Théâtre de Clara Gazul, Romans et nouvelles
de Prosper Mérimée

critiqué par Veneziano, le 23 février 2020
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
De belles nouvelles, souvent fantastiques et exotiques
Prosper Mérimée, Inspecteur des monuments historiques, se spécialise dans la nouvelle, pour devenir l’un des plus grands spécialistes renommés du genre au XIXe siècle, avec Guy de Maupassant, et même au sein de la littérature francophone. Le fantastique et les décors exotiques constituent les éléments récurrents de ses œuvres, où le suspense est alimenté crescendo. La lectrice et le lecteur apprécieront chacune d’elle à sa mesure, mais elles valent (presque) toute la peine, ouvrant des questions, au moins des intrigues bien menées. Laissons-nous guider.

Théâtre de Clara Gazul, critiqué le 20 février 2020 ; 3,5/5
Prosper Mérimée s'est soumis à son tropisme espagnol, avec tout ce qu'il comporte d'enthousiasme et de clichés. Ces pièces courtes relatent des sentiments forts, comme la fierté, le coup de foudre, la vengeance, l'émotion vive, le courage et les coups de bravoure. L'ensemble s'avère coloré, rempli d'effets, assez faciles, et de sensations fortes, mais ne présente rien de nouveau sous le soleil. Ca se laisse lire aimablement ; voilà tout.

Chronique du règne de Charles IX, critiqué le 20 février 2020 ****
Prosper Mérimée souhaite revenir sur la guerre de religions qui a saigné et endeuillé la France, en la centrant sur le règne d'un roi jeune et faible, Charles IX. Ce récit inspiré de la réalité historique est retracé sous l'angle de vue de Bernard de Mergy, jeune Protestant, qui se met au service de l'amiral de Coligny, lors d'une période de trêve en 1572. Son mentor connait une prise de bec avec le duc de Guise, chef de file des Catholiques, alors que le jeune Mengy retrouve son frère converti en papiste. Les deux héros périssent, le Protestant du fait de George, frère de Mengy. Ce récit finit dramatiquement.
La trame narrative retrace bien l'ambiance de l'époque, constituée de haine, de peur, de suspicions et d'incompréhensions mutuelle. Ce roman, assez court, permet de se resituer idéalement dans un épisode sanglant de l'histoire, le réalisme paraissant scrupuleux, les enjeux étant bien restitués, pour autant que j'en puisse juger. Il est décrit de manière haletante et réaliste. Je l'ai apprécié et trouvé intéressant.

Mateo Falcone, lu en décembre 1989 (en cinquième) critiqué le 15 juin 2012 ****
Un bandit rôde en Corse, est caché par Fortunato, fils de Mateo Falcone. Ceux qui le recherchent viennent demander où il est, et Fortunato dit tout. Du coup, la famille passe pour des traîtres. Les conséquences vont être assez lourdes.
Je reste un peu évasif, pour ne pas trop dévoiler de l'intrigue, ce qui peut être vite fait pour une nouvelle. Mais elle mérite que son contexte et son intrigue générale soient rappelés, tout de même.
L'intrigue est, en effet, bien menée ; l'aspect dramatique va crescendo et le dénouement est particulièrement fort et marquant.
Mérimée est moins prisé que Maupassant, en effet, il est moins étudié et fait moins référence, au point que j'ai pu oublier, en sept ans, de bons et loyaux services sur ce site, de venir y exposer ce que je pensais de ses nouvelles. Il s'avère qu'elles méritent un intérêt appuyé, en effet.

Tamango, critiqué le 20 février 2020 ; 2,5/5
Des Français s'aventurent faire du commerce au Sénégal, nouvelle colonie française. Ils y recherchent le précieux bois d'ébène et profitent des largesses locales en termes d'esclavage. A cette fin, ils utilisent l'entremise d'un puissant guerrier local, Tamango, qui tombe lui-même dans les mains du capitaine Ledoux, pour être déporté en Jamaïque.
Cette nouvelle constitue un plaidoyer intéressant contre la traite négrière, mais contient bon nombre de clichés raciaux, ce qui déprécie d'autant l'oeuvre, ce qui est dommage, vu l'intention générale.

Federigo, critiqué le 21 février 2020 ****
Federigo est beau et courtois, mais joueur et jouit de tous les plaisirs de la vie, également de ses charmes. Or, un beau jour, il reçoit, la visite de douze personnes, qu'il accueille et reçoit de manière magnanime. Il finit par comprendre qu'il s'agit de Jésus et des apôtres. Ces derniers sont venus voir ce que devenait celui dont ils n'ont plus eu de nouvelle via les messes et confessions. Comprenant quelle a été son existence, ils l'invitent à changer de vie. Le bougre négocie les conditions de son salut et y arrive en partie.
Cette nouvelle est aussi courte en longueur que surprenante dans sa teneur. Au XIXe siècle, la France reste très pratiquante, mais de là à mettre en scène de tels personnages, il y a un pas, franchi allègrement. De plus, la religion est peu ou prou tournée en dérision, puisqu'un charmeur arrive à négocier son accès au paradis. Mérimée dévoile ici sa nature voltairienne et présente le mérite de faire réfléchir sur la spiritualité et les conditions de ses rites.

Le Vase étrusque, critiqué le 21 février 2020 ****
Auguste Saint-Clair, beau jeune homme élégant, est connu pour son caractère taciturne. Aussi n'apprécie-t-il la compagnie que des personnes qui lui plaisent. Célibataire endurci, il finit par tomber amoureux d'une jeune veuve, Mathilde de Coursy. Ils commencent par former un couple parfait, quand Saint-Clair rentre dans une crise de jalousie. L'objet en est la présence dans le salon d'un vase étrusque, dont il soupçonne sa compagne de l'avoir reçu d'un autre homme. Elle énonce l'avoir reçu de Massigny, l'homme qui les a présentés, ce qui ne contribue pas véritablement à l'apaiser. En sortant, de méchante humeur, il rencontre Thémines, arrogant et expansif, avec qui il est en froid. Ils se prennent de mèche, ce qui provoque un duel, la fin dépendant de son issue.
Cette nouvelle, assez courte mais connue, illustre les ravages de la jalousie en amour et du caractère possessif en ce domaine. La synthèse voulue par l'exercice fait grossir un peu les traits, mais présente l'avantage de se concentrer sur une intrigue principale, sur laquelle elle invite à la réflexion. C'est assez bien fait. Cette narration courte présente également le mérite de s'interroger sur les moeurs d'une époque, l'auteur y procédant par un style alerte et une intrigue menée vivement.

La partie de trictrac, critiqué le 21 février 2020 ; 3,5/5
Le capitaine d'un navire décide de raconter une histoire vive, afin de tuer l'ennui de ses convives. Elle met en scène Roger, son meilleur ami. Il triche au jeu et en profite pour séduire une jeune femme de l'assistance, dénommée Gabrielle, qui se trouve être actrice et dotée d'un caractère affirmé. Un soir de partie de tric-trac jouée avec un Hollandais, Roger commence par perdre, puis gagner sa mise, au point de ruiner son partenaire de jeu, qui finit par mettre fin à ses jours. Rongé par la culpabilité, Roger confesse avoir triché non pas tant pour la séduire que pour le plaisir de la partie. Lors d'une bataille en mer, Roger obtient la promesse d'un ami d'être jeté par dessus-bord, en alternative au suicide. Or, il s'avère blessé au combat.
Et c'est le narrateur, le capitaine de navire, est interrompu par l'annonce de l'approche d'une baleine, qui constitue la fin abrupte de la nouvelle.
Par ce récit court que Mérimée interrompre de manière brutale, voire grossière, il prend le pari de frustrer la lectrice et le lecteur, de manière gratuite, alors que la narration est bien menée, l'intrigue portée par des rebondissements nombreux. L'auteur s'offre le luxe un tantinet pervers d'un plaisir gâché.

Lettres d’Espagne, critiqué le 21 février 2020 ; 4,5/5
Marqué par un fort tropisme espagnol, ce dont relatent ses écrits, Prospère Mérimée décide assez naturellement de visiter son pays de prédilection. Par une série de lettres conservées de lui à ce sujet, la lectrice et le lecteur découvrent une part de ses moeurs et usages. Il semeur de Madrid à l'Andalousie, en passant par Valence. Il en apprécie la gastronomie et le sens de l'hospitalité, comme les clichés portés d'une région à l'autre. Il émet un jugement nuancé sur la corrida, qui le choque autant qu'elle l'intrigue. En Andalousie, il ne croise pas en série les bandits de grand chemin qui font la réputation de la région et apprécie le grand coeur des personnes qu'il y croise. Il évoque le statut des sorcières dans ce pays, comme la considération de la mort, de l'amour et de la séduction.
Il est intéressant de pouvoir bénéficier d'un témoignage assez lointain sur un pays voisin, ce qui permet de voyager autant de le temps que dans l'espace. Ces lettres permettent également de fixer le cadre de l'inspiration des nouvelles de Mérimée, si imprégné de l'imagerie issue de ce pays. Sans constituer une étude anthropologique, elles constituent un document intéressant et agréable à lire.

La Double méprise, lu en décembre 1999 et critiqué le 26 février 2006 ****
Cette oeuvre tient de Madame Bovary en plus ramassé, ce qui n'est pas négligeable : l'action en est serrée et plus vive. Comme souvent au XIXème siècle, il s'agit d'une histoire d'amour contrariée ; et, comme souvent chez Mérimée, c'est une nouvelle.
L'héroïne en est Madame Julie de Chaverny. Elle se commet à une double méprise, dans toute la polysémie du terme, ce qui rend le titre très fin, au sens de mépriser et de se méprendre. Elle vit avec un mari dont elle exècre la médiocrité. Il est certes riche, ce qui permet à sa beauté et à sa jeunesse de briller de tout son éclat, mais ce militaire, avec le temps, s'est vite montré un rustre.
Elle commence à s'éprendre d'un commandant placé auprès de lui, Monsieur de Châteaufort, qui accompagne même le couple à l'opéra, ce qui vaut des oeillades au bout des lorgnons et jumelles sur les caressements de mains.
Puis, revient de Constantinople Monsieur Darcy, Secrétaire d'ambassade, que Madame de Chaverny a bien connu. A un dîner, il relate son séjour.
Et, suite à un accident de voiture, Monsieur Darcy vient à son aide. Ils se souviennent de son passé. Et c'est là que l'on comprend, par leur conversation, comment ils ont pu se méprendre.
J'en reste là. Comme vous le préfigurez probablement, l'histoire tourne plutôt mal, et de mouture fort classique. Darcy et Châteufort se présentent conjointement chez elle et...
C'est assez agréable, mais du déjà lu maintes fois. Ces auteurs du XIXème, tout admirables qu'ils soient, s'influencent et se concurrencent les uns les autres. C'est un peu à celui qui exprimera la même chose le mieux, un peu à la manière d'un exercice de style.
La couverture de ce petit ouvrage m'a intrigué. On y voit deux personnages allongés, nus. C'est en soi assez agréable, mais il n'est pas question, dans cette nouvelle, de liaison charnelle. L'illustration est d'une certaine Chloé Poizat. L'homme ressemble à s'y méprendre - décidément - à Gérard Philipe, qui ne ressemble en rien à Monsieur de Chaverny, ni même vraiment à Darcy, censé être fort beau, mais blond. Châteaufort, probablement, mais son personnage est finalement un peu en retrait.

Les Ames du purgatoire, critiqué le 21 février 2020 ; 4,5/5
Prosper Mérimée nous livre une déclinaison du mythe de Don Juan, séducteur. En introduction, il commence par énoncer que deux personnages ont fort vraisemblablement contribué à constituer le mythe, au prix d'une confusion entre les deux. Il évoque celui de Maraña, fils du comte don Carlos. Jeune, il est intrigué par le tableau de la demeure représentant le purgatoire. Il se tourne naturellement vers la religion, et est envoyé au séminaire. L'étudiant qui le prend sous son aile l'initie à la séduction des femmes, chacun portant son dévolu l'une d'entre elles, ce secret dévoilé les invitant à tuer un homme. Ils incorporent ensuite l'armée, sous le commandement du capitaine Gomar, qui lègue, à sa mort, un patrimoine substantiel à don Juan. Ce dernier continue son existence à séduire, mais se repend une fois malade de sa vie dissolue, en ayant pris le soin de draguer une religieuse, afin de dresser un tableau de chasse exhaustif.
Il livre sa version du fantasme du séducteur sériel, s'en excusant par la rédemption du fautif, là où Molière et Mozart se sont abstenus de la présentation de remords de la part de leur héros. La morale et la religion sont donc ici autant présentes que le stratagème amoureux compulsif, ce qui donne plus de relief au récit, qui s'en avère d'autant plus intéressant.

La Vénus d’Ille, lu en décembre 1989 et critiqué le 15 juin 2012 ; 4,5/5
A l'instar des nouvelles fantastique de Maupassant, celle-ci marque les esprits, en tout cas le mien, par les interrogations qu'elle fait naître, sur les coïncidences, liens de cause à effet qui peuvent être trouvés. La beauté et l'étrange se croisent, pour le meilleur et pour le pire.
Elle peut donc être lue et relue avec plaisir et intrigue.

Colomba, lu en juin 1990 et critiqué le 15 juin 2012 ; 4,5/5
La Corse et l'honneur familial sont décidément, avec Mateo Falcone, des thèmes chers à Prosper Mérimée. C'est une femme, cette fois-ci, qui tient le devant de la scène, pour venger la mort du père, en tentant de faire jouer son rôle à son frère.
La place des deux genres dans la société et la famille corses est intéressante. La femme est en retrait, mais doit influer, et celle-ci ne s'en prive pas. Elle se métamorphose en complément, voire en substitut, de choix à un frère un peu en retrait.
La place de la famille, de la vengeance et de la répartition des rôles ne manque pas d'intérêt.
Comme d'habitude chez l'auteur, le style est enjoué et vif, la narration menée tambour battant, la lectrice et le lecteur bien mis en haleine.

Arsène Guillot, critiqué le 21 février 2020 ; 4,5/5
Madame de Piennes, jeune et belle femme très pieuse, vient se recueillir à l'église, comme tous les jours. Elle remarque une autre jeune femme, fort maigre et nerveuse, tentant des efforts vestimentaires, qui souhaite déposer un cierge pour un motif semblant relever d'une superstition populaire. Quelques jours plus tard, elle apprend que la pauvre s'est jetée de la fenêtre et entreprend de lui venir en aide, son devoir de charité l'y invitant. Elle mandate le médecin pour s'en occuper. Elle peut se sortir de ses fractures, mais reste très fragile. Il ressort d'un échange avec l'intéressée qu'elle est poussée au désespoir par une condamnation à la "galanterie" par l'homme qu'elle adore. Jean-Max de Salligny, revenant d'Italie, vient saluer la dame-patronnesse qui comprend le lien qu'il détient avec la victime, tout comme le fameux personnage éponyme de la nouvelle, Arsène Guillot, qui aime la jeune femme de façon romantique et qui vient à mourir.
Cette nouvelle déconcerte par la gravité des sujets abordés, la prostitution, indicible à l'époque, et l'amour passionné à rebondissements. Cette oeuvre courte fait oeuvre de psychologie, d'analyse sociologique, d'une volonté de narration haletante et d'une ironie à peine larvée de la pratique religieuse. Il n'est pas dénué de beaux sentiments et fulgurances amoureuses. Beaucoup de choses s'y trouvent donc mêlés ; c'en est marquant.

Carmen, critiqué le 21 février 2020 ; 3,5/5
Don José, militaire espagnol, raconte son histoire à un archéologue français de passage. Il décrit son coup de foudre pour Carmen, Gitane, aimante mais indomptable, condamnant les hommes qui l'approchent à un amour aussi éphémère que son passage dans chaque ville.
Dans cette nouvelle, donc dans une oeuvre assez courte, les rebondissements ne manquent pas, à la manière qu'affectionne donc l'auteur, tout comme l'inspiration espagnole, à laquelle il reste fidèle. Elle s'avère intéressante par le traitement de l'indépendance des femmes, via le traitement d'une population nomade, mais au prix de quelques clichés tenaces qu'il contribue par véhiculer, mais l'intention prime. La protagoniste détient la franchise de spécifier qu'elle a tendance à ne pas s'attacher, mais elle n'en demeure pas moins un tantinet cruelle. C'est assez agréable à lire.

L’Abbé Aubain, critiqué le 22 février 2020 ****
Dans cette nouvelle de type épistolaire, constituée donc d'une suite de lettres, la lectrice et le lecteur apprennent qu'une dame parisienne de la haute bourgeoisie, Madame de P***, tombe en infortune et s'installe dans la petite ville de Noirmoutier. Ne sachant comment tuer le temps, elle jette son dévolu sur le pauvre curé du coin, l'abbé Aubain, qui s'avère fort cultivé, si bien qu'elle lui demande des leçons en tous genres. De fil et en aiguille, en lui tirant les vers du nez, elle comprend qu'il a eu la vocation sur le tard, en raison d'un dépit amoureux. Comme il se satisfaisait fort bien jusque là de son affectation, à l'écart des bruits de la ville, il finit par obtenir une mutation en milieu urbain, l'attitude intrusive de la charmante dame l'ayant autant lassé que son médiocre niveau intellectuel.
Le désoeuvrement et le déclassement social sont mauvais conseillers : c'est la morale tissée ici, dans cette nouvelle que pourrait avoir conçue Honoré de Balzac. L'ingérence de personnes superficielles dans la vie des autres provoque des conséquences inattendues, ce qui constitue une leçon à méditer. Cet écrit reste fort court, mais assez riche d'intérêt sociologique et psychologique.

Je vous renvoie à mes critiques éclair pour les autres nouvelles contenues dans ce volume.

Il Vicolo di madama Lucrezia, critiqué le 22 février 2020 ; 4,5/5
Après la Vénus d'Ille, Prosper Mérimée récidive avec une nouvelle traitant de l'influence fantastique des oeuvres d'art, détenant des pouvoirs humains. Le titre signifie en italien "La Ruelle de Madame Lucrèce", le lieu de l'action étant la ville de Rome, où a vécu au passage Lucrèce Borgia.
Le narrateur est le fils d'un aristocrate français qui l'envoie à Rome. Le père possède un portrait de jeunesse de la marquise Aldobrandi et recommande son fils auprès de cette dernière. Le visiteur est saisi, à son arrivée, de deux surprises tenant à des oeuvres d'art, les traits ayant conservé la fraicheur de sa jeunesse par la marquise et la forte expression du regard du portrait de Lucrèce qu'elle détient dans son salon, exécuté par Léonard de Vinci. Lors de la visite d'une noble dame germanique, il croit constater que la peinture a effectué un mouvement de paupières, ce qui émeut fortement la visiteuse qui se souvient d'un événement impressionnant dans un cadre similaire.
Aussi le fils de la marquise romaine est-il destiné à la carrière ecclésiastique et se montre-t-il très effacé. Or, son dessein change radicalement de voie, apparemment sous l'influence de ce fameux portrait.

Le poids des superstitions et de la réputation des grandes figures du passé pèse sur l'imaginaire des personnages de cette nouvelle surréaliste. Si elle reste courte, elle n'en procure pas moins une forte impression. Les rebondissements se bousculent, l'analyse psychologique fait mouche, dans un cadre irrationnel teinté d'une forte ironie envers celles et ceux qui si piquent d'influences irraisonnées. C'est assez jouissif. J'en recommande la lecture, d'autant plus que cet écrit est apparemment peu connu. Je l'ignorais personnellement, avant de m'être attaqué aux oeuvres complètes de l'auteur.

La Chambre bleue, critiqué le 23 février 2020 ****
Un couple étonnant, composé d'un jeune homme, Léon, et d'une jeune femme mariée, aimant et tout aussi flegmatique, s'apprête à une nuit à l'hôtel et s'installe dans la chambre bleue d'un train de nuit. Si la nature de l'idylle surprend, la nuit s'avère d'autant plus riche en surprises, avec des altercations en séries. Léon, le lendemain matin, découvre, une mare rouge, qu'il prend inévitablement pour du sang, mais qui ne relève que d'un accident domestique, qui n'a été fatal qu'à une bouteille de porto.
Le protagoniste étonne, voire choque, par sa retenue. Il souhaite manifestement rester discret, en raison de sa relation, ce qui ne l'incite que discrètement au courage. Le hasard faisant bien les choses, il peut aimablement rentrer dans le rang. L'intrigue conservant sa part de mystère sur la psychologie du personnage principal, la lectrice et le lectrice sont amenés à s'interroger sur sa nature profonde, se poser des questions, qui ne sont pas forcément à la faveur de Léon. Cette nouvelle reste donc intéressante, avec son halo d'incertitudes et sa dose d'hypocrisie.

Lokis, critiqué le 23 février 2020 ****
Un professeur s'embarque en Lituanie dans le cadre de ses recherches. Il part investir un château comprenant des manuscrits dont la lecture lui est nécessaire. Or, la grande du comte ne s'avère pas moins mystérieuse que son possesseur. Sa mère eût été violée par un ours, avant de sombrer dans la folie, alors que l'ambiance des lieux fait naître une intrigue croissante.
Mérimée renoue ici avec le fantastique, le caractère peu connu du cadre permettant d'amplifier l'effet. Il se prête à l'horreur et à la suspicion, le tout dans un milieu apparemment feutré. Le fantastique teinté de psychose est bien traité par une intrigue allant crescendo.

Djoûmane, critiqué le 23 février 2020 ****
Après l'Espagne et la Corse, et même une étape en Lituanie, Mérimée s'offre une étape au Maroc. Et il en profite pour (nous) replonger dans une atmosphère fantastique. Une troupe de l'armée française suit le Maréchal-des-logis Wagner. Ces hommes doivent régler une altercation avec un autochtone. Avant cela, ils sont reçus somptueusement à une immense repas. Or, un jeune lieutenant est témoin d'une scène étrange, où un sorcier offre une jeune fille à un énorme serpent, nommé Djoûmane. Il la recroise par la suite sous les traits d'une superbe femme, juste après avoir affronté l'Arabe. Or, cette femme se mit de nouveau à se métamorphoser et montra qu'elle n'était autre que Wagner.
Les fantasmes en terre inconnue où les clichés alimentent l'imaginaire peuvent donc s'avérer dangereux. C'est ce qui constitue la morale de cette nouvelle fantastique fort intrigante, qui ouvre toute une série de questions, laissée par conséquent en suspens. C'est intéressant, comme maîtrise du suspense.