Livre-testament

En 1994, alors qu'il se sait condamné à court terme, Christopher Lasch publie La Révolte des élites, essai sociologico-historique visant à tirer un bilan de ses études et conclure sur les observations qu'il a menées au cours de ses réflexions.
Auteur hétérodoxe, Lasch se démarque rapidement de sa famille de pensée, la gauche et ce, dès les années 1960s. Critique du capitalisme, de l'individualisme contemporain et du consumérisme qui en découle, Christopher Lasch offre dans cet essai touffu et exigeant une synthèse roborative de ce qu'il considère comme une menace contre la démocratie aux Etats-Unis (et partant dans le reste du monde libéral occidental), à savoir la scission de la classe des élites du reste de la société.
Le lecteur moyen (dont je fais partie) doit faire un effort important pour suivre le cheminement de la pensée de Lasch et posséder les références dont il fait étalage: comprendre les développements rhétoriques du professeur requiert un investissement en temps et en concentration significatif même si l'essai est relativement court (250 pages dans l'édition donnée par Champs Flammarion).
Au premier chef de ces références, celle glissée dès le titre à l'ouvrage d'Ortega y Gasset (La Révolte des masses). Ce ne sont désormais plus ces masses qui posent un problème aux systèmes sociaux organisés même les élites qui cherchent à se soustraire à leurs obligations (celles d'être redevables de leur position dominante Première partie: L'intensification des divisions sociales p. 35-101). Dans une seconde partie, Lasch examine les leviers de la destruction de la démocratie par les élites: La remise en cause des critères communs (chap. 7 Politique et race à New-York, chapitre dans lequel il critique la politique de l'excuse née de la volonté d'intégrer les minorités), la défaillance du système éducatif (chap 8. Les écoles pour tous. Horace Mann et la guerre à l'imagination), le rôle de la presse dans l'uniformisation des analyses (chap. 9. L'Art perdu de la controverse), et la confiscation du discours par une certaine frange de l'Université (chap. 10. Le pseudo-radicalisme universitaire.)
Enfin, dans une troisième et dernière partie, Christopher Lasch revient sur les fondements même de l'évolution de la nature de la société américaine. Et, renouant avec sa théorie de toujours, il condamne la montée de l'individualisme et la dissolution des communautés. Dissolution qui laisse libre cours au développement échevelé des comportements destructeurs des sociétés.
Tout d'abord, l'influence néfaste de la psychanalyse (chap. 11. L'abolition de la honte) qui au XIXe.s. avec Freud insiste sur l'importance des facteurs externes sur les comportements individuels et qui expliquent les échecs des individus donnant à ces derniers la possibilité d'échapper à leurs responsabilités de leurs échecs. D'autre part c'est la perte de l'influence véritable de la religion sur le sens à donner à la vie (Chap 12 et 13).
Il me semble que Christopher Lasch est assez peu lu en France, ce malgré une figure importante du paysage intellectuel en la personne de Jean-Claude Michéa (auteur d'une courte préface à cette édition), que la connaissance de ses idées est limitée à un cercle restreint de lecteurs. Pourtant, il m'apparaît que son œuvre, et cet ouvrage en particulier parvient de façon convaincante à expliquer la crise du système politique américain jusqu'à aujourd'hui.
Je recommande la lecture de cet ouvrage sans hésitation: écrit il y a trente ans, il n'a pas vieilli et ce que son auteur exposait pour les Etats-Unis est dorénavant aisément transposable à nos sociétés européennes, donnant lieu à la montée d'un populisme provoqué par la trahison généralisée des élites.

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  La révolte des élites et la trahison de la démocratie [Texte imprimé] Christopher Lasch traduit de l'anglais par Christian Fournier

  de Lasch, Christopher Fournier, Christian (Traducteur)
  Flammarion / Champs
  ISBN : 9782081236813 ; EUR 9,00 ; 12/01/2010 ; 270 p. ; Broché

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