Il y aura du sang sur la neige
de Sébastien Lepetit

critiqué par Krysaline, le 24 novembre 2019
(Paris - 59 ans)


La note:  étoiles
Un bon vieux polar pur jus, à l'ancienne
Sébastien Lepetit nous met en scène ici, un commissaire « à l’ancienne », un peu bourru, un peu ringard, un peu balourd mais « bon vivant », ne lésinant ni sur les spécialités Franc-Comtoise, ni sur les bons vins du Jura. Aussi, tellement attendrissant et touchant avec son ours en peluche, incongru dans le contexte et totalement en décalage avec le personnage (en plus de sa bluette avec la propriétaire de l’auberge où ils séjournent pour l’enquête) !! C’est assez original, mais on n’échappe quand même pas à certains stéréotypes : flic à problèmes, séparation douloureuse, alcool...

En fait, je me suis rendu compte qu’il s’agit là de la quatrième enquête du commissaire Morteau, mais pour moi, c’est une découverte. [Noter que cela ne gêne en rien la lecture et la bonne compréhension de l’histoire, même si c’est toujours mieux de lire dans l’ordre afin de suivre le cheminement des personnages récurrents].

Alors, d’aucuns diront que l’histoire « se traine » et qu’elle manque de rythme. D’un côté oui pour les fanas du genre « Fast and Furious ». Sinon, je ne suis pas d’accord [C’est mon avis propre et n’engage que moi !]. C’est un véritable roman policier posé à la Simenon. C'est-à-dire que l’histoire « prend son temps », elle se développe à son rythme, tranquille mais offre néanmoins un suspense et une tension toujours présente, lancinante même.

Il y a un vrai travail de mise en scène d’une « atmosphère », avec des descriptions minutieuses qui peuvent être considérées comme des digressions pour certains lecteurs mais qui contribuent à poser un contexte, une ambiance. C’est presque un « scénario » qu’on visualise sans mal.

Dans cet épisode, notre ami le commissaire est appelé par une ancienne connaissance d’enfance, Michel Pupillin, qui lui demande d’enquêter sur une histoire de menaces anonymes par téléphone. Ces appels mentionne le fait qu’«il y aura du sang sur la neige » à l’occasion de la Trans Jurassienne, course de fond réunissant des participants du monde entier.

A partir de ça, nous suivons les tribulations de Morteau et son collègue, l’inspecteur Fabien Monceau pour retrouver un assassin. Car en effet, il y a bien eu mise à exécution des menaces téléphoniques puisque le favori de la course est abattu alors qu’il s’entrainait.

Nous suivrons donc le duo dans leur enquête et leurs déductions trop hâtives parfois pour Monceau qui a l’impétuosité de la jeunesse et qui trouve Morteau trop lent, trop « has been » et pas suffisamment efficace selon lui. Le conflit générationnel est évoqué, effleuré mais pas vraiment creusé (-là n’était pas l’essentiel du sujet).

Monceau privilégie l’évidence, les apparences et la vitesse (qui se confond là avec précipitation) par contraste avec le calme, la méthode, la sagesse de Morteau (le vieux singe…). L’auteur insiste avec humour sur les divergences de technique d’investigation et sur la notion « d’apprentissage » pour l’inspecteur.

D’ailleurs l’enquête semble à priori très simple, le(s) mobile(s) le coupable tout désignés… Trop simple ! et cela s’avèrera en fait beaucoup plus « tordu » que ça n’en avait l’air au premier abord.
L’auteur saupoudre les indices et le suspense tout au long du récit. Nous avons de magnifiques descriptions de la montagne, de la neige et des courses de fond. N’étant pas une adepte de la course de fond (mais plutôt du ski alpin) j’ai eu un peu peur de m’ennuyer mais fi de cette impression !

Nous suivons la course de « l’intérieur » avec le ressenti de l’un des coureurs, à l’occasion des chapitres écrits en italique. On ressent bien l’engagement physique, les efforts fournis et la finesse de la stratégie nécessaire pour être le vainqueur. On y découvre la beauté des paysages mais aussi la douleur, la difficulté de la montagne, la rigueur du ski de fond, la fatigue… la dureté et l’exigence de la compétition.

Les dialogues sont sympas et bien structurés. J’ai aimé cette plongée en milieu naturel et cette immersion totale dans le milieu du sport et des fondeurs, cette course si belle est bien décrite.
La lecture est agréable, facile d’accès sans construction biscornue. Les mots coulent naturellement, les sentiments s’entremêlent, les doutes et interrogations émaillent le récit et au détour d’un chapitre, nous arrive la solution, l’explication et le coupable.

Pour ma part, j’avoue que bercée par le récit, l’écriture, je n’y ai vu que du feu (mais je n’ai pas vraiment cherché non plus, non). L’enquête passe presque au second plan à la limite. Elle est prétexte à chanter les louanges du Jura, de la Franche-Comté, du Doubs. On est pantois devant la virtuosité des descriptions qui nous fait ressentir réellement la montagne comme s’y on y était.

Un grand merci donc aux Editions Flamand noir et à la plateforme NetGalley France pour cette lecture. Et je vais me mettre en quête des 4 précédents pour parfaire ma connaissance du personnage si attachant du Commissaire Morteau.