Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanah

Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanah

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Thomas lu, le 22 novembre 2019 (Inscrit le 11 novembre 2019, 34 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (42 052ème position).
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Qui trop embrasse...

L'histoire se déroule sur une bonne trentaine d'années avec de grandes ellipses et se concentre essentiellement sur une dizaine de jours. Éliette ou Phénix, est une enfant traitée en poupée par ses parents, une fillette idéalisée et docile. Mais elle a déjà des idées rageuses, bien cachées. A onze ans, lors d'un spectacle de fin d'année à l'usine où travaille son père, spectacle où elle doit chanter, elle subit un baiser lingual infligé par un collègue et ami de son père. Sur scène, au lieu de chanter, elle crie. Ensuite, elle sera suivie par un "psy". A seize ans, elle met le feu à la maison familiale en l'absence des parents. Puis, elle devient punk et elle aura deux enfants de deux pères différents qui disparaissent de sa vie. L'auteur ne donne pas de détails sur la vie de Phénix à part ces moments-là. Le premier enfant est une fille, Paloma. Le second, né onze ans plus tard, un garçon, Loup. Rebelote, à dix-sept ans, en colère contre sa mère Phénix, Paloma quitte la maison familiale pour mener sa vie d'étudiante avec une bourse. Elle promet à son petit frère Loup, très attaché à elle, qu'elle reviendra "vite" le chercher. Dix ans plus tard, Loup a donc dix-sept ans, Paloma n'est toujours pas revenue le chercher. Elle a écrit des lettres en donnant son numéro, lettres que la mère a cachées à Loup. Pourquoi? Apparemment par colère contre sa fille. Ah... Loup a été un enfant troublé, nerveux, adolescent il est encore suivi par un médecin, et voilà qu'à dix-sept ans il s'éveille dans un mauvais rêve et part tout à coup au volant de la voiture de sa mère, sans avoir le permis, pour rejoindre sa sœur dont il n'a reçu aucune nouvelle mais dont le médecin lui a finalement donné les coordonnées. Ayant pris par erreur une voie à contresens il provoque un accident et se fait interpeller par la police.Traduit devant le juge des enfants, il est envoyé en maison d'arrêt. La mère prévient la sœur et toutes deux se retrouvent et vont voir Loup. Après une audience devant le juge, au dernier chapitre Loup est libre. Il n'est pas resté longtemps en préventive.
Le texte est court, il n'y a pas de longueurs. La situation de Loup en détention provisoire est touchante, quelques brefs chapitres y sont consacrés surtout vers la fin. Cela dit, le reste n'est guère émouvant parce que les personnages sont peu saisissables, prisonniers de leur tempérament ou de leur comportement étrange ou du moins très particulier. Pourquoi cette si longue colère de Phénix à l'égard de ses parents puis de sa fille? Il y a une sorte de confusion entre l'agression buccale et l'idéalisation mièvre dont elle est l'objet de la part de ses parents. Pourquoi avoir ajouté l'atteinte sexuelle? On ne voit pas clairement ce que ce fait apporte à l'évolution de Phénix et en quoi ce trauma va envenimer son rapport à ses parents. Certes, l'agresseur est un ami du père mais de là à ce que la fillette accuse plus ou moins consciemment ses parents il y a un hiatus. Et puis, cela paraît très peu probable qu'un ami et collègue du père prenne le risque qu'implique cette atteinte sexuelle en pleine fête à l'usine. On n'en apprend pas assez sur Phénix, la mère, sur Paloma, la sœur et même sur Loup pour les comprendre, être en empathie et se mettre dans leur peau. Bien sûr on plaint Phénix lorsqu'elle est victime d'un baiser lingual mais les ellipses très importantes court-circuitent l'émotion. Bien sûr on plaint le jeune Loup en détention mais il ne nous est pas assez proche car l'auteur l'enferme dans son mystère. On est pas assez avec lui dans sa vie d'adolescent, le peu qu'on apprend ce sont quelques troubles nerveux qui pourraient s'apparenter très vaguement à quelques symptômes légers du syndrome d'asperger. Mais pourquoi l'auteur ne définit-il pas plus le personnage de Loup? Ces petits troubles n'étaient pas nécessaires, l'attachement pour la sœur suffisait à expliquer l'infraction qu'il commet. Un déficit de communication règne entre ces êtres, aussi bien entre les parents de Phénix, qu'entre ceux-ci et Phénix ou entre Phénix et ses enfants. C'est peut-être cela le problème que pose cette histoire, l'insuffisance de la communication entre membres d'une famille. Une famille très spéciale car cette insuffisance y atteint un niveau rare et inexpliqué. Par exemple, c'est tout de même extraordinaire, voire peu vraisemblable, que pendant dix ans Paloma ne parvienne pas à communiquer avec son frère Loup alors qu'ils s'aiment tant. Et que sa mère, qui aime pourtant son fils, ne lui donne aucune nouvelle de sa sœur.
Je trouve que l'auteur aurait mieux fait de développer davantage le personnage de Loup et celui de Paloma. S'il s'était concentré sur leur vie avec leur mère, sans remonter à l'enfance de celle-ci, il aurait mieux sensibilisé le lecteur. Nous aurions suivi Loup, Paloma et la mère dans les semaines ou mois précédant l'interpellation, au lieu de n'avoir que des fragments espacés par des ellipses parfois très longues. C'est comme si l'auteur avait voulu expliquer le comportement de Loup en remontant trop loin, l'idée du fils en prison et de l'attachement frère sœur est belle mais c'est plutôt maladroit, peu convaincant, de vouloir faire découler le tout de l'enfance de la mère, de ses parents et d'un baiser traumatisant. Qui trop embrasse mal étreint, dit-on, il me semble que l'auteur a voulu trop embrasser, d'autant plus que le livre est court.
L'autre défaut, à mon sens, est que les personnages font preuve de trop de maladresse dans les rapports humains. Sur la question de l'absence des pères, par exemple, l'attitude de la mère et de la fille est par trop absurde. La mère n'a jamais rien dit à Paloma et tout à coup l'auteur nous montre la fille à dix-sept ans interroger sa mère avec colère. Tant de non-dits, tant de négligence à l'égard des sentiments des proches, tant de ressentiment, tant de maladresse (comment croire que Paloma n'ait pas trouvé un moyen de joindre son petit frère aimé en dix ans?) rendent les personnages peu attrayants, c'est dommage. L'écriture est sensible mais parfois d'un lyrisme un peu mièvre.

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HISTOIRE HUMAINE PASSIONNANTE

10 étoiles

Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 20 janvier 2020

« Le ciel par-dessus le toit »
roman de Natacha Appanah
Editions Gallimard
125 pages
juin 2019



Loup, 17 ans mais il en paraît 14 vient de se faire arrêter et mettre en prison.
Parti de chez sa mère, au volant de la voiture familiale pour rejoindre sa grande sœur qui habite à quelques centaines de km.....
Après un accident qui aurait pu être grave, le voici incarcéré dans le quartier des mineurs dans l'attente d'un jugement.
Peu à peu le lecteur découvre la vie de la mère et notamment son enfance.
Surprotégée par des parents étouffants, transformée en « lolita », elle finit par subir les conséquences de cette exposition au danger....
Adulte ou même post adolescente, elle a deux enfants avec deux hommes différents.
Comme beaucoup, elle prend le contre-pied de l'éducation qui fut celle prodiguée par ses propres parents....Elle a quelques difficultés avec sa fille, partie de la maison il y a dix ans.
C'est cette séparation que Loup ne supporte pas et son escapade dangereuse au volant de la voiture est motivée par l'envie irrésistible de revoir sa grande sœur.
Le titre de ce livre qui fait référence à un poème de Verlaine donne un peu d'espérance , même si tout est noir , il y a toujours de l'espoir, de la reconstruction possible, voire de la résilience.
L'écriture est exceptionnelle et l'auteure nous entraîne dans une réflexion autour de thèmes forts comme la justice des mineurs et la compréhension des raisons qui poussent certains à la faute grave.

Jean-François Chalot

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