Musset : Poésies complètes de Alfred de Musset

Musset : Poésies complètes de Alfred de Musset

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Cédelor, le 31 janvier 2020 (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans)
La note : 8 étoiles
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Les oeuvres poétiques complètes d'Alfred de Musset, esthète romantique et plus encore

J’avais déjà lu plusieurs des meilleurs poèmes d’Alfred de Musset, dont « La nuit de mai » faisait partie de ce qui m’avait le plus impressionné. Alors le jour où j’ai tenu dans mes mains l’édition de La Pléïade des œuvres complètes d’Alfred de Musset, je n’ai pas hésité, je l’ai emporté et je l’ai lu de bout en bout !

Alors bien sûr, ça prend un peu de temps, surtout que pour chaque poésie, un renvoi en fin de volume à des notes explicatives, qui retracent le contexte de la poésie, comment elle a été écrite, montré à qui, quelles furent les réactions de sa famille, des critiques, du public etc, à quelle date elle a été éditée, par qui et où elle a été retrouvée, dans quelles circonstances… Et dans cette édition complète, je n’ai pas compté combien il y en a mais 200 serait un chiffre qui ne me surprendrait pas. Mais ces notes sont un véritable plus, pas seulement indispensables pour mieux comprendre bien des poèmes, pourquoi elles ont été écrites, à qui furent-elles adressées… mais cela nous fait rendre vivant et proche Alfred de Musset et le siècle dans lequel il vivait et les personnages qu’il côtoyait alors. Et cela nous apporte une petite touche d’émotion, rehaussé par le fait que Musset est un poète qui exprime beaucoup ses sentiments dans les poèmes qu’il a écrit. Sentiments et surtout sentiments d’amour.

De ce fait, il a beaucoup écrit à ses amis, et aussi à bien des femmes qu’il a aimé ou au moins désiré. La plus connue est bien sûr George Sand, qui ne fut toutefois pas le seul amour d’Alfred de Musset, il y en eu bien d’autres. Mais à lire tous ces poèmes, l’impression se dégage indubitablement que George Sand fut véritablement le seul amour de sa vie, la seule femme qu’il ait profondément aimé. Il ne se remit jamais de leur séparation. Et cela a joué sur sa force créative, qui s’en est allé depuis sur une pente déclinante et donc sur la qualité de ce qu’il écrivait.

Du moins, c’est ce que j’ai ressenti en lisant ses poèmes, qui sont présentés dans l’ordre chronologique où il les a écrits/publiés. Dans sa jeunesse, ses poésies sont d’une grande délicatesse, d’une richesse de sentiments, d’une diversité de tons et de thèmes, avec beaucoup d’humour, souvent colorés de sarcasmes et de railleries, qui se démarque des sentiers alors battus de la poésie. Cela est souvent amusant, entraînant, musical, primesautier. Que de plaisir on prend à les lire !

Puis peu à peu, à mesure qu’il approchait et entrait dans la seconde moitié de sa vie, la production s’amenuisait en qualité, la belle force créative dont il avait fait preuve jusqu’alors, plus jeune, s’affaiblissait, s’affadissait. Il faut dire que l’homme aussi, de jeune dandy insouciant et sensible qu’il était, est devenu un noceur désabusé et qui s’est rendu malade d’alcool. À la fin, il n’a plus fait grand chose que de laisser des courtes poésies, voire même juste quelques vers sur un bout de papier à des femmes rencontrés au gré des circonstances. Il n’y avait plus beaucoup de travail sérieux. Ce qu’on peut trouver évidemment extrêmement dommage, au vu du talent qu’il avait déployé dans sa prime jeunesse.

Jeunesse qui avait fait éclore nombre de poésies superbes. Voici celles qui sont mes préférés, liste non exhaustive :: « Don Paez », « Portia », « L’andalouse », « Ballade à la lune » (le fameux point de la lune sur le i du clocher !), «Mardoche », « Chanson », « Le saule », « A quoi rêvent les jeunes filles », «Namouna », « Rolla », « Une bonne fortune », « Lucie », « La nuit de mai », « La nuit de décembre », « La nuit d’août », « La nuit d’octobre », « Idylle », « Silvia », « Chanson de Fortunio », « Une soirée perdue », « Simone », « Sur la paresse », « Sur trois marches de marbre rose », plusieurs « A George Sand » et plus tardivement « Charles-Quint », « Les filles de Madrid ».Au final, Musset a beaucoup écrit, mais peu de poésies vraiment mémorables. Si on compare à d’autres poètes de la même époque, on ne peut s’empêcher de dire qu’il aurait pu mieux faire et plus. L’ensemble reste quand même conséquent : 595 pages de poésies et il faut y ajouter 320 pages de notes et variantes.

Victor Hugo a dit de lui que ses vers étaient bien charmants, bien légers, qu’il était un joli poète, mais pas un grand poète, et que Lamartine lui était supérieur. Pour avoir lu « Les méditations et nouvelles méditations » de Lamartine, mon sentiment est le même. Oui, Musset avait beaucoup de potentiel, une grande facilité à écrire les vers, mais n’a jamais pu atteindre ou dépasser un seuil plus solennel, plus universel, plus grandiose et profond, tel qu’ont pu le faire un Hugo, un Lamartine, un Vigny.

Pour finir, voici l’épitaphe qu’il s’est écrit à lui-même et qui a été gravé sur sa tombe :

Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
Sa pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.

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