force ce qu’elles sont par leurs silences éloquents.

C’est un magnifique roman que l’auteure vient de faire naître à l’abri du langage populaire, langage incompréhensible d’ailleurs parce qu’il diffère d’une région à l’autre au Québec. Roman discret qui laisse entendre plus qu’il ne dit. Sa plus grande qualité résulte de son caractère métaphorique, dépouillé de ses oripeaux hermétiques et prétentieux.

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