Et la lune, là-haut de Muriel Zürcher

Et la lune, là-haut de Muriel Zürcher

Catégorie(s) : Enfants => 12-15 ans

Critiqué par Dervla3012, le 7 juin 2020 (Inscrite le 7 décembre 2019, 18 ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 3 679 

Un roman inspirant à la fois beaucoup et peu : une lecture mitigée

De quoi ça parle ?

Alistair n’a qu’un rêve : partir sur la Lune. Mais à vingt et un ans bien comptés, il n’est jamais sorti de son petit appartement. Depuis sa naissance, sa mère l’y enferme et lui refuse la moindre interaction avec l’extérieur.

Le jeune adulte ne s’en trouve pas pour autant démuni. Génie des maths, il a appris tout seul un tas de matières complexes, telles que la planétologie ou la science des matériaux.

Néanmoins, il y a une chose qu’il n’a jamais totalement réussi à maîtriser depuis l’écran de son ordinateur : la vie sociale. Prisonnier de sa propre génitrice, il n’a pas connu ce qui semble anodin au commun des mortels : courir, interagir, discuter, voyager, faire ses courses…

Alors, lorsqu’il se réveille un matin pour découvrir le corps sans vie de son bourreau étendu dans le salon, il va bien vite se rendre compte d’une chose : la réalité n’attend jamais pour nous rattraper. Bientôt, le grand monde sauvage et inconnu forcera les portes de sa cellule douillette…

Yaro, à peine dix-huit ans et complètement livré à lui-même, ne peut compter sur personne. Sans-papier, il erre dans les rues de la ville, à la recherche de LA bonne affaire.

C’est ainsi qu’en apercevant un grand gars déboussolé sortir de son immeuble, il pense avoir touché le gros lot. Mais comme le dit le dicton, les apparences sont trompeuses et l’occasion idéale tourne bien vite au vinaigre. Dès que Yaro établit le contact avec Alistair, il s’engage dans un nid d’embrouilles dont il ne pourra se dépêtrer.

Envers et contre tout, l’adolescent et le grand échalas rêveur s’unissent et s’engagent dans une aventure périlleuse contre la société et les barrières imposées. À deux ne peut-on pas tout conquérir ? Des papiers par exemple, ou encore la Lune !

Mais les épreuves ne sont pas toujours simples pour deux hommes toujours enfants, surtout aux yeux de la grande matrice : l’opinion publique.

Mon avis :

Les personnages :

Ils sont attachants.

Je pèse mes mots, rendez-vous compte. Alistair, jeune adulte vif mais spécial, aimante le lecteur et attise sa sympathie. Comme le dit son compagnon de voyage : Alistair « est le gars le plus asocial qu’[il] connaisse, il passe son trajet à éviter le moindre contact physique avec sa sublime voisine, il reste plongé dans son livre, et malgré ça, il réussit à créer un lien entre tous les gens du wagon. […] [Si Yaro] avait la moitié de la capacité d’Alistair à embobiner les autres, il aurait déjà été régularisé. »

Dans la dernière analyse littéraire en date (Boo de Neil Smith), le protagoniste, Oliver, possédait un caractère trait pour trait identique à celui de ce jeune homme lunatique de vingt et un ans. Toutefois, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, ce personnage m’avait paru trop peu réaliste, enfantin à mon goût. Malgré les efforts visibles de l’auteur, je ne suis pas parvenue à éprouver de la sympathie pour lui. Il arrive assez fréquemment que l’écrivain n’arrive pas à coller à son personnage : sa mentalité, son âge. En voulant créer un être marginal ou plus clairvoyant que les autres, on aboutit trop souvent à un côté « surfait ».

Ici, bien au contraire, Alistair a souvent provoqué de grands éclats de rires chez moi. Son attitude décalée, toujours un train de retard derrière les autres, mais néanmoins beaucoup plus en avance qu’il n’y paraît, n’a pas manqué d’attirer mon attention. Bien que les émotions de celui-ci puissent apparaître pour certains encore plus puériles que celles d’Oliver, il possède une aura, un petit quelque chose de plus qui ne manque jamais d’enthousiasmer le lecteur. Tout compte fait, la description de Yaro citée plus haut se révèle d’une vérité pure et dure !

Quant aux autres protagonistes de ce roman, Yaro, Sidonie, ils sont également dignes d’attention. Pétillants et sarcastiques, dérangés et spontanés… Tous contribuent à cet incroyable mélange frais et revigorant.

La trame :

Le fil conducteur de cet ouvrage est… intéressant. Plaisant et simple, il n’est pas difficile à suivre et ne requiert pas une grande attention du lecteur. Toutefois, il ne possède pas le petit plus qui peut rendre un roman « marquant ».

Une fois après avoir tourné la dernière page du roman, ma première pensée a été :

« C’est une agréable lecture que voilà ! »

Toutefois maintenant, quelque temps plus tard, la trame a déjà commencé à s’effacer de ma mémoire. Ceci ne peut signifier qu’une chose : ce n’est pas un livre à l’empreinte durable.

En conclusion…

Et la lune, là-haut me laisse mitigée. M’inspirant à la fois beaucoup et peu. Il est parfois des romans qui offrent matière à réflexion et, au bout du compte, n’apportent pas grand-chose.

Outre les personnages attachants et sympathiques, le style est fluide, agréable et possède une certaine originalité. En somme les ingrédients sont réunis pour créer un très bon ouvrage et pourtant, faute de véritable armature, l’impression laissée par sa lecture se dissout presque entièrement au fil du temps !

Mais bon… Au fond, le mieux serait que d'autres le testent et en fassent des retours ! ; )

Un avant-goût pour les intéressés :

Il est toujours bon de partir avec une atmosphère en tête. En trois citations, Et la lune, là-haut peut se résumer ainsi :

« Le lendemain, elle attache les menottes autour des chevilles de son fils. La chaîne qui les relie fait une quarantaine de centimètres, de quoi se déplacer à très petits pas dans l’appartement. Il lui faut moins de quatre heures pour réussir à débloquer le mécanisme et se libérer. Les chaînes sont aussi dans sa tête, il ne sortira plus de l’appartement. »
« – Je fais des photos des rails, sous le train. Ils brillent et il y avait un oiseau. Tu crois qu’il existe un nettoyeur de rails ? Il y a peut-être des souris aussi. Ou des rats, comme Rémi dans Ratatouille.

Yaro accélère le pas. Qu’est-ce qu’il lui a pris de venir à Paris avec lui ? Pour rester discret, il y a mieux !

– C’est bon ? T’as fini ton reportage animalier, on peut aller à l’Observatoire ? »

3. « – Ben non ça va pas. Je me doute bien qu’y a un endroit où ma vie a buggé vu que je suis avec des gens qui parlent de dessécher de la pisse… mais où est-ce que ça a bien pu dérailler ? Là, je ne vois pas. Alistair, au moins, il a une excuse pour être aussi barré. Mais toi, tu devrais être en train de l’engueuler et de l’obliger à régler le problème de sa mère plutôt que de le faire participer à des concours de pisse.

– Les concours de pisse sont des concours comme les autres, répond Sidonie. Je ne vois pas en quoi ça te choque. »

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