Wartburg, 1210
de Jean d' Aillon

critiqué par Jfp, le 8 décembre 2019
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
chevaliers et troubadours
Avec sa verve habituelle et son sens aigu de la vérité historique, Jean d’Aillon nous emmène à la suite d’un personnage imaginaire, Guilhem d’Ussel, chevalier-troubadour, protecteur des cathares et ami du roi de France Philippe Auguste. Dans ce énième opus des aventures de ce preux chevalier, celui-ci quitte son fief de Lamaguère, dans une Occitanie ravagée par la croisade contre les albigeois, pour se rendre au chevet de son roi. Las, bien des mésaventures vont contrecarrer son projet, dans un périple qui va le mener à Paris mais aussi à Rouen puis dans les lointaines contrées germaniques, dans une Europe en ébullition où la religion sert de prétexte bien commode pour assouvir des desseins tout ce qu’il y a de plus personnels. Les épées s’entrechoquent dans une pluie d’étincelles, les carreaux d’arbalète percent les armures et le sang coule à flot. Pourtant l’on ressent, au fil de la lecture, un attachement profond pour cette époque cruelle et ces personnages d’une vaillance hors du commun qui, pour survivre et accomplir les desseins les plus nobles, ne doivent pas hésiter à tuer et mettre leur propre vie en danger. Une vision très personnelle, haute en couleurs comme ses enluminures, d’un Moyen Âge dont on ignore encore beaucoup de choses. Le travail de Jean d’Aillon est remarquable, tant au niveau de l’écriture que du contexte historique, et son imagination fertile maintient jusqu’au bout l’attention du lecteur. Il n’hésite d’ailleurs pas, dès lors que son héros atteint dans sa geste les contrées de l’est, à introduire dans son récit un merveilleux directement inspiré des vieilles légendes germaniques. Une réussite…
Une épopée qui arrive à maturation 8 étoiles

Il s’agit d’un roman historique ayant pour toile de fond le règne de Philippe Auguste. Il fait suite au précédent livre de Jean d’Aillon « Béziers 1209 » racontant la mise à sac de la ville de Béziers. Au début de Wartburg, Guilhem d’Ussel fuit la ville et veut retrouver son fief afin de mettre ses gens à l’abri à Rouen. Mais le sud de la France est alors sillonné par des groupes de croisés qui ont reçu carte blanche pour piller les villes et villages abritant des hérétiques cathares. Religion pratiquées par certaines des personnes dont Guilhem a la charge.
S’ensuivra donc une équipée pour mettre ceux qu’il aime à l’abri.
Guilhem a ensuite l’intention de retrouver un de ses anciens amis à Wartburg, afin de redevenir un chevalier troubadour, errant sur les routes. Mais s’il va retrouver un vieil ami, un ancien ennemi viendra compliquer les choses, d’autant plus qu’à Wartburg il se trouvera mêlé à de la sorcellerie et des complots dans le saint empire romain germanique.
Rassurez-vous, il n’y a pas de fantastique dans les livres de Jean d’Aillon. Simplement, l’auteur tisse habilement les légendes et histoires classiques (comme le graal ou Robin des bois dans les livres précédents) avec la trame principale de son histoire. Dans Wartburg on retrouvera des références à l’histoire de Blanche-Neige et d’Hansel et Gretel, sans qu’elles ne soient jamais gênantes.
Bien que ce livre soit vraiment bien écrit et que son intrigue principale soit prenante, je ne conseille pas de découvrir les aventures de Guilhem d’Ussel avec celui-ci. Ce serait perdre une grande partie de la saveur apportée par le fait de voir évoluer ce chevalier troubadour balloté par les événements quand il était adolescent, puis qui a peu à peu gagné ses lettres de noblesse, au sens propre et figuré, qui vieillit et commence à aspirer à retrouver une vie plus solitaire, avec moins de responsabilités. Guilhem a muri, et ses motivations ont évolué avec le temps. Il n’est plus sans ressources et souvent l’or qu’il possède lui permettra d’atteindre ses objectifs. Néanmoins, son rôle de seigneur de Lamaguère commence à lui peser, d’autant plus qu’il a vu mourir un nombre conséquent de ses compagnons au fil des années.
Les précédents livres parlant des aventures de Guilhem étaient d’abord des romans policiers avec une trame historique. Ainsi, au contraire des aventures de Nicholas le Floch, célèbre série de romans historique écrit par Jean-François Parot, qui ont toutes pour point commun de suivre une intrigue policière, les aventures de Guilhem d’Ussel se diversifient au fil des différents ouvrages qui lui sont consacrés.
De plus le style de l’auteur a peu à peu évolué : dans les premiers livres, les descriptions étaient parfois un peu trop longues par rapport à ce qu’elles apportaient à l’intrigue, tout comme la multitude d’informations historiques qui venaient un peu hacher le rythme des aventures. Je trouve que Jean d’Aillon a maintenant trouvé un bon équilibre entre péripéties, descriptions historiques et contextualisation des enjeux de cette époque, et sa compétence de conteur ne s’en trouve que renforcée.

Vieux Chat - - 46 ans - 13 août 2020