L'Incroyable histoire de la littérature française
de Catherine Mory (Scénario), Philippe Bercovici (Dessin)

critiqué par Numanuma, le 8 janvier 2020
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Scènes de la vie littéraire
2018… Putain deux ans, comme on disait aux Guignols avant que le boss décide de fermer toute parole un peu libre. Pas une critique depuis le 21 août 2018. Pas tout à fait deux ans donc mais qu’importe. Retour au bercail après un changement de carrière. Pour coller à cette nouvelle carrière, je me suis jeté sur ce magnifique bouquin, parfait concentré d’érudition, de culture et de pédagogie. C’est qu’il en faut de la matière grise pour rendre simple et amusant l’aridité de la vie littéraire.

Oh certes, les deux auteurs, Catherine Mory, professeur de français, et Philippe Bercovici, dessinateur, passent parfois par les coulisses de la vie des auteurs, les cheveux teints en vert de Baudelaire ou la canne de Balzac par exemple, pour atteindre leur but mais c’est de bonne guerre. Après tout, aussi célèbres et géniaux soient-ils, les grands écrivains ont tous en commun de partir du principe que ce qu’ils écrivent vaut le coup d’œil. L’artiste est un grand orgueilleux. Il en faut pour écrire A la recherche du temps perdu et il vaut mieux être mort que de lire Céline résumant l’opus proustien à une histoire de sodomie : « 300 pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave, c’est trop ».

Céline d’ailleurs… Le grand absent de la section consacrée au XXème. Le grand absent du livre. Trop clivant j’imagine. Ou trop complexe à mettre en images. Parce que oui, c’est une BD. Du grand art. Du velours. Du sur-mesure. Bercovici fait des étincelles avec les anecdotes comme avec les théories défendues par les auteurs, leurs thématiques, leurs héros. Beaucoup de cases reposent sur une opposition entre le texte et le dessin, créant un savoureux effet de distanciation. Pas un plaisir d’esthète pédant et prétentieux. Juste un rire discret, une connivence, un clin d’œil au lecteur. L’épisode de la fessée de Rousseau prend l’allure comique qu’il a sûrement provoqué à son fessier défendant à l’époque. La critique, l’histoire littéraire y voit l’essence même de l’autobiographie : tout dire, oser se montrer dans ses défauts et ridicules. Le dessin, ici, est finalement dans le ton du projet de Rousseau. Certes, le suisse atrabilaire dans la seconde partie de son existence traitait son sujet avec le plus grand sérieux. Raison de plus pour en rire. Mais le dessin s’appuie avec bonheur sur le texte. Ou, dans l’exemple présent, sur la ponctuation. Les points de suspension dans cette case sont au moins 50 % du sourire provoqué. Trois petits points qui laisse l’imagination en roue libre.

Alors oui, je vais chaudement conseiller ce bouquin aux élèves dont j’ai la charge - je ne dirai jamais « mes élèves », je n’ai pas cette prétention - voire même photocopier une case ou deux tant les deux auteurs ont su restituer une pensée en quelques traits. Et avec quel talent ! Malgré tout, ce n’est pas une lecture enfantine. Rendre les choses accessibles est un don que je jalouse. Je sue sang et eau pour rendre les choses simples sans être simpliste. J’ai un nouveau modèle.