L'homme qui tua Chris Kyle de Fabien Nury, Brüno (Dessin)

L'homme qui tua Chris Kyle de Fabien Nury, Brüno (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers

Critiqué par Hervé28, le 25 mai 2020 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 2 911 

Portrait dérangeant d'une certaine Amérique

Comme certains, je n'ai pas attendu la sortie de l'album en couleur pour me procurer la version n&b, tant je suis fan du dessin en n&b très épuré de Brüno. (je possède d'ailleurs l'ensemble de ses albums en n&b)
Ce livre s'ouvre sur la célèbre réplique de "l'homme qui tua Liberty Wallance" de John Ford "quand la légende devient réalité, on imprime la légende", ce qui sied parfaitement à cette histoire.
le scénario se base sur l'histoire de Chris Kyle (qui avait déjà fait l'objet d'un film "American sniper" de Clint Eastwood) mais surtout va beaucoup plus loin que le film ,à travers notamment le portrait d'Eddie Ray Routh, le meurtrier.
En suivant ces deux personnages, Chris Kyle et Eddie Ray Routh, Fabien Nury nous dresse un portrait sans concession des Etats Unis, empreinte de nationalisme, de suprématie blanche, mais aussi et surtout très attachée aux armes à feu , et au business (le destin de veuve de Chris Kyle est d'ailleurs à ce point remarquable).
Bien sûr cet album relève beaucoup plus du reportage dessiné que d'une aventure classique dont nous avaient habitué Nury et Brüno. D'ailleurs, il n'y a pas de dialogue ici.(Fabien Nury s'en explique d'ailleurs dans le très bon dossier présent à la fin de l'album). Avec un découpage assez original, les auteurs utilisent les clip vidéo,les interview TV données par les différents protagonistes pour nous livrer leur version de l'histoire. Certes on peut regretter un peu trop de copié/collé niveau dessin, mais sur la pagination (152 pages) cela passe. Graphiquement, le travail de Brüno est parfait, et je me contenterai uniquement de la version noir et blanc tant elle est parfaite à mes yeux.

Pour ceux qui s'attendaient à une aventure type "Tyler Cross", jetez-y un coup d’œil tout de même, cela vaut le coup d’œil.
En tout cas , j'ai bien aimé cet album à la fois déconcertant sur la forme mais passionnant sur le fond.

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Les éditions

  • L'homme qui tua Chris Kyle - tome 0 - L'homme qui tua Chris Kyle
    de Nury, Fabien Brüno, (Illustrateur)
    Dargaud
    ISBN : 9782205086607 ; 27,00 € ; 15/05/2020 ; 180 p. ; Broché
  • L'homme qui tua Chris Kyle [Texte imprimé] Nury, Brüno couleur, Laurence Croix
    de Nury, Fabien Brüno,
    Dargaud
    ISBN : 9782205084672 ; 22,50 € ; 29/05/2020 ; 164 p. ; Broché
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Le destin-boomerang d'un tueur de masse devenu héros

8 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 4 juillet 2020

Chris Kyle, ex-soldat américain ayant combattu en Irak, érigé au rang de héros national à son retour au pays. Ses faits d’armes ? Avoir abattu depuis les toits quelque deux cent personnes du camp ennemi, Kyle étant un redoutable sniper. Rien ne laissait prévoir que cet homme adulé de tous serait un jour assassiné, qui plus est par un compatriote, soldat tout comme lui… Cette BD-docu remonte le fil des événements pour tenter de comprendre un fait divers qui a choqué l’Amérique des patriotes et inspiré le cinéma. Et nous laisse avec un sentiment allant du dégoût à la fascination.

Une fois n’est pas coutume, le duo de choc Nury-Brüno, qui depuis « Tyler Cross », fait figure de référence dans le milieu du neuvième art, tente une incursion dans le documentaire. Fascinés par le western et le roman noir « hard boiled », ces deux-là ne pouvaient que s’intéresser à Chris Kyle, celui qui de son vivant était surnommé « La Légende ». Le fait de tuer de sang froid 255 personnes, dont 160 « confirmés », fit de lui le « recordman du nombre de tués homologués de toute l’histoire de l’armée américaine ». Un palmarès impressionnant qui d’un point de vue européen pose beaucoup de questions sur cette Amérique toujours encline à se fabriquer des héros, a fortiori quand cela réactive le mythe du cow-boy à la gâchette facile, prêt à sauver la veuve et l’orphelin.

L’approche de Fabien Nury pourra choquer ceux qui s’attendent à trouver dans l’ouvrage une charge cinglante contre cette Amérique que nous adorons détester de ce côté-ci de l’Atlantique. La narration retranscrit de façon extrêmement objective le cours des événements, depuis le retour d’Irak du vétéran Chris Kyle jusqu’à son assassinat en février 2013 par l’ex-marine Eddie Ray Rouch.

Ce dernier, qui avait été également en Irak ainsi qu’en Haïti pour une mission humanitaire, était victime tout comme Kyle de PTSD (trouble de stress post-traumatique). Rouch n’avait pourtant jamais tué personne mais il avait vu l’horreur. Vouant une admiration sans bornes à l’ancien sniper, il rêvait de le rencontrer. Mais Rouch avait pris la voie inverse. Gavé d’antipsychotiques, en proie à la démence et passant ses journées à se défoncer, il était devenu l’antithèse de Kyle, le pur loser, un envers de rêve américain.

Si Nury ne se livre pas une attaque violente du système US dans ce docu-BD, sa façon d’égrener les faits est beaucoup plus subtile et constitue en elle-même une accusation si l’on reste un tant soit peu attentif. L’auteur semble faire confiance à l’intelligence de ses lecteurs, et rien que pour cela, on peut lui en être reconnaissant. Il est possible d’aimer les westerns ou les polars sans pour autant défendre le port d’armes, et le co-auteur de « Tyler Cross » semble vouloir le prouver ici. Quant au dessin de Brüno, il reste toujours impeccable, malgré le format « copier-coller » pour la retranscription des quelques interviews qui pourra éventuellement frustrer les plus accros aux vues panoramiques hollywoodiennes auxquelles il nous a habitués.

« L’Homme qui tua Chris Kyle », une fois de plus, confirme la parfaite alchimie entre ces deux auteurs. Sachant maintenir le lecteur en haleine, la narration est passionnante, puissante, décuplée par le minimalisme parfaitement calibré du dessin. Sous la lumière tapageuse d’une certaine Amérique, Nury et Brüno ont su en débusquer la proportionnelle noirceur, sans ostentation inutile. Et du coup réussissent avec brio leur entrée dans le documentaire.

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