L'humain de Diego Agrimbau (Scénario), Lucas Varela (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Blue Boy, le 6 décembre 2019 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 8 étoiles
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Quand l'homme est là, la cata hélas !

Il y a un demi-million d’années, la fin du monde a eu lieu. Un couple de scientifiques, Robert et June, en hibernation cryonique en orbite autour de la Terre, attendait le moment opportun pour revenir sur le plancher des vaches. La Planète bleue avait-elle survécu sans l’Homme ? Si la réponse est oui, ce dernier sera-t-il prêt à un nouveau départ ou oubliera-t-il les leçons du passé ?

Si le genre post-apocalyptique est assez commun en science-fiction, c’est avec une certaine curiosité que l’on attendait de voir ce que Lucas Varela allait en faire avec ce récit, qui n’est pas sans rappeler « La Machine à explorer le temps » de H.G. Wells, ou encore, d’un point de vue plus politique, « Au cœur des ténèbres », de Joseph Conrad. A ce titre, l’auteur argentin, qui a connu la dictature de Pinochet, sait assurément de quoi il parle, même s’il n’était encore qu’un enfant lorsqu’elle prit fin. Il a d’ailleurs déjà traité de la question dans « L’Héritage du colonel », en collaboration avec Julien Frey (« Avec Edouard Luntz »). Mais Varela, qui est plus dessinateur que scénariste, possède cette particularité de renforcer l’intérêt pour ses œuvres par un graphisme original et stylé. Une fois encore, on appréciera ici sa ligne claire très moderne, dans une jolie palette de couleurs quasi bichromiques, où dominent les tons rouges et gris. L’univers très dépaysant de la BD évoque la préhistoire, mais certains détails nous disent que ce n’est pas tout à fait la Terre d’il y a 100 millions d’années. On y aperçoit des plantes aux formes bizarres, des canidés capables de se tenir debout, des espèces de singes très différentes (et là on évitera le spoiling) : certains volent ou vivent dans les arbres, d’autres ont des tailles gigantesques ou encore sont cavernicoles (évidemment, on pense immédiatement aux Morlocks).

Pour ce qui est du scénario, Lucas Varela s’est associé pour la deuxième fois avec son complice Diego Agrimbau, lui aussi argentin, après l’étonnant « Diagnostics », un album regorgeant de trouvailles et consacré aux troubles mentaux. Doté d’une narration impeccable, « L’Humain », qui raconte comment l’espèce humaine va lutter contre sa propre extinction suite à une catastrophe ayant décimé l’humanité entière, à travers un couple de scientifiques dont le projet est de revenir sur Terre cinq cent mille ans après s’être fait cryogénisés. Le récit permet d’aborder une multitude de thèmes, le plus marquant étant la nature humaine et son indécrottable propension à dominer et à conquérir son environnement, et, ce faisant, à le dénaturer, souvent pour le pire… Bien sûr, si la fable écologique demeure en toile de fond, le propos politique n’est pas absent. Les auteurs montrent ainsi comment le pouvoir corrompt et peut transformer un homme au départ rationnel et bienveillant en tyran assoiffé de sang. Robert, seul humain de l’histoire autoproclamé empereur, régnant sur une communauté de singes et de robots, va rapidement basculer dans cette folie hystérique parfaitement décrite dans la nouvelle de Conrad. C’est bien le processus de mise en place d’une dictature qui est décrit ici, et la nationalité des auteurs n’y est certainement pas étrangère. L’autre thème développé est l’intelligence artificielle à travers le personnage d’Alpha, une androïde incarnant la sagesse et l’humanité dont semble peu à peu dépourvu son maître, Robert. Ce qui nous amènera à nous poser la question : le genre humain est-il à ce point stupide qu’il devra confier son destin à des robots pour éviter de disparaître ?

Cette fable sombre et captivante, si éloignée du mythe du bon sauvage cher à Rousseau, fournit matière à réflexion tout en restant récréatif et fluide dans la forme. Même si la trame reste le plus souvent assez prévisible, les rebondissements sont bien amenés et certaines scènes assez spectaculaires. Si humour il y a, il est en mode grinçant — on n’est pas non plus là pour se taper des barres de rire —, et on l’aura compris, l’homo-mégalo en prendra pour son grade. On peut donc sans se tromper qualifier ce one-shot de réussite.

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