Requiem des innocents
de Louis Calaferte

critiqué par Monito, le 5 juillet 2004
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Merci M. Calaferte
Une écriture rapide, des phrases courtes, un vocabulaire courant, voilà aussi ce qui fait la force de ce Requiem des innocents.
Premier livre de Louis Calaferte, cinquante ans après son écriture, il reste une claque reçue en pleine figure.
Décrire le malheur et la détresse qui habitent des pauvres, des moins que pauvres, dans la zone d’une grande ville, comme l’auteur le fait, nous force à ouvrir les yeux.
La crasse physique, la crasse intellectuelle, la crasse morale sont si épaisses que ces femmes et ces hommes peuvent sembler moins que des bêtes.
Et pourtant, quand la société ouvre les yeux, quand elle veut bien faire l’effort de se regarder en face, elle fait naître l’espoir et des sentiments nouveaux, presque inconnus chez le héros, l’auteur lui-même.
Et là, ces enfants qui n’ont pas d’enfance, deviennent des êtres sensibles, émouvants, à qui pour une fois on tend la main, pour les caresser, pas pour les battre. Présenté de manière crue, ce monde à la lisière du monde « normal » nous rappelle toute l’injustice qui règne autour de nous. Il nous rappelle aussi la spirale infinie que vivent celles et ceux à qui on ferme la porte. Il nous rappelle enfin que l’homme est toujours prêt à s’oublier, pour oublier.
Il nous crie, au visage, aux oreilles, que transposée aujourd’hui cette histoire reste vraie et qu’il est plus que temps de sortir la tête du sable.
"Si tu n'es pas morte, je te retrouverai un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce." 8 étoiles

Premier roman de cet écrivain méconnu alors que prolifique, peut-être parce que resté éloigné des cercles littéraires jusqu'à sa mort, en 1994.

Dans ce très court récit autobiographique, Calaferte dévoile au grand jour sa jeunesse passée dans "la zone", un bidonville situé en bordure de Lyon. Cabanes misérables, parents alcooliques et démissionnaires, enfants livrés à eux-même et faisant très tôt l'apprentissage de la violence ; la zone est un lieu de non-droit où règne la loi du plus fort, une jungle où s'affrontent des hommes et des femmes que le dénuement a abaissé au rang de bêtes.

L'extrême pauvreté est relatée dans tout ce qu'elle a de plus cruel et de plus insoutenable : la crasse, les coups, la boisson, la méchanceté, les déviances, l'aliénation. Sans concession aucune. Louis Calaferte ne s'épargne pas lui-même, s'appliquant à révéler chacun de ses nombreux et parfois abominables méfaits.
Une enfance terrible et des méfaits qu'il assume entièrement : Pas la moindre trace de misérabilisme et d'états d'âme ; c'est avec un ton dur et impitoyable qu'il revient sur ce pan de son passé qui l'a façonné et qu'il a porté en lui jusqu'à sa mort. Car ce texte fait certes à bien des égards figure de cri de révolte contre cette enfance qui n'en fut pas une, contre l'injustice sociale, mais il en ressort avant tout la fierté d'avoir appris la vie dans ce milieu-là.

La langue crue, violente et argotique sert parfaitement le récit, lui conférant cette authenticité qui méduse et asphyxie le lecteur.

Ambreen - - 41 ans - 14 mai 2008