Le Serpent et la Lance , tome 1 : Ombre-montagne
de Hub (Scénario et dessin), Li (Couleurs)

critiqué par Shelton, le 28 janvier 2020
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Superbe album à ne pas manquer !!!
Certains se demandaient depuis quelque temps ce que pouvait bien faire Hub. Si vous ne le connaissez pas, il s’agit d’un auteur de bédés complet, un artiste fascinant, auteur d’une série hors-normes, Okko. Attention, Okko, c’est quand même dix magnifiques albums dans le moyen-âge japonais… Après, on l’avait retrouvé comme coscénariste de la série Aslak mais on se doutait bien qu’il devait nous mijoter quelque chose, quelque part, que l’on découvrirait cela le moment venu… Et le moment est arrivé !

Le tome 1 d’une nouvelle série, Le serpent et la lance, vient de sortir… et ce n’est pas rien car ce premier volume est déjà monstrueux à lui seul ! 180 pages, ce qui signifie que c’est quasiment l’équivalent de 4 albums qui sort en une seule fois !

On abandonne le Japon et on se précipite dans la civilisation Aztèque, on n’est pas dans le moyen-âge mais plutôt vers 1450, et la nature du récit nous rapproche d’un thriller sanglant et psychologique. Sanglant car cette civilisation est très cruelle et les morts seront nombreux, psychologique car nous allons nous insérer dans la tête de plusieurs personnages, du moins si nous voulons comprendre et suivre ce magnifique récit…

Très difficile de résumer ce premier volume, compliqué de donner un thème et quelques éléments factuels car dès le départ le lecteur comprend qu’il vient de tomber dans un piège infernal : on va naviguer à plusieurs époques, être accompagné de plusieurs personnages et mener une enquête à plusieurs facettes… C’est un peu comme un puzzle mais au lieu de le regarder terminé, on va aller chercher les morceaux un par un avant de les déposer sur une belle page planche…

Page blanche, tout est relatif car les couleurs de Li, l’épouse dans la vie d’Hub, sont flamboyantes, narratives et j’ai adoré ! Il faut d’ailleurs bien spécifier que les dessins, la narration et les encrages d’Hub sont d’une qualité éblouissante. Cet album est, du moins à mon avis, un bijou visuel avant d’être un moment sublime pour le lecteur. La lecture est exigeante mais la complexité du récit ne perd pas le lecteur… Seulement, quand vous arrivez à la fin, vous n’avez pas envie de quitter cet univers, soit vous ralentissez la lecture pour y rester plus longtemps, soit vous relisez l’album pour y retourner… J’ai dû faire les deux !

Alors, puisque le pouvoir aztèque s’inquiète de cette affaire de momies de femmes retrouvées, puisque un enquêteur officiel a été mandaté pour l’enquête, Serpent… Puisque certains préfèrent que d’autres s’en occupent en catimini ou incognito… Une seule solution, partir enquêter dans cette affaire qui est tout sauf simpliste…

Je suis très heureux d’avoir la chance de rencontrer Hub durant le prochain festival international de la bande dessinée et de pouvoir me laisser guider dans cet univers que, par ailleurs, je ne connais que fort peu !
Polar macabre en pays aztèque 8 étoiles

Difficile de ne pas être impressionné par cette œuvre consistante, qui n’est d’ailleurs que le premier tome d’une trilogie à venir. S’il faut tout de même quelques pages pour rentrer dans l’histoire, après un prélude très mystérieux montrant trois naissances dans un contexte de sacrifices humains destinés à vaincre la famine affectant l’Empire aztèque*, les éléments disparates de ce puzzle introductif vont se recouper assez vite. Il faut dire que la narration est assez complexe, avec nombre de personnages et de lieux aux noms imprononçables. Mais à l’évidence, le lecteur est vite happé par cette intrigue qui fascine d’autant plus qu’elle se déroule dans un contexte temporel et géographique peu connu, puisqu’il se situe quelque cinquante années avant l’arrivée des « conquistadors ». Par la suite on le sait, la culture et le peuple aztèques seront anéantis par une funeste conjonction des épidémies et de la puissance de feu de l’envahisseur espagnol.

Hub, qui se dit fasciné depuis l’enfance par cette civilisation, a très logiquement maîtrisé son sujet. C’est ainsi que l’auteur de « Okko » s’est lancé dans une reconstitution très poussée — avec moult termes en langue aztèque — de cet empire jadis florissant pour déployer une approche tout à fait atypique : mêler la vérité historique sur une civilisation éloignée dans le temps et peu familière pour l’Occidental moyen, à un genre narratif on ne peut plus actuel et très populaire : le thriller. Un parti pris susceptible de choquer les puristes mais qui fonctionne parfaitement, du fait peut-être qu’à l’évidence, un thriller ne peut que s’accommoder de cette culture qui parfois pratiquait, dans le but de satisfaire les dieux, des sacrifices humains sanglants à une cadence dantesque… Bien sûr, le talent de Hub y est pour beaucoup, et il en fallait pour rendre lisible cette intrigue aux multiples intrications.

Et bien évidemment, son talent ne s’arrête pas à la narration, puisque d’un point de vue graphique, on ne peut être qu’époustouflé par son trait riche et nerveux, précis et expressif, qui redonne un sacré coup de jeune au style franco-belge. Du grand art. L’atmosphère lourde et tendue est renforcée par la colorisation à la fois chatoyante et sombre de Li, laquelle correspond bien à cet univers vivant chargé de violence volcanique. D’ailleurs, et ce sera l’un des rares bémols dans cette chronique, certaines planches apparaissent exagérément foncées sans que l’on sache si c’est vraiment voulu ou s’il s’agit d’un défaut de l’impression, rendant la lecture parfois difficile.

Alors bien sûr, le lecteur, séduit par ce premier volet introductif qui globalement ne fait que poser les bases d’un récit haut en couleurs, attendra avec impatience la suite de la trilogie pour se prononcer définitivement. Mais cet « acte 1 » laisse augurer du meilleur pour une œuvre très ambitieuse, pas encore tout à fait culte mais promise à un beau succès.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 29 juin 2020