Le répondeur
de Luc Blanvillain

critiqué par Frunny, le 17 mai 2020
(PARIS - 59 ans)


La note:  étoiles
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Professeur de lettres et passionné de lectures, Luc Blanvillain (1967- ) s’est rapidement spécialisé dans les romans jeunesse. Il publie son premier roman chez Quespire en 2008, Olaf chez les Langre.
"Le répondeur" paraît en 2020 (Quidam)

"Monté à la capitale" pour rencontrer le succès, Baptiste se produit depuis quelques mois dans la petite salle d'un théâtre alternatif.
Ses imitations décalées de voix méconnues ne remplissent pas la salle et le contraignent à écrire des newsletters pour payer le loyer de sa chambre de bonne parisienne.
Alors, quelle ne fut pas sa surprise quant à la sortie d'une de ses représentations, il est accosté par LE grand écrivain Pierre Chozène (Echenoz ?). Ce dernier va lui proposer un travail des plus singulier : se faire passer pour lui, le temps d'écrire son Grand roman et disposer de temps et de silence.
Le marché est vite conclu, Chozène lui remet son téléphone, quelques fiches des principaux interlocuteurs qui ne manqueront pas l'appeler et une belle enveloppe de billets.
Il ne s'agit pas seulement d'imitation, c'est une véritable mission d'infiltration, comme dans les polars. Un jeu dangereux aux conséquences hasardeuses. Une aventure qui pourrait infléchir le destin de ses interlocuteurs pensant communiquer avec Chozène.

Une idée originale, des développements inattendus, des remises en question de nos vies fragiles et mouvantes.
Qui, du donneur d'ordre ou du bras armé, sera le plus secoué par cette aventure ?
C'est le poids des technologies dans nos vies qui est subtilement abordé, avec gravité et humour.
Un agréable moment de lecture.
« Un imitateur, une doublure, un prête voix, un fantôme, un larbin sonore, un serveur vocal » 10 étoiles

Baptiste, imitateur talentueux qui se produit dans un petit théâtre associatif menacé de fermeture reçoit à l'issue d'un spectacle l'étrange proposition d'un romancier à succès : Pierre Chozère, las d'être sans cesse perturbé dans son travail d'écriture par des appels téléphoniques qui le déconcentrent. Il souhaite que Baptiste devienne, en contrefaisant sa voix  « son répondeur »

Baptiste hésite, s'entraine et finit par accepter, attiré par la rémunération que lui offre Chazéne .
Le voilà donc en possession nuit et jour du portable de l'écrivain . Les appels sont incessants : appels professionnels d'éditeur, de journalistes , appels privés des proches de Chazène : son père, son ex-épouse, sa fille, sa maitresse .
Tout se complique car Baptiste « suscite la confidence », aux dires de ses interlocuteurs.
Sa vie est phagocytée par celle de Chazéne …..
Il en arrive à commettre des maladresses. S'ensuivent des quiproquos dignes d'une pièce de Marivaux .

Le roman se présente comme une comédie de mœurs actuelles, alternant comiques de situation, de caractères , de gestes, de répétitions.
La farce risque même parfois de tourner au drame . Même si on se perd parfois dans les méandres de l'intrigue on s'y retrouve plus loin, le sourire aux lèvres .
Rien d'étonnant à ce que le roman ait inspiré le scénario d'un film récent qui porte le même titre et qui a été primé au festival de l'Alpe d'Huez en février .

Si j'ai apprécié le film, j'ai surtout été séduite par le roman de Luc Blanvillain. J'ai particulièrement goûté les délices de son écriture animée d'une énergie verbale qui révèle son amour des mots, dont témoignent le paragraphe de Villiers de L'Isle-Adam placé en exergue et une phrase qui concentre les rôles qu'endosse Baptiste « un imitateur, une doublure, un prête-voix, un fantôme, un larbin sonore, un serveur vocal »
Il arrive aussi à l'auteur d'utiliser des mots peu usités qu'il place sans pédanterie ni de volonté d'emphase dans un autre contexte, sans autre intention que celle d'instiller de l'humour dans les situations.

Pour moi, un roman-friandise , comme celles dont se nourrit le sympathique Baptiste ….

Alma - - - ans - 18 juin 2025